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États alternatifs stables

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En écologie, la théorie des états alternatifs stables, proposée pour la première fois dans les années 60 par Richard Lewontin[1], suppose qu'un écosystème peut atteindre plusieurs états d’équilibres, des seuils écologiques appelés points d’équilibre ou états stables. Ils ont alors des propriétés biotiques et abiotiques uniques. Ces états sont non transitoires et peuvent durer plus ou moins longtemps à l’échelle écologique.

Un écosystème subissant une petite perturbations reviendra vers le point d’équilibre. En revanche un écosystème endurant une grosse perturbation peut changer d’état et passer d’un état stable à un autre. La capacité de l’écosystème à résister à la transition d’un état stable à un autre est nommée résilience (Holling 1973)[2]. Mais parfois plusieurs états peuvent exister pour conditions environnementales égales, phénomène appelé hystérésis.

États alternatifs stables en écologie

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On peut considérer que l'état d'une communauté est caractérisé par un ensemble de variables d'état dynamique et les relations entre elles sont définies par un ensemble de paramètres dans le modèle. Le nombre et le choix des variables sélectionnées pour caractériser cette communauté sont fixés. Les variables de l'état de la communauté sont nombreuses comme par exemple composantes d'âge ou de stade de la population, l'abondance moyenne temporelle ou spatiale d'espèces...

Lorsqu'il y a un état alternatif stable, l'ensemble des variables sélectionnées persistera à différents points d'équilibre qui seront localement stables. La communauté revient au point d'équilibre après une petite perturbation mais peut passer à un autre équilibre en cas de grosse perturbation comme des changement catastrophiques et peut conduire par exemple à l'extinction d'une population. Il est donc important de prédire ces états alternatifs pour éviter des surprises coûteuses.

On peut identifier deux perspectives qui décrivent comment les communautés passent d'un état stable à un autre :

   a) L'une suppose un environnement constant avec des changements de variables comme la densité de la population. C’est une «perspective communautaire». Les différentes configurations stables qu'une communauté peut adopter sont particulièrement intéressantes.

  b) L'autre anticipe les changements des paramètres sous-jacents ou des «facteurs» environnementaux, afin de caractériser leurs effets sur l’état des communautés et des écosystèmes[3] (la «perspective de l'écosystème»).

Modèle “Ball-in-Cup” (Beisner et al. (2003)[4]:

Modèle "Ball-in-Cup"

Par exemple, en rapprochant avec le modèle “ball-in-cup”, tous les états possibles sont représentés par la ligne noire, “paysage”. Deux états d’équilibre stables sont représentés sous forme de bassin dans le paysage. Une balle caractérisant l'état actuel de la communauté se promène dans le paysage et ira naturellement vers le point le plus bas du paysage ; dans un bassin.

Perturbations des variables d'état et points de bascule

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Pour passer d’un équilibre stable à un autre, il y aurait 2 façons : une perturbation importante sur les variables comme la population ou un changement de paramètre impliqué dans les interactions au sein de l’écosystème (Beisner et al. 2003)[4]. Une perturbation importante fera changer l’état de l’écosystème, le faisant passer par un point instable, nommé “Point de Bascule”. Si la perturbation s’arrête avant ou n’est pas assez intense, l’écosystème retourne dans son état d’équilibre d’origine. En revanche, si la perturbation se prolonge ou/et est suffisamment intense, l’écosystème passe dans un autre état d’équilibre stable.

Dans le second cas proposé par Beisner et al. (2003)[4], ce dernier suppose que c’est le paysage qui change dans le modèle Ball-in-Cup. En modifiant des paramètres comme le taux de mortalité ou de fécondité, la migration, etc,..., on peut modifier l’emplacement du point d’équilibre ou déstabiliser l’état actuel, faisant passer l’écosystème dans un nouvel état d’équilibre.

Schmitz (2004)[5] émet l’hypothèse qu’un changement sur la variable de densité de population liée à la suppression de prédateurs pourrait suffisamment perturber l’écosystème pour qu’il passe d’un état d’équilibre à un autre.

Par exemple, dans son article[5] Schmitz explique que les sauterelles herbivores Melanoplus femurrubrum se nourrissent des herbes Poa pratensis ou Solidago rugosa qui sont des plantes dominantes et très prolifiques. En revanche, en présence du prédateur, l’araignée Pisaurina mira, les sauterelles préfèreront se nourrir de P. pratensis qui leur permet de trouver également refuge.

De par ses expériences, il a observé qu’en l’absence de prédateurs, l’abondance des S. rugosa a fortement diminué du fait de l’herbivorie et a permis à d’autres espèces de plantes moins compétitives de pousser. De plus, en réintroduisant des prédateurs un an après le début de l’expérience, le système pouvait revenir à son état naturel (stable) ; à savoir avec proportion plus importante des S. rugosa.

En revanche, plusieurs années après, le retour à l’état naturel n’était pas possible car le point de bascule a été dépassé et l’écosystème se trouvait alors dans un autre état stable.

Résilience

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Résilience dans le modèle "Ball-in-cup"

Dans l’étude des états alternatifs stables, l’un des concepts clés est la résilience. Concept introduit par Holling en 1973[2], on peut aujourd’hui définir la résilience comme la capacité d’un système à absorber une perturbation et se réorganiser pour conserver essentiellement la même fonction, structure, identité et feedbacks (définition de Walker, 2004)[6].

Elle est souvent séparée en deux notions distinctes : la résilience d'ingénierie, qui décrit la vitesse avec laquelle le système revient à son état d’équilibre après une perturbation et la résilience écologique, qui reflète la magnitude de perturbation nécessaire pour faire quitter au système son domaine d’équilibre

Dans le modèle “ball-in-cup”, la résilience est traduite par les caractéristiques des bassins dans le paysage. La résilience d'ingénierie se retrouve dans la pente des bassins: plus elle est raide, plus la balle reviendra vite au creux du bassin. La largeur des bassins est, elle, associée à la résilience écologique : plus le bassin est large, plus il faut une grande perturbation pour pousser la balle en dehors.

Cette notion est importante dans la théorie des états alternatifs stables parce qu’elle permet de comprendre comment le système revient à un état d’équilibre. Cependant, elle est également importante pour la gestion des écosystèmes et des communautés. En effet, la résilience peut être modifiée lorsque les paramètres environnementaux changent, ce qui arrive notamment avec les perturbations anthropiques. On peut alors avoir une réduction de la résilience, résilience d’ingénierie comme écologique, pouvant aboutir à la disparition d’un état d’équilibre et au passage du système vers un autre état. Pour ces raisons, il est important d’étudier comment les changements de l’environnement peuvent éroder la résilience des systèmes.[4]

Hystérésis

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L'hystérésis est une caractéristique importante mais pas indispensable des états alternatifs stables. Lors d’une perturbation, un paramètre change et passe d’une valeur à une autre, ce qui change la position du point d’équilibre, traçant ainsi une trajectoire particulière. Si la perturbation disparaît, le point d’équilibre revient à sa valeur d’origine. Le phénomène d'hystérésis s’observe si la trajectoire du retour au point d’équilibre est différente de celle empruntée lors de son trajet « aller ». Autrement dit, l'hystérésis est le fait, si l'on considère les états stables A et B, que la trajectoire A→B serait différente de la trajectoire B→A. Cela suppose donc l'existence de plusieurs points d'équilibre possibles pour certaines valeurs du paramètre perturbé. (Beisner et al. 2003)[4]

Hystérésis au sein d'un écosystème

L’histoire de la dynamique écologique est donc importante à prendre en compte dans l'hystérésis car l'ordre des événements passés peut influencer les événements actuels.

Le phénomène d'hystérésis est une des caractéristiques importantes des transitions catastrophiques. Une fois la transition catastrophique engagée, il est à l'origine de son irréversibilité possible. En effet, plus le phénomène d'hystérésis est important, plus le retour de l’écosystème à son état d’origine après une transition est difficile. Autrement dit, plus le chemin de l'état A à l'état B est différent de celui de l'état B à l'état A, plus il sera compliqué de retrouver l'état A d’origine. Ce phénomène est donc à prendre en compte dans un contexte de conservation et de restauration des écosystèmes. (Kéfi. 2012).[7]

Cependant, même si c’est une question débattue par de nombreux auteurs, le phénomène d’hystérésis n’est pas indispensable à l’existence d’états alternatifs stables : plusieurs états stables peuvent exister sans que le passage de l’un à l’autre suive une trajectoire différente selon l’historique du système.

Pour illustrer l'hystérésis, on peut prendre l’exemple d’une étude menée sur le Lac Mogan par J. Zhang et al. en 2003[8]. Il ont pu constater que l'eau du lac devenait trouble pour une certaine concentration de phosphore ce qui entraînait une diminution significative des plantes submergées et une dominance du phytoplancton. Ils ont aussi pu simuler, grâce à un modèle, la récupération de l'état originel du lac par la réduction drastique de la concentration en phosphore dans les afflux. Ils ont estimé alors le développement des plantes submergées à une faible concentration de phosphore, permettant d'éclaircir les eaux du lac. Cependant, la récupération a exigé plus de temps que prévu à cause d’une longue résilience probablement dû à une accumulation du phosphore dans les sédiments. Les changements entre l'état “eau clair” et l'état “eau trouble” ont donc suivi une hystérésis.

Preuve d'états alternatifs stables

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Depuis la théorie de leur existence, les états alternatifs stables ont beaucoup été étudiés. La plupart des travaux de recherche les concernant constituent des études mathématiques et de modélisation. Cependant, un grand nombre d’observations empiriques d’écosystèmes avec plusieurs états stables ont pu être effectués (R M May 1977)[3].

Un exemple en est les dunes de sable. En effet, les dunes peuvent exister sous état avec végétation ou sans (blowout) côte à côte. Les plantes se propagent à l’aide de leurs racines et s’ancrent dans le sable, ce qui stabilise le sable normalement soufflé par le vent, et avec le temps, facilite la formation de végétation sur les dunes. Parallèlement, le vent érode les côtés des zones sans végétation, fragilisant les plantes et érodant leurs racines, ce qui favorise les « blowout »[9]. Ces deux procédés entraînent donc un changement constant de paysage dépendant de plusieurs facteurs, mais des variations environnementales spécifiques peuvent favoriser soit la végétation, soit le soufflement du sable, et ainsi causer des changements d’états de l’écosystème à des points de l’espace et du temps donnés.

Malgré l’observation de ce qui semble bien être des états alternatifs stables dans plusieurs écosystèmes, ces méthodes d’observation empirique sont souvent indirectes et leurs résultats sont ouverts à une multitude d’explications.

En effet, la théorie étant assez récente, les démonstrations pratiques expérimentales de l’existence des états alternatifs stables ne sont actuellement pas des plus développées. Même si quelques expériences bien construites sont concluantes, cela reste assez difficile de prouver l’existence d’états alternatifs stables sur le terrain (Scheffer 2003)[10]. Cela est peut-être peu surprenant si l’on considère les difficultés historiques rencontrées pour démontrer l’importance de plusieurs mécanismes aujourd’hui essentiels en écologie (comme la prédation ou la compétition par exemple).

D’après A. Schröder 2005[11], 35 expériences d’états alternatifs stables ont été publiées. Parmi elles, 13 en ont démontré de façon directe l’existence, 8 en ont montré l’absence et les 14 restantes ne répondaient pas aux critères pour être concluantes, notamment du fait qu'elles ne s'appliquent que sur des temps courts. L’absence d’états alternatifs stables dans 38% des cas étudiés indiquent que ces derniers ne sont qu’une manière parmi d'autres de comportement des écosystèmes.

Les environnements constitués d’espaces d’eau assez restreints, tels que les étangs, représentent une zone d’étude intéressante pour identifier des états alternatifs stables dû à leur isolement et autonomie. Une étude dans ce type d’environnement a pu, par exemple, démontrer que la dominance de petites ou de grandes espèces au sein d’une communauté d’escargots (dû à une forte ou faible pression de prédation) sont des états alternatifs stables qui dépendent des densités initiales de ces espèces (Chase 2003)[12].

Implication écologique

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Les changements d’états au sein d’un écosystème peuvent causer de grandes pertes de ressources écologiques et économiques. Restaurer de tels états peut s’avérer complexe et coûteux. Ainsi, négliger l’existence d’états alternatifs stables peut représenter un coût important en cas de bascule d’un écosystème. La difficulté rencontrée est que les perturbations mineures affectant la résilience des écosystèmes est difficilement perceptible et l’attention se concentre principalement sur les événements de perturbation majeur, qui causent des changements importants plus facilement identifiables.

Actuellement, la protection des écosystèmes a donc tendance à se focaliser sur la prévention de perturbations majeures. Cependant, les perturbations majeures de type catastrophe sont souvent difficiles à prédire et relèvent en partie du hasard. Au contraire, les domaines de stabilités dépendent de changements graduels de variables (comme l’usage et les propriétés des sols par exemple), facteurs qui peuvent être prédits, modélisés et modifiés, afin de préserver la résilience d’un écosystème. (Scheffer 2001)[13]

Étudier et considérer les états alternatifs stables d’un écosystème que l’on souhaite protéger peut donc permettre une protection plus efficace face aux changements environnementaux, ce qui peut avoir des implications en écologie de la conservation notamment.

Références

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  1. (en) R. C. Lewontin et D. Cohen, « On Population Growth in a Randomly Varying Environment », Proceedings of the National Academy of Sciences, vol. 62, no 4,‎ , p. 1056–1060 (ISSN 0027-8424 et 1091-6490, PMID 5256406, PMCID PMC223613, DOI 10.1073/pnas.62.4.1056, lire en ligne, consulté le )
  2. a et b (en) C S Holling, « Resilience and Stability of Ecological Systems », Annual Review of Ecology and Systematics, vol. 4, no 1,‎ , p. 1–23 (ISSN 0066-4162, DOI 10.1146/annurev.es.04.110173.000245, lire en ligne, consulté le )
  3. a et b (en) Robert M. May, « Thresholds and breakpoints in ecosystems with a multiplicity of stable states », Nature, vol. 269, no 5628,‎ , p. 471–477 (ISSN 0028-0836 et 1476-4687, DOI 10.1038/269471a0, lire en ligne, consulté le )
  4. a b c d et e (en) Be Beisner, Dt Haydon et K. Cuddington, « Alternative stable states in ecology », Frontiers in Ecology and the Environment, vol. 1, no 7,‎ , p. 376–382 (ISSN 1540-9295, DOI 10.1890/1540-9295(2003)001[0376:ASSIE]2.0.CO;2, lire en ligne, consulté le )
  5. a et b (en) Oswald J. Schmitz, « Perturbation and abrupt shift in trophic control of biodiversity and productivity: Perturbation and regime shift », Ecology Letters, vol. 7, no 5,‎ , p. 403–409 (DOI 10.1111/j.1461-0248.2004.00592.x, lire en ligne, consulté le )
  6. Brian Walker, C. S. Holling, Stephen R. Carpenter et Ann P. Kinzig, « Resilience, Adaptability and Transformability in Social-ecological Systems », Ecology and Society, vol. 9, no 2,‎ (ISSN 1708-3087, DOI 10.5751/es-00650-090205, lire en ligne, consulté le )
  7. Sonia Kéfi, « Ecosystèmes sur le fil : Comment certains écosystèmes basculent d'un état à un autre », sfecologie,‎ (lire en ligne)
  8. (en) Jingjie Zhang, Sven Erik Jørgensen, Meryem Beklioglu et Ozlem Ince, « Hysteresis in vegetation shift—Lake Mogan prognoses », Ecological Modelling, vol. 164, no 2,‎ , p. 227–238 (ISSN 0304-3800, DOI 10.1016/S0304-3800(03)00050-4, lire en ligne, consulté le )
  9. (en) Patrick Hesp, « Foredunes and blowouts: initiation, geomorphology and dynamics », Geomorphology, vol. 48, nos 1-3,‎ , p. 245–268 (DOI 10.1016/S0169-555X(02)00184-8, lire en ligne, consulté le )
  10. (en) Marten Scheffer et Stephen R. Carpenter, « Catastrophic regime shifts in ecosystems: linking theory to observation », Trends in Ecology & Evolution, vol. 18, no 12,‎ , p. 648–656 (DOI 10.1016/j.tree.2003.09.002, lire en ligne, consulté le )
  11. (en) Arne Schröder, Lennart Persson et André M. De Roos, « Direct experimental evidence for alternative stable states: a review », Oikos, vol. 110, no 1,‎ , p. 3–19 (DOI 10.1111/j.0030-1299.2005.13962.x, lire en ligne, consulté le )
  12. (en) Jonathan M. Chase, « Experimental evidence for alternative stable equilibria in a benthic pond food web », Ecology Letters, vol. 6, no 8,‎ , p. 733–741 (ISSN 1461-023X et 1461-0248, DOI 10.1046/j.1461-0248.2003.00482.x, lire en ligne, consulté le )
  13. (en) Marten Scheffer, Steve Carpenter, Jonathan A. Foley et Carl Folke, « Catastrophic shifts in ecosystems », Nature, vol. 413, no 6856,‎ , p. 591–596 (ISSN 0028-0836 et 1476-4687, DOI 10.1038/35098000, lire en ligne, consulté le )