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Utilisateur:Bert7121/Brouillon

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Le cinéma direct est une typologie du cinéma documentaire qui a vu le jour en Amérique du Nord, au Québec et aux États-Unis, entre 1958 et 1962. Le cinéma direct a été appelé cinéma-vérité entre 1960 et 1963 en France, avant d'être rebaptisé cinéma direct. Dans son acception initiale, il se caractérise par un désir de capter directement le réel et d’en transmettre la vérité. Il sera au cinéma, de façon plus durable, une manière de se poser le problème du réel[1], voire de tenter d'y agir par le cinéma en discutant au sein du film de la capacité du medium à saisir ou à provoquer l'émergence de la « vérité » intime des personnes filmées[2].

Les origines du direct[modifier | modifier le code]

Les trois grands pôles[modifier | modifier le code]

Office national du film du Canada et la province de Québec[modifier | modifier le code]

Le cinéma direct, à proprement parler, naît à Montréal (province de Québec), au siège social de l'ONF, au sein du « studio français », et ce, en plein synchronisme historique de ce qu'on appellera la « révolution tranquille ». Cette période d'émancipation culturelle et économique peut se comprendre succinctement par la convergence de trois phénomènes : le courant de décolonisation mondial, le développement de l'État-providence accompagné d'une laïcisation institutionnelle, ensemble rendu possible par la croissance économique des Trente Glorieuses et par le baby boom québécois.

Le résultat de ces trois mouvements qui chamboulent complètement la société québécoise est une myriade de points de vue contradictoires dont rend compte l'article sur Les Raquetteurs de Michel Brault (1958). La contribution du cinéma québécois au direct est probablement la plus importante contribution faite au cinéma mondial par cette cinématographie nationale.

Celui qui a lancé le cinéma direct à l'ONF est Pierre Perrault. Le cinéaste québécois voit dans le médium du cinéma un moyen de conserver une mémoire. Ainsi, dans son film documentaire, Pour la suite du monde, Perreault réintroduit une pêche traditionnelle autochtone qui avait complètement disparu depuis son interdiction en 1920. Ce film d'anthologie met en avant le quotidien et les imprévus qu'il comporte démontrant une volonté d'affirmation et de conservation de traditions[3].

Au début des années 1960, des amitiés importantes se lient entre des réalisateurs québécois et français. Claude Jutra qui séjourne en France sera proche de François Truffaut. Pour sa part, Gilles Groulx entretient un lien avec Jean-Luc Godard.

Les États-Unis[modifier | modifier le code]

De leur côté les cinéastes américains, comme Don Alan Pennebaker, Richard Leacock ou Frederick Wiseman, font partie du vaste courant de remise en question sociale de la génération de l'après-guerre aux États-Unis, alors que les mouvements civiques et sociaux font des États-Unis un empire en profonde remise en question. Là aussi le regard posé sur le réel est complexe, à la fois patriote et révolutionnaire, engagé et perplexe.

En France[modifier | modifier le code]

En France, le film Chronique d'un été réalisé par Jean Rouch et Edgar Morin, sorti en 1961, est le manifeste du cinéma-vérité qui veut surmonter l'opposition fondamentale entre le cinéma romanesque et le cinéma documentaire[4]. Trente ans après, Jean-Pierre Pagliano a interrogé au micro de France Culture Jean Rouch, Edgar Morin et tous les protagonistes de "Chronique d'un été" dans une série de vingt-cinq émissions quotidiennes qui prolongent les interrogations du film, évoquent la France de 1960 et font le point sur l'apport du cinéma-vérité, loin des controverses de l'époque qui l'a vu naître.(Première diffusion de ces émissions: du 29 juillet au 30 août 1991).

Les évolutions techniques[modifier | modifier le code]

Caméras légères[modifier | modifier le code]

Les caméras portatives et légères, permettant d'être filmées à l'épaule, sont une caractéristique du cinéma direct. Les premières caméras du genre furent probablement des caméras allemandes destinées aux reportages ethnographiques. On attribue généralement à la société allemande Arriflex[5] l'invention de ces premières petites caméras, perfectionnées aux fins de surveillance aérienne pendant la guerre. Mais l'existence de ces caméras, qui permet à une nouvelle forme de documentaire de voir le jour, n'amènera toutefois pas à la création du cinéma direct.

Le son avant les années 1960[modifier | modifier le code]

Le son au cinéma avant l'arrivée du magnétophone Nagra[6] était fait sur des appareils qui étaient soit encombrants, soit peu fiables, tant aux niveaux de la vitesse de défilement que de la qualité. Entre 1950 et 1960 de nombreux appareils tenteront de résoudre ce problème. À l'ONF, on développera par exemple le système Sprocketape qui ne s'imposera toutefois pas.

Dans le meilleur des cas, ce sont donc des sons saisis a posteriori sur les mêmes lieux et recalés au montage qui faisaient office de bande sonore documentaire, une bande son par ailleurs souvent construite comme celle du cinéma de fiction, à partir de sons d'ambiance, de sons d'archives, d'effets sonores, de musique, de voix post-synchronisées, de commentaires hors-champ (voice over). Vraisemblable rime alors avec vérité.

Dans d'autres cas encore, le sujet « documentaire » est filmé en studio. Si la prise de son est alors directe, la nature documentaire de la captation faite reste très discutable. On reconstruit donc, par exemple, l'étable au sein du studio, sous les éclairages puissants. On trouve à proximité le caisson insonorisé de l'ingénieur du son, qui dirige le travail du perchiste, comme sur un plateau de fiction lors des tournages en studio, ou comme aujourd'hui, encore parfois, à la télévision. C'est cette situation de travail qui est réputée avoir provoqué une prise de conscience chez le jeune technicien à l'image Michel Brault, œuvrant alors à l'ONF.

Du point de vue technique, l’apparition de la caméra portable 16 mm Éclair-Coutant, à la fin des années 1950, et son perfectionnement dans les années suivantes, est une démarche importante pour l’avenir du cinéma direct. Synchronisée avec le Nagra, l’Eclair-Coutant permet de rapporter des prises de vues au plus près de la réalité de l'événement. Jean Rouch l’utilisera souvent.

Le conflit franco-américain[modifier | modifier le code]

L'émergence du direct est désormais possible grâce à l'utilisation de nouvelles technologies telles que le Nagra et les caméras légères. Mais qu'en est-il des conditions sociales, qu'en est-il au niveau du développement des idées ? Là aussi le terrain est prêt, et c'est d'ailleurs plus à ce niveau que la révolution qu'amène le direct est grande.

En effet le direct naît d'un désir de dire et d'agir dans le monde, sans médiation, tout en ayant une conscience aiguë de la fragilité de cette position et de la facilité avec laquelle une caméra peut produire des distorsions, des mensonges, des manipulations. Ainsi la nouveauté attribuable au direct se trouve autant dans les conditions matérielles de production, que dans une volonté éthique de regard documentaire sincère qui, en allant au contact des choses pour en tirer les représentations (filmiques) cherche à échapper aux discours préalables, au regard idéologique.

Le cinéma-vérité et le cinéma direct[modifier | modifier le code]

Le but du cinéma direct est de capter les moments du quotidien sur le vif, de rester le plus près possible de la réalité filmée. Il s'ensuit alors une série de truquage, de montage, mais surtout de mise en scène pour, bien souvent, provoquer des évènements susceptibles de produire des réactions spontanées. Les cinéastes essaient au maximum de laisser le hasard causer des scènes inédites[7].

L'utilisation du terme « cinéma-vérité » vient de la recherche du discours filmique du cinéaste. Il est alors également un reflet de sa propre personnalité. Se tourner vers le mot « vérité » vient placer le principe moral avant le principe technique quant à la recherche de la vérité. Quoi qu'il en soit, que l'on parle de cinéma direct ou de cinéma-vérité, la parole du sujet filmé est au cœur de cette production cinématographique[8].

Le MIPE-TV de Lyon[modifier | modifier le code]

Le MIPE-TV (Marché International des Programmes et Équipements du Service de la Recherche de la Télévision française) se sont déroulés du 2 au 4 mars 1963 à Lyon. Considéré comme la manifestation la plus importante on y retrouve plusieurs grands noms : Michel Brault, Jean Rouch, Edgar Morin, Richard Leacock, Robert Drew, Mario Ruspoli, Pierre Lhomme (...). Mais également des fabricants de caméras ainsi que de magnétophones : André Coutant, Stefan Kudelski. Le MIPE fut le lieux où l'on pouvait trouver les premiers débats entre les cinéastes du "cinéma-vérité" et du cinéma direct marquant cette division entre les cinéastes français et américains.

Leacock et Drew préconisent de minimiser au maximum l'équipe de tournage en utilisant un matériel discret, afin que la personne filmée puisse l'oublier. Ils critiquent le cinéaste français Rouch, avec son approche utilisé dans Chronique d'un été, une approche jugée trop provocatrice en utilisant une caméra en totale confrontation avec les sujets filmés. Pour eux, cette approche favorise une auto mise en scène des personnes filmées. [9]

Ces sessions d'études ont favorisé l'échange entre les divers professionnels, en mettant particulièrement l'accent sur les discussion autour des avancée techniques et du concept de "cinéma-vérité".

Le flou de l'après direct[modifier | modifier le code]

C'est en réponse à ce fort regard critique posé sur les institutions et nos sociétés au cours des années 1960-70, regard auquel concourt fortement le documentaire, qu'une nouvelle sorte de discours institutionnel apparait dans les années 1980-90, héritier du marketing et des relations publiques : la rectitude politique.

Comme en réponse à cette nouvelle propagande, le cinéma fait l'invention du documenteur (faux documentaire, mockumentary, à ne pas confondre avec le docufiction qui entrelace des éléments fictionnels dans un cadre documentaire légitime). Proposition artistique exploitant les codes du documentaire, le documenteur s'avère invariablement une fiction souvent difficile à départager du documentaire. L'identité de chacun et de la vérité de toute chose y paraissent comme des créations fictives dans un monde de représentation informatique et médiatique. Le courant d'auto-fiction documentaire procède du même mouvement. Cette réflexion sur le médium cinéma semble remettre en cause la distinction même entre documentaire et fiction, traduisant tout autant le nouveau scepticisme des enfants de la télé que leur besoin de croire. Le film Opération Lune, produit par la chaîne culturelle ARTE, s'impose comme le cas type des documenteurs. Sa facture professionnelle, son argumentaire au vernis vraisemblable et des intervenants de marque (dont Henry Kissinger et Alexander Haig) qui se prêtent au jeu avec un sérieux tel que l'on croit que la mission spatiale Apollo 11 n'a jamais permis à l'Homme de marcher sur la Lune en 1969. Le film est pourtant un crescendo d'invraisemblances de plus en plus loufoques et de faussetés en tout genre, mais la stature internationale et la crédibilité usuelle des intervenants vise à effacer tout soupçon de fabrication auprès du spectateur. L'effet pervers du documenteur est qu'il participe, volontairement ou non, à la consolidation d'une intoxication médiatique s'il est perçu à son premier niveau d'énonciation narrative ou sans discernement. Opération Lune se retrouve ainsi à l'avant-plan de l'horizon sans fin des conspirations répandues exponentiellement dans Internet.

Filmographie[modifier | modifier le code]

  • Primary, Robert Drew, Richard Leacock, 1960
  • On the Pole (Eddie Sachs), Robert Drew, Richard Leacock, 1960
  • Crisis : behind a Presidential Commitment, Robert Drew, Richard Leacock, 1963
  • Don't look back, Donn Alan Pennebaker, 1967
  • Pour la suite du monde, Pierre Perrault, Michel Brault, 1962
  • Chronique d'un été, Jean Rouch, Edgar Morin, 1961
  • Le Joli Mai, Chris Marker, Pierre Lhomme, 1963
  • Les inconnus de la terre, Mario Ruspoli, 1961
  • Regard sur la folie, Mario Ruspoli, 1962
  • Titicut Follies, Frederick Wiseman, 1967

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. « Formes Vives, le blog », sur www.formes-vives.org (consulté le )
  2. Séverine Graff, Le cinéma-vérité. Films et controverses, Rennes, Presses universitaires de Rennes, , 412 p. (ISBN 978-2-7535-2911-3).
  3. Alexandre Jacques (dir.), La mémoire inventée, Montréal, Cahiers du CELAT à l'UQAM, (lire en ligne), « La mémoire révélée. Filmer les fissures de l'histoire : la perspective historiographique du cinéma direct au Québec », p. 137-170
  4. Alain Weber, Idéologies du montage ou l'Art de la manipulation, L'Harmattan, , p. 85.
  5. (de) http://www.arri.de/infodown/other/broch/histor_e.pdf
  6. Nagra-France / Historique
  7. Henri-Paul Sénécal, « Qu'est-ce que le cinéma vérité ? », Séquence,‎ , p. 4-9 (lire en ligne Accès libre [PDF])
  8. Séverine Graff, « « Cinéma-vérité » ou « cinéma direct » : hasard terminologique ou paradigme théorique ? », Décadrages, no 18,‎ , p. 32–46 (ISSN 2235-7823 et 2297-5977, DOI 10.4000/decadrages.215, lire en ligne, consulté le )
  9. Séverine Graff, « « Réunion et désunions autour du « cinéma-vérité » : le MIPE-TV 1963 de Lyon » », 1895. Mille huit cent quatre-vingt-quinze,‎ (lire en ligne)

Annexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Didier Mauro, Praxis du Cinéma Documentaire, une théorie et une pratique, Editions Publibook, Paris, France, 2013, 690 pages. IDDN.FR.010.0117547.000.R.P.2012.030.31500. Lien vers l'ouvrage http://www.publibook.com/librairie/livre.php?isbn=9782748399004 (Ouvrage de référence incontournable, théorique et pratique)
  • Gilles Marsolais, L'aventure du cinéma direct revisitée. Préface d'Enrico Fulchignoni, Laval (Québec), Les 400 coups, 1997, 351 p.
  • Séverine Graff, Le cinéma-vérité. Films et controverses, Préface de François Albera, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2014, 514 p. (ouvrage de référence incontournable)
  • François Niney, L'épreuve du réel à l'écran. Essai sur le principe de réalité documentaire, Bruxelles, Editions De Boeck Université, coll. "Arts et cinéma", 2000, 348 p. (ouvrage de synthèse sur le genre, des origines à aujourd'hui)
  • Catherine Saouter [dir.], Le documentaire : contestation et propagande, XYZ Éditeur (Montréal, Québec), coll. "Documents", 1996, 161 p.
  • Jean-Louis Comolli, «Le détour par le direct» in: Cahiers du Cinéma, no. 209, 1969, p. 48-53 et no. 211,1969, p. 40-45 (article de synthèse)
  • Vincent Bouchard, Pour un cinéma léger et synchrone ! invention d'un dispositif à l'Office national du film à Montréal, Presses Univ. Septentrion, 9 octobre 2012 (ISBN 9782757404065)
  • Guy Gauthier, Philippe Pilard, Simone Suchet, Le documentaire passe au direct. Montréal, VLB éditeur, 2003, 210p. (ISBN 9782890058286)

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]