Réseau Hector

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Le réseau Hector fut un réseau de résistance français implanté en zone occupée par Alfred Heurteaux et subventionné par le service de renseignement de l’Armée de l’air française, ou SR Air.

Histoire[modifier | modifier le code]

Origines et développement[modifier | modifier le code]

As de la Grande Guerre, Alfred Heurteaux est chargé par Xavier Vallat alors secrétaire d’état aux anciens combattants d’organiser en zone Nord la Légion des Combattants. Les Allemands interdisent la Légion en zone occupée. Heurteaux met à profit ses amitiés d’avant-guerre et ses contacts dans les milieux d’anciens combattants pour implanter un réseau de renseignement. Il ne s’agit pas d’un réseau militaire structuré, mais d’une nébuleuse de petits cercles d’amateurs reliés entre eux par des courants très fluides. Le SR Air a sa propre structure, bien distincte. Les groupes Hector de Normandie sont pénétrés par un agent du Secret Intelligence Service, Arthur Bradley-Davies.

Avec l’accord de Robert Guédon, les groupes Robert de province passent sous la houlette du réseau Hector. Heurteaux subventionne le groupe parisien du Mouvement de libération nationale d’Henri Frenay et Robert Guédon. L’argent vient du colonel Ronin, chef du SR Air, et du général Bergeret, secrétaire d’état à l’Air. Les groupes Hector de province reçoivent la presse clandestine diffusée par le groupe Guédon, Combat Zone nord : Pantagruel, Les Petites Ailes de France, Veritas, Le Travailleur, La France continue, Valmy.

Interconnexions et pénétration du contre-espionnage allemand[modifier | modifier le code]

Par le biais de multiples appartenances et de relations personnelles, les franges du réseau Hector entrelacent celles de la Confrérie Notre-Dame et du réseau Saint-Jacques. Certains militants sont en contact avec les services secrets de l’armée de terre. Après-guerre, le groupe de Tony Ricou, revendiqué par le Groupe du musée de l'Homme, sera homologué dans le réseau Hector auquel seront rattachés les rescapés et les disparus de Combat Zone Nord.

Le poste Abwehr IIIF (contre-espionnage) de Paris insère, dans le groupe Hector de Vernon (Eure), un V-Mann (homme de confiance), Andreas Folmer, alias Albert Richir, qui pose à l’officier de l’Intelligence Service. Captain Clark convainc un responsable du réseau de fournir des listes d’agents. À partir de , les émissaires en zone Sud du réseau Hector sont toisés par les officiers du contre-espionnage de Paul Paillole qui les filtrent : « Vous n’êtes pas chez Heurteaux, au moins ? »

Répression[modifier | modifier le code]

Arrestations[modifier | modifier le code]

En , le poste Abwehr de Paris apprend que le réseau Hector forme des groupes armés, à l’exemple du parti communiste qui multiplie les attentats depuis l’invasion de l’URSS. De crainte que le haut commandement n’apprenne un jour que des attentats ont été commis par un réseau pénétré par l’Abwehr, la décision est prise de mettre fin à ses activités.

Le coup d'arrêt débute le . L'opération a pour nom de code « Fall Porto ». Quelque 119 personnes sont arrêtées parmi lesquelles 42 (dont plusieurs militants) seront relâchées, ayant pu faire la preuve de leur innocence. Les Allemands ratissent large. De plus, ils rattachent à l’opération Porto plusieurs affaires qui, à tort ou à raison, leur paraissent liées. Plusieurs membres du réseau Saint-Jacques de Maurice Duclos tombent entre leurs mains. Arrêté le , Alfred Heurteaux nie tout en bloc, malgré les preuves et les témoignages accumulés contre lui. Fin des subventions du SR Air. Faute d’argent, Combat Zone Nord ferme son secrétariat/messagerie et interrompt la publication de Résistance qui avait pris la suite du journal Les Petites Ailes de France.

Déportations[modifier | modifier le code]

L’affaire Porto est à l’origine du décret Nacht und Nebel. L’expérience prouve que, loin d’être dissuasifs, les pelotons d’exécution fabriquent des héros et des martyrs. Il est décidé que les militants capturés seront déportés et mis à l’isolement le plus strict en Allemagne, dans l’attente de leur jugement par un tribunal d’exception, et que leur famille sera privée de la moindre information quant au sort des disparus.

Les dossiers de l’Abwehr sont transmis aux bureaux de Gestapo des villes allemandes où les résistants sont emprisonnés. L’enquête continue. Un an, deux ans après le début de leur captivité, les militants subissent encore des interrogatoires, des confrontations qui mènent à des suppléments d’investigation et à d’autres arrestations. Alfred Heurteaux qui passe pour un protégé d’Hermann Goering, as allemand de la Grande Guerre, lequel aurait interdit que l’on touchât à un cheveu de sa tête, n’a toujours rien admis.

Condamnations[modifier | modifier le code]

La Gestapo établit les responsabilités individuelles dans chaque petit cercle pris séparément, certains contacts avec les services secrets français de zone libre, mais elle perd du temps à tenter de reconstituer l’organigramme d’un réseau beaucoup moins structuré qu’elle ne le soupçonne. Il en a quand même assez pour traduire les militants devant des juridictions d’exception (Sondergerichte, Volksgerichtshof) qui prononcent soit des peines de mort soit des peines de travaux forcés équivalant à des peines de mort différées. Les condamnations, qui touchent surtout des membres du réseau Saint-Jacques et des contacts des 2e et 5e bureau de l’état-major de l’armée, s’échelonnent de 1943 (Cologne) à (Breslau). Les condamnés aux travaux forcés sont enfermés au bagne de Sonnenburg où ils trouveront des militants de La Vérité française et de Combat Zone Nord. En 1944, le statut Nacht und Nebel ayant été aboli, les survivants sont transférés au camp de Sachsenhausen ou à la prison de Wolfenbüttel.

Alfred Heurteaux échappe au sort commun. En , une audience du 2e sénat du Volksgerichtshof à Dusseldorf est ajournée par suite de charges nouvelles apparues contre lui. Après de nouveaux et nombreux interrogatoires, un deuxième procès est prévu pour . Un décret du ministère allemand de la justice en date du suspend la procédure contre Heurteaux qui, livré à la Gestapo de Potsdam où il était incarcéré depuis le précédent, est « mis au camp » jusqu’à la fin de la guerre.

En France, les rescapés du réseau Hector, comme Pierre Bouchard (résistant), reprennent du service à Combat Zone Nord, puis à CDLR et à l’OCM.

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Jean Bézy : Le SR Air, Paris, France-Empire, 1979.
  • FNDIRP-UNADIF : Leçons de ténèbres, Paris, Perrin, 2004.
  • FNDIRP-UNADIF, Bernard Filaire : Jusqu'au bout de la résistance, Paris, Stock, 1997.
  • Henri Michel : Paris résistant, Paris, Albin Michel, 1982.
  • Henri Noguères : Histoire de la Résistance en France, Paris, Robert Laffont, 1972.
  • Oscar Reile : L’Abwehr, contre-espionnage allemand en France, 1970.