Règle de contrariété des couleurs

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En héraldique, la répartition des couleurs en trois groupes (métaux, émaux, fourrures) n'est pas formelle, mais correspond bien au souci « technique » de lisibilité, exprimé par la règle de contrariété des couleurs, qui s'exprime ainsi[1] :

« jamais métal sur métal, ni émail sur émail. »

Principe[modifier | modifier le code]

Si on considère la caractéristique des métaux d'être des teintes claires, pâles et celle des émaux d'être des teintes franches, profondes et intenses, la loi pourrait s'énoncer ainsi : « jamais pâle sur pâle, ni intense sur intense », ce qui à l'évidence définit l'obligation de contraste permettant une bonne lisibilité.

Remarques
  1. Les fourrures, composées d'un émail et d'un métal, échappent par nature à cette règle. De fait, elles peuvent se placer n'importe où : sur ou sous un métal, un émail, et même une autre fourrure.
  2. La règle utilise « sur » et non « à côté » et donc concerne les charges (qui se posent sur le champ ou sur une autre charge) et non les partitions, qui divisent un champ ou une charge en zones adjacentes mais réputées de même niveau.

Certains auteurs ont voulu étendre la règle aux partitions, mais pour certaines, c'est impossible à respecter, et la réalité des armoiries montre que cette extension ne peut constituer qu'une tendance. Cette tendance est forte en ce qui concerne les rebattements. L'expression cousu n'a de sens que si la règle ne s'étend pas aux partitions.

Exceptions[modifier | modifier le code]

Les armoiries fautives par rapport à cette règle sont dites armes à enquerre.

Pour simplifier, les exemples ci-dessous ne comportent pas de fourrures, qui échappent à la règle.

Exceptions liées à la conception[modifier | modifier le code]

Champ et figures
Les figures (pièces ou meubles) brochant sur une ou plusieurs figures et/ou aussi sur le champ sont en principe non fautives.
Exemple : Ariège, d’or aux trois pals de gueules et à l’écusson d’azur chargé d’une cloche d’argent brochant sur le tout.
Contre exemple
Le seul cas où elles le seraient, c'est qu'étant d'une certaine couleur, elle ne broche que sur des éléments de couleur de même catégorie, mais cela suppose que le blason est déjà fautif dès les premières couches.
Exemple : Arbent, d'or à un gousset alésé d'argent soutenu d'un compas à branches courbes renversé de sable, et à deux couteaux d'argent emmanchés de gueules passés en sautoir, liés d'or, brochant sur le tout.

Les couteaux d'argent brochent sur un gousset d'argent et sur le champ d'or, donc tous de métal. Mais c'est fautif déjà pour le gousset d'argent sur champ d'or.

Charge partitionnée
Une charge est partitionnée d'au moins un émail et un métal, et est posée sur un champ uni.
Exemple : Ébreuil, de gueules, à la croix écartelée d'argent et d'azur, cantonnée de 4 fleurs de lis d'or (l'azur de la croix est sur le gueules du champ).
Partition
Une charge brochant sur une partition comportant au moins un métal et un émail.
Exemple : les armoiries de Poitou-Charentes, coupé d'argent et de sable, au lion de gueules armé et lampassé d'azur brochant sur le tout (en pointe, le gueules est sur le sable, c'est inévitable).
Semé
De même, une charge brochant sur un semis peut indifféremment être d'une couleur appartenant au groupe de celle du champ ou à celui de celle des meubles semés (à condition que le semé soit lui-même correct).
Exemple : les armes du duché de Bar, deux bars adossés d'or brochant sur un semé de croisettes recroisetées au pied fiché du même sur champ d'azur.

Les croisettes et les bars sont de la même couleur.

Détails
Un meuble présente des détails utilisant une couleur du groupe opposé à la couleur générale.
Exemple : les armoiries corses d'argent à la tête de Maure de sable, animée et tortillée du champ.

Le tissu qui entoure la tête du Maure, le tortil, est de la même couleur que le fond de l'écu.

Exceptions qui sont en fait des transgressions[modifier | modifier le code]

Ces transgressions sont souvent expliquées par l'histoire personnelle du possesseur, qui prétendait par là affirmer sa puissance.

Jérusalem

Les armoiries du royaume de Jérusalem (métal sur métal) en sont l'exemple le plus célèbre. Elles furent récupérées par Godefroy de Bouillon, avoué du Saint-Sépulcre, après la Croisade : d'argent à la croix potencée d'or cantonnée de quatre croisettes du même.

Cette transgression est expliquée diversement selon les auteurs. Pour sa part, E. Simon de Boncourt, dans sa Grammaire du blason (1885) donne : « L'an 1099, après la prise de Jérusalem par les Croisés, il s'agit de blasonner Godefroy de Bouillon avec le nouveau royaume. Les barons assemblés lui donnèrent “un champ d'argent à la croix d'or accompagnée de quatre croisillons du même”. C'était violer la règle que nous venons de citer : mais ils le firent sciemment, prétendant que l'or et l'argent étaient les seuls dignes de représenter l'instrument de la Rédemption du monde et que la Ville sainte méritait bien la faveur de cette exception aux règles ordinaires ».

Albanie
Les armoiries du royaume albanais (avant 1913) en sont un autre exemple (émail sur émail), où l'aigle bicéphale de sable est posée sur un champ de gueules.
Galicie
Les armoiries du royaume de Galicie (avant 1918, sous l'Autriche-Hongrie) sont émail sur émail, où le corbeau de sable et la divise de gueules sont tous deux posés sur un champ d'azur.

Cas particulier des exceptions liées à l'Histoire[modifier | modifier le code]

En dépit des apparences, certaines armoiries ne sont pas fautives.

Augmentations
C'est le cas principalement des augmentations, où la pièce (très rarement, le meuble) accordée par le suzerain à son vassal, a une chance sur deux de contrevenir à la règle et les armoiries peuvent apparaître fautives. Pour bien montrer qu'on a reconnu une exception, le blasonnement utilise le terme de cousu qui tend à faire penser qu'on n'a pas posé sur mais positionné par couture au même niveau, comme une partition — ce qui le rend conforme à la règle. Exemple avec les armoiries de Lyon : de gueules au lion d'argent, au chef cousu de France (de France est un raccourci héraldique pour : d'azur à trois fleurs de lys d'or, voir ce terme).
Brisures
Les brisures peuvent parfois agir comme ci-dessous. Ex. : les armoiries du comté de Namur, d'or, au lion de sable, armé, lampassé et couronné de gueules, à la cotice du même brochant sur le tout. Le lion et la cotice sont d'une couleur du groupe des émaux, mais comme la cotice broche aussi sur le champ, c'est sans conséquence.
Enquerre
Certaines armoiries fautives le seraient parce que conçues avant que la règle de contrariété des couleurs ne soit bien fixée. C'est l'explication qu'on donne parfois à l'origine des armoiries du royaume de Jérusalem. Ce qui est peu crédible, car le blason originel du royaume de Jérusalem, ayant un champ de gueules, était, lui, tout à fait correct.

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. « Les emaux des armoiries, les metaux et les couleurs heraldiques, les… », sur chez.com (consulté le ).

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