Syndrome de tako-tsubo

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Syndrome de tako-tsubo
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Schémas du ventricule gauche, l'un atteint de cardiopathie tako-tsubo (A) et l'autre pas (B).

Traitement
Spécialité CardiologieVoir et modifier les données sur Wikidata
Classification et ressources externes
CIM-10 I42.8
CIM-9 429.83
DiseasesDB 33976
eMedicine 1513631
MeSH D054549

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Pièges à poulpe (tako tsubo) dans un port japonais : le syndrome cardiaque tire son nom de la forme du ventricule gauche, proche de celle d'un piège à poulpe[1].

Le syndrome de tako-tsubo ou takotsubo, appelé également syndrome des cœurs brisés ou ballonisation apicale, est une cardiomyopathie consistant en une sidération myocardique survenant après un stress émotionnel[2].

Cette affection a été initialement décrite par des internistes et cardiologues japonais[3],[4],[5] en 1977. Sa dénomination provient de la forme que prend la silhouette cardiaque dans cette pathologie, une forme d'amphore (蛸壺?, littéralement « piège à poulpe »)[6],[7] .

On a remarqué une augmentation de l'incidence de ce syndrome, pourtant rare, lors de l'épidémie au coronavirus de 2019-2021[8]. Selon certaines études, sa survenue aurait été multipliée par 4 en 2020[9].

Mécanisme[modifier | modifier le code]

Mal compris, le syndrome de tako-tsubo semble être provoqué par une décharge intense et brutale de catécholamines (hormones du stress produites par les glandes surrénales — comme l'adrénaline) au cours d'un stress intense ; l'hypothèse a été confirmée par la description d'un cas de crise de takotsubo après l'injection de catécholamines exogènes[10]. Dans un tiers des cas, cependant, le stress causal n'est pas identifié[11].

Le mécanisme de l'altération de la fonction cardiaque n'est pas clair. Il pourrait s'agir d'un trouble réversible de la microcirculation coronaire, non visible par la coronarographie[12]. La concentration en récepteurs béta-adrénergiques est supérieure au niveau de la pointe du ventricule[13], ce qui pourrait contribuer à une réponse différentielle selon les parties du cœur après stimulation adrénergique.

Épidémiologie[modifier | modifier le code]

L'incidence semble être de 15 à 30 cas pour 100 000 patients, mais elle est probablement sous-évaluée, seules les formes graves, hospitalisées, étant comptabilisées[14].

Le syndrome de tako-tsubo atteint essentiellement la femme âgée[11]. 1 à 2 % des patients se présentant pour un infarctus du myocarde reçoivent un diagnostic final de tako-tsubo[15]. Le stress causal peut être autant physique que psychique, mais il n'est pas retrouvé dans un tiers des cas[16]. Le stress causal est le plus souvent « négatif » (deuil, rupture, altercation, etc.) et, parfois, « positif » (joie intense)[17]. Dans près de la moitié des cas, il existe un terrain neurologique ou psychiatrique[16].

Diagnostic[modifier | modifier le code]

Dans le tako-tsubo, l'électrocardiogramme montre des signes d'infarctus, mais l'échocardiographie évoque un aspect de ballonisation (forme d'amphore ou de piège à poulpe) typique du ventricule gauche. Le dosage sanguin de troponine est augmenté habituellement de manière peu importante. Plusieurs micro-ARN peuvent être détectés dans le sang des patients, alors que leur taux est bas lors d'un infarctus[18]. La coronarographie montre des artères saines. L'IRM cardiaque montre des images très évocatrices : forme du ventricule gauche, œdème myocardique sans nécrose ni fibrose[11].

L'atteinte concerne les deux ventricules dans un tiers des cas[11]. Plus rarement l'akinésie (immobilité de la paroi myocardique durant la contraction) est atypique, ne concernant plus seulement la pointe du ventricule mais d'autres parois[19].

La scintigraphie myocardique au MIBI-Tc99m synchronisée à l'électrocardiogramme montre typiquement une dysfonction ventriculaire gauche sans ischémie myocardique segmentaire. La réalisation d'une scintigraphie myocardique au MIBG-I123, radiotraceur permettant l'étude des terminaisons catécholaminergiques, montre une hypocaptation globale par le cœur, signant la saturation transitoire des récepteurs catécholaminergiques, caractéristique de la maladie.

Traitement[modifier | modifier le code]

Le traitement du syndrome de tako-tsubo reprend celui de l'insuffisance cardiaque secondaire à l'altération de la fonction systolique (fraction d'éjection) : inhibiteurs de l'enzyme de conversion ou antagonistes des récepteurs de l'angiotensine II, bêta-bloquants (l'efficacité de ces derniers est toutefois plus discutée[16]), inhibiteurs de l'aldostérone et éventuellement diurétiques. En cas de thrombose (caillot) intraventriculaire, un traitement anticoagulant est mis en route.

Il existe parfois un obstacle à l'éjection (LVOTO) contre-indiquant dans ce cas l'emploi d'inotropes positifs[14].

Évolution[modifier | modifier le code]

Passé le cap aigu, la fonction systolique se normalise, ce qui est caractéristique de cette affection. Il peut exister toutefois des complications neurologiques[16].

Les formes survenant chez les sujets de moins de 50 ans[20] ou chez les hommes[21] sont généralement plus graves.

La maladie peut récidiver, même si cela est rare[14]. Aucun traitement n'a démontré d'efficacité pour limiter ce risque[22] mais certains experts tendent à recommander l'utilisation de bêta-bloquants[23].

Médias[modifier | modifier le code]

Le syndrome de tako-tsubo est évoqué dans de nombreuses fictions, japonaises (le manga Kaguya-sama: Love is War), américaines (les séries Royal Pains, Code Black, 9-1-1, Grey's Anatomy, Blacklist, The Resident, Scrubs, Dr House),européennes (Balthazar, Astrid et Raphaëlle, Un si grand soleil) et canadienne (Stat).

En musique française on retrouve :

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. (en) Yoshihiro J. Akashi, Holger M. Nef, Helge Möllmann et Takashi Ueyama, « Stress cardiomyopathy », Annual Review of Medicine, vol. 61,‎ , p. 271–86. (ISSN 1545-326X, PMID 19686084, DOI 10.1146/annurev.med.041908.191750)
  2. Muriel Gevrey, « Le tako-tsubo : un diagnostic différentiel à évoquer devant un syndrome coronaire aigu à coronaire saine », sur theheart.org, (consulté le ).
  3. (en) K. Kuramoto, « Acute reversible myocardial infarction after blood transfusion in the aged », Japanese heart journal, vol. 18, no 2,‎ , p. 191-201 (ISSN 0021-4868, PMID 300814).
  4. (ja) (en) K. Dote, « Myocardial stunning due to simultaneous multivessel coronary spasms: a review of 5 cases », Journal of cardiology, vol. 21, no 2,‎ , p. 203-214 (ISSN 0914-5087, PMID 1841907).
  5. (en) K. Iga, K. Hori, K. Kitaguchi, T. Matsumura, H. Gen, G. Tomonaga, T. Tamamura, « Transient segmental asynergy of the left ventricle of patients with various clinical manifestations possibly unrelated to the coronary artery disease », Japanese circulation journal, vol. 55, no 11,‎ , p. 1061-1067 (ISSN 0047-1828, PMID 1749067).
  6. « Syndrome du cœur brisé (de Takotsubo) : publication d'un consensus d’experts, mais des questions demeurent », sur VIDAL (consulté le ).
  7. « Syndrome de Tako-Tsubo : recommandations/consensus ESC 2018 », sur cardio-online.fr (consulté le ).
  8. « Covid-19 : comment se manifeste le syndrome du cœur brisé ? », sur medisite.fr.
  9. « Covid-19 : le stress de la pandémie multiplie par 4 les syndromes du "coeur brisé" », sur Sciences et Avenir (consulté le ).
  10. O. Pourrat, M. Pinsard, J.-F. Caudiès, B. Quéron, V. Wilhelm, J.-P. Frat, F. Rayeh, O. Mimoz, « Un cas de syndrome de takotsubo après injection médicamenteuse », Rev. Med. interne, vol. 28, no S1,‎ , p. 85 (DOI 10.1016/j.revmed.2007.03.141, lire en ligne).
  11. a b c et d (en) I. Eitel, F. Behrendt, K. Schindler, Thiele H et al., « Differential diagnosis of suspected apical ballooning syndrome using contrast-enhanced magnetic resonance imaging », [[no 29|Eur. Heart J]],‎ , p. 2651–9. (PMID 18820322, DOI 10.1093/eurheartj/ehn433, lire en ligne [html])
  12. (en) L. Galiuto, A. Ranieri De Caterina, A. Porfidia et al., « Reversible coronary microvascular dysfunction: a common pathogenetic mechanism in Apical Ballooning or Tako-Tsubo Syndrome », Europ. Heart J, vol. 31, no 11,‎ , p. 1319-27. (PMID 20215125, DOI 10.1093/eurheartj/ehq039, résumé)
  13. (en) A. R. Lyon, P. S. Rees, S. Prasad, P. A. Poole-Wilson, S. E. Harding, « Stress (Takotsubo) cardiomyopathy: a novel pathophysiological hypothesis to explain catecholamine-induced acute myocardial stunning », Nat. Clin. Pract. Cardiovasc Med, vol. 5,‎ , p. 22-9. (PMID 18094670, DOI 10.1038/ncpcardio1066, lire en ligne [html])
  14. a b et c (en) H. Medina de Chazal, M. C. Del Buono, L. Keyser-Marcus, L. Ma, G. Moeller, D. Berrocal, A. Abbate, « Stress cardiomyopathy, diagnosis and treatment: JACC State-of-the-Art review », J. Am. Coll. Cardiol, vol. 72, no 16,‎ , p. 1955-71. (PMID 30309474, PMCID PMC7058348, DOI 10.1016/j.jacc.2018.07.072, lire en ligne [html])
  15. (en) A. Prasad, A. Lerman, C. S. Rihal, « Apical ballooning syndrome (tako-tsubo or stress cardiomyopathy): a mimic of acute myocardial infarction », Am. Heart J, vol. 155,‎ , p. 408-17. (PMID 18294473, DOI 10.1016/j.ahj.2007.11.008)
  16. a b c et d (en) C. Templin, J. R. Ghadri, J. Diekmann, Lüscher TF et al., « Clinical features and outcomes of Takotsubo (Stress) cardiomyopathy », N. Engl. J. Med., vol. 373, no 10,‎ , p. 929-38. (PMID 26332547, DOI 10.1056/nejmoa1406761, lire en ligne [html])
  17. (en) J. R. Ghadri, A. Sarcon, J. Diekmann et al., « Happy heart syndrome: role of positive emotional stress in takotsubo syndrome », Eur. Heart J, vol. 37, no 37,‎ , p. 2823-9. (PMID 26935270, PMCID PMC5841222, DOI 10.1093/eurheartj/ehv757, lire en ligne [html])
  18. (en) M. Jaguszewski, J. Osipova, J. R. Ghadri et al., « A signature of circulating microRNAs differentiates takotsubo cardiomyopathy from acute myocardial infarction », Eur. Heart J, vol. 35, no 15,‎ , p. 999-1006. (PMID 24046434, PMCID PMC3985061, DOI 10.1093/eurheartj/eht392, lire en ligne [html])
  19. (en) R. T. Hurst, J. W. Askew, C. S. Reuss et al., « Transient midventricular ballooning syndrome: a new variant », J. Am. Coll. Cardiol, vol. 48, no 3,‎ , p. 579-83. (PMID 16875987, DOI 10.1016/j.jacc.2006.06.015)
  20. Cammann VL, Szawan KA, Stähli BE et al., « Age-related variations in takotsubo syndrome », J Am Coll Cardiol, vol. 75, no 16,‎ , p. 1869-77. (PMID 32327096, DOI 10.1016/j.jacc.2020.02.057, lire en ligne [html])
  21. (en) Arcari L, Núñez Gil IJ, Stiermaier T, El-Battrawy I, Santoro F et al., « Gender differences in takotsubo syndrome », J Am Coll Cardiol, vol. 79, no 21,‎ , p. 2085-93. (PMID 35618345, PMCID PMC8972425, DOI 10.1016/j.jacc.2022.03.366, lire en ligne [html])
  22. (en) F. Santoro, R. Ieva, F. Musaico, N. D. Brunetti et al., « =Lack of efficacy of drug therapy in preventing takotsubo cardiomyopathy recurrence: a meta-analysis », Clin. Cardiol, vol. 37, no 7,‎ , p. 434. (PMID 24700369, PMCID PMC6649479, DOI 10.1002/clc.22280, lire en ligne [html])
  23. (en) A. R. Lyon, E. Bossone, B. Schneider, U. Sechtem, E. Omerovic et al., « Current state of knowledge on Takotsubo syndrome: a position statement from the Taskforce on Takotsubo Syndrome of the Heart Failure Association of the European Society of Cardiology », Eur. J. Heart Fail, vol. 18, no 1,‎ , p. 8-27. (PMID 26548803, DOI 10.1002/ejhf.424, lire en ligne [html])
  24. Nekfeu – Les Étoiles Vagabondes (2019, CD) (lire en ligne)
  25. Tako Tsubo, L'Impératrice (lire en ligne)

Voir aussi[modifier | modifier le code]

  • Karōshi, syndrome décrit au Japon de mort subite survenant au travail dans un contexte de stress.