Rodolphe Lemoine

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Rodolphe Lemoine
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Rodolphe Lemoine, dit Rex, alias Rudolphe, Koenig, Neumann, de Korf, colonel Delmann, de son vrai nom Rudolf Stahlmann, né le à Berlin et mort à Baden-Baden le , est un agent triple, connu pour son implication dans l'affaire Enigma.

Biographie[modifier | modifier le code]

1871-1939[modifier | modifier le code]

Fils d'un joaillier de Berlin, Stahlmann mène la grande vie. En 1902, considéré comme un agent prussien, il est expulsé du territoire français. En , il demande à rentrer, ayant épousé, à Buenos Aires, une Française, Renée Lemoine. Il adopte le nom de sa femme et francise son prénom[1].

Dans les années 1920, Lemoine entre, à temps partiel, au service du 5e bureau de l'état-major français, où il joue un rôle d'intermédiaire. Lemoine est un colosse ventripotent dont les manières et le style de vie impressionnent les interlocuteurs. Le , au Grand Hôtel de Verviers (Belgique), il rencontre un employé du bureau du chiffre du ministère de la Reichswehr, Hans-Thilo Schmidt. Le , nouveau contact. Cette fois-ci, Lemoine est accompagné de Gustave Bertrand, capitaine du bureau français du chiffre. Dans les années qui suivent, Lemoine traite Schmidt pour le compte de Bertrand[2].

En , Lemoine est arrêté à Cologne par la Gestapo. Relâché, il est criblé de questions par le contre-espionnage français. Mis hors de cause, il est néanmoins tenu à l'écart de Schmidt[3].

1939-1945[modifier | modifier le code]

En 1939, Lemoine est à la tête d'une officine de faux documents pour le renseignement français. Installé rue de Lisbonne à Paris, et entouré d'une équipe d'experts, il produit pour les agents de pénétration toute sortes de documents (passeports, cartes d'identité, permis de conduire, cartes de séjour…)[4].

Le , à Biarritz, Lemoine manque de passer en Angleterre, à bord d'un dragueur de mines de la Royal Navy[5].

Le , à Bon-Encontre, Lemoine voit Bertrand et Paul Paillole. Lemoine accepte de se rendre à Saint-Raphaël pour y attendre des instructions. À cette occasion, Paillole est horrifié par l'imprudence de Lemoine dont la serviette est bondée de livres de codes de différents pays, y compris les manuels de Schmidt, de passeports et de cartes d'identité vierges[6].

En , des enquêteurs allemands retrouvent, dans les archives françaises capturées, à Paris et à La Charité-sur-Loire, trace de tentatives de vente de codes et chiffres (Lemoine mange à tous les râteliers) et de deux contacts d'agents au bureau allemand du chiffre et au bureau de recherches du ministère allemand de l'air, à moins qu'il ne s'agisse de la même personne. Or Schmidt était passé de l'un à l'autre en 1938[7].

En , ayant retrouvé Lemoine à Saint-Raphaël où il vit de marché noir et de trafics de faux papiers, Paillole l'expédie à l'Hôtel Splendid de Marseille, sous surveillance de ses amis de la police[7].

En , Lemoine fait savoir qu'il a été approché par un agent allemand qui l'invite à monter à Paris travailler pour son service. Paillole exile Lemoine à Saillagouse, Pyrénées, d'où il pourrait passer en Espagne. Lemoine est contacté par un ami de toujours qui lui propose de l'aider à vendre un code italien aux Allemands. La transaction permet aux Allemands de localiser Lemoine, qui, malgré l'invasion de la zone libre, reste en France. À compter du , il est surveillé en permanence par l'Abwehr. Le , il est arrêté et envoyé à Paris[8].

Traité comme un nabab à l'Hôtel Continental, rue de Castiglione, Lemoine reçoit magnifiquement ses geôliers auxquels il raconte sa carrière, par épisodes. L'affaire Schmidt et la livraison des documents Enigma sont désormais connues de l'Abwehr. Le , procès-verbal. Lemoine propose de retourner sa veste[1]

Vers la fin de la guerre il se trouve à Berlin et après la libération de la ville, il aide l'armée rouge[9].

Le , Lemoine arrêté par les Français, est emprisonné et interrogé à Bad Wildbad. Il meurt d'hémophilie dans sa cellule[1].

Références[modifier | modifier le code]

  1. a b et c Miannay, Dictionnaire des agents doubles dans la Résistance, p. 260-262
  2. Sebag-Montefiore, Enigma, p. 6 & 18-30
  3. Sebag-Montefiore, Enigma, p. 50-51
  4. Gilbert-Guillaume, Mes missions face à l'Abwehr, Plon, , 249 p., p. 88-89
  5. Sebag-Montefiore, Enigma, pp 100-101
  6. Sebag-Montefiore, Enigma, p. 136-137
  7. a et b Sebag-Montefiore, Enigma, p. 266-267
  8. Sebag-Montefiore, Enigma, p. 286, 304, 363, 287 & 364.
  9. Paul Paillole, Notre espion chez Hitler

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Hugh Sebag-Montefiore, Enigma, the battle for the code, Phoenix, 2011.
  • Paul Paillole, Notre espion chez Hitler, Laffont, 1985.
  • Patrice Miannay, Dictionnaire des agents doubles dans la Résistance, Le Cherche-Midi, 2005.

Liens[modifier | modifier le code]