Salah Bey (Constantine)

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Salah Bey
Bey de la Régence d'Alger
Biographie
Nom de naissance Salah Ben Mostefa
Nom arabe صالح باي
Date de naissance
Lieu de naissance Izmir, Turquie
Date de décès
Lieu de décès Constantine, Algérie
Fonction
Titre Bey de Constantine
Règne 1771 - 1792
Prédécesseur Ahmed Bey el-Kolli

Salah Bey Ben Mostefa (en arabe : صالح باي), né en 1725 à Izmir et mort en 1792, à Constantine, est le bey de Constantine de 1771 à 1792[1].

Il est l'un des beys les plus illustres de ce Beylik de l'Est, avec la réputation d'avoir mené une bonne gouvernance. Son mandat est marqué par des expéditions intérieures pour maintenir l'ordre dans la région, une participation victorieuse face à l’expédition espagnole contre Alger, en 1775 et des travaux d'urbanisme à Constantine.

Biographie[modifier | modifier le code]

Ses débuts[modifier | modifier le code]

Salah Ben Mostefa est né en 1725 à Izmir[2]. À ses débuts, Salah débarqua à Alger pour travailler chez un cafetier puis il s'engagea dans la milice où il se fit remarquer lors de la campagne contre Tunis par son chef Ahmed El Colli[2]. Ce dernier devenu Bey de Constantine, lui donna sa fille en mariage et le désigna en tant que successeur. Nommé par le dey d'Alger, Mohamed Ben Othmane, Salah Bey remplaça ainsi son beau père en 1771[2].

Bey de Constantine[modifier | modifier le code]

Élevé dans l'entourage du Ahmed Bey el Kolli, Salah Bey va profiter de ses nombreuses alliances avec des grandes familles : les Mokrani, les Bendjelloul et les Ben Gana, pour consolider son pouvoir, quand il est investi bey[3]. Il s'est coalisé avec une fraction des familles fortunées de la ville de Constantine[3]. Le choix de son gouvernement confirme l'ancrage local des membres qui le composent. Les titulaires de certaines charges durant le mandat de son prédécesseur, sont reconduits dans leur fonction et les hommes auxquels il fait appel sont issus des anciennes familles de Constantine, qui se sont fait une spécialité de servir le makhzen[4].

À l'appel de son suzerain, le dey Mohamed Ben Othmane, il partit en renfort pour Alger en 1775 menacée par les Espagnols et participa à l'issue victorieuse de la bataille[2]. Il se montre très ferme à l'égard de la régence de Tunis et obligea Hamouda Pacha, le bey de Tunis, à payer un fort tribut[2]. Il mène également des expéditions intérieures pour maintenir l'ordre dans la région[5].

Il continue l'œuvre entreprise par ses prédécesseurs et il encourage l'expansion de la ville vers le nord[5]. Il ordonna des grands travaux dans Constantine. Il fit restaurer le pont romain d'El-Kantara[6]. Il organisa l’enseignement dans Constantine et d'autres villes[1]. Ainsi il ordonna la construction de mosquées et des médersas : la mosquée Salah Bey à Annaba, Sidi El khatani[6] et la médersa de la mosquée al-Akhdar à Constantine. Il fit édifier aux environs de la place du Souk El Asr, une médersa, une mosquée, un palais ainsi qu'un marché à Constantine[5].

Il installa les Juifs, jusque-là dispersés, dans un quartier nouveau qui prendra le nom de chara, situé dans le Nord de la ville de cette époque[5]. Sous son mandant, se développa le commerce, l'industrie, et l'agriculture dans la région[6].

La chute[modifier | modifier le code]

Mais Salah Bey mena également une lutte acharnée contre les marabouts[6] et il ramena à l’ordre les tribus insoumises[1]. Il mourut ainsi étranglé sur ordre du nouveau dey d’Alger, Sidi Hassan (dont le règne débute en 1791), à la suite des plaintes des marabouts[1]. Selon Eugène Vayssettes, sa liquidation relève de la pure vengeance, l'épouse du nouveau dey est la fille de Khaznadar, ancien chargé des relations étrangères qui était condamné à mort en 1764 pour être tenu pour responsable des incidents de la Calle qui aboutissent à l'arrestation du Consul français à la suite du témoignage de Salah Bey ; commandant de la garnison de la Calle à l'époque[3].

Lors de son arrestation par le dey d'Alger en 1792, il se réfugie dans la maison du Cheikh El Bled Lefgoun, l'implication de ce dernier, dans sa liquidation a été débattu par les historiens, l'attitude du cheikh peut toutefois s'expliquer par son ralliement à l'autorité publique[3]. Il est livré à ses bourreaux par le caïd nouba. Il sera remplacé par le fils de Hassan Bey Bou-Hanek[3].

Sa mort marque la fin de la période de grande stabilité politique qu'a connu le Beylik au XVIIIe siècle grâce notamment à la succession de cinq beys, gouverneurs énergiques et administrateurs compétents, dont il est le dernier représentant[5]. Son fils Hussein, devient également bey de Constantine de 1806 à 1808[7].

Légendes et héritages[modifier | modifier le code]

Le pont d'El-Kantara de nos jours.

Salah Bey est considéré par les habitants de Constantine comme « le Bey des Beys » (Bey el-beyatte)[8], un poème transmit les circonstances tragiques de sa mort Galou Laarab Galou, interprété par les chanteurs du malouf, qui commence ainsi : « Les Arabes ont dit : Nous ne livrerons pas Salah, ni ses biens ; Dussions-nous tous mourir; Et voir s'accumuler les cadavres »[8].

Son tombeau est situé dans l'enceinte de la mosquée El-Kettania[8], la localité Salah Bey située à proximité de Constantine et qui abrite sa résidence secondaire porte aujourd’hui son nom[9], une autre commune de la wilaya de Sétif porte également son nom[10]. La légende rapporte que les Constantinoises portent un haïk noir (m'laya) en signe de son deuil[11]. Un viaduc inauguré en 2014, porte aussi son nom[12].

Selon la légende, Salah Bey a tranché la tête de Sidi M’Ahmed, chef de l’opposition maraboutique, au moment de sa mort, son corps se transforme en corbeau, impressionné par ce « miracle », il a fait construire le mausolée du Sidi M’Ahmed El-Gherab (le corbeau, en arabe) à cet emplacement[6].

Références[modifier | modifier le code]

  1. a b c et d Chems Eddine Chitour, Algérie : le passé revisité, Casbah Editions, , 318 p. (ISBN 978-9961-64-496-6), p. 80
  2. a b c d et e Mahfoud Kaddache, L'Algérie durant la période ottomane., Alger, Alger : O.P.U., , 239 p. (BNF 35498970), p. 154, 155
  3. a b c d et e Ouanassa Siari Tengour, « SALAH BEY ET LA CITE DE L’OUBLI », Insaniyat / إنسانيات. Revue algérienne d'anthropologie et de sciences sociale, no 3,‎ , p. 71–89 (ISSN 1111-2050, DOI 10.4000/insaniyat.11616, lire en ligne, consulté le )
  4. Isabelle Grangaud, La ville imprenable. Histoire sociale de Constantine au XVIIIème siècle, Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS), (lire en ligne), p. 330
  5. a b c d et e André Raymond, « Les caractéristiques d'une ville arabe «moyenne» au XVIIIe siècle. Le cas de Constantine », Revue de l'Occident musulman et de la Méditerranée, vol. 44, no 1,‎ , p. 137–138 (DOI 10.3406/remmm.1987.2163, lire en ligne, consulté le )
  6. a b c d et e Catherine Belvaude, L'Algérie, Karthala, (ISBN 978-2-86537-288-1), p. 232-233
  7. L'Algérie durant la période ottomane, .... op.cité, p.162
  8. a b et c Salah Bey revisité, Le Quotidien d'Oran du 22/07/2010.
  9. Marc Côte, Guide d'Algérie : paysages et patrimoine, Algérie, Média-Plus, , 319 p. (ISBN 9961-922-00-X), p. 179
  10. Achour Cheurfi, Dictionnaire des localités algériennes : villes, villages, hameaux, qsars et douars, mechtas et lieux-dits, Alger, Casbah Éditions, , 1213 p. (ISBN 978-9961-64-336-5), p. 962
  11. Daniel Babo, Algérie, Méolans-Revel, Éditions le Sureau, coll. « Des hommes et des lieux », , 206 p. (ISBN 978-2-911328-25-1), p. 96
  12. Visite de travail d’Abdelmalek Sellal à Constantine : plusieurs projets lancés et des réalisations inaugurées, Paru à radioalgerie.dz, Le 26 juillet 2014

Annexes[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]