Marcel Nadjari

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Marcel Nadjari
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Biographie
Naissance
Décès
Voir et modifier les données sur Wikidata (à 54 ans)
New YorkVoir et modifier les données sur Wikidata
Nom dans la langue maternelle
Μαρσέλ ΝατζαρήVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité
Activités
Marchand, tailleur, traderVoir et modifier les données sur Wikidata
Autres informations
Arme
Lieux de détention

Marcel Nadjari (ou Nadjary, Nadjar, Nadzari, grec moderne : Εμμανουήλ Μαρσέλ Νατζαρή Νατζαρής, « Nazaréen »), né le à Thessalonique, Grèce et mort le à New York, États-Unis, est un juif grec déporté à Auschwitz. Il a été membre des Sonderkommandos à Birkenau de à . Il est l'un des trois seuls membres du Sonderkommando à avoir écrit ses mémoires[1] après la guerre[2], aux côtés de Filip Müller[3]et de Léon Cohen[4].

En , deux mois avant la libération du camp, il enterre un manuscrit de treize pages dans une bouteille Thermos près du Crematorium III, document rédigé en grec dans lequel il décrit ses observations[5]. Le récipient et son contenu seront découverts par hasard en 1980 à environ 40 cm de profondeur par un étudiant polonais[5], sa découverte ne sera révélée qu'en octobre 2017 après qu'un traitement spectral réalisé en 2013[6] ait rendu lisible 85 à 90 % du manuscrit qui était très détérioré[7].

Biographie[modifier | modifier le code]

Ruine du four crématoire no 4 d'Auschwitz.

Marcel Nadjari est né le , à Thessalonique, en Grèce[8],[9],[7],[10]. Il fréquente le lycée français Alsheikh. Il s'intéresse au dessin et à la peinture et apprend à naviguer. Il travaille ensuite dans la boutique de son père, qui vend de la nourriture pour animaux. Il fait son service militaire en 1937, fait la guerre en 1940 contre les Italiens sur le front albanais et est démobilisé. En 1942, il est contraint par les Allemands aux travaux forcés avec 1 500 autres juifs. Au printemps de 1943, ses parents et sa sœur, Nelly, sont déportés de Thessalonique (ils sont morts à Auschwitz). Il s'échappe, rejoint Athènes et travaille pour un fabricant de savon. En , il quitte Athènes et se bat pour la résistance communiste. Il est blessé. Il est dénoncé par une française en tant que « sioniste et passeur en Palestine ». Le , il est arrêté et emmené aux prisons d'Avérof, où il passe le mois suivant. Il est torturé par les Allemands et avoue son identité juive. Il est finalement envoyé au camp de concentration de Haidari où il passe les deux mois suivants[11].

À Auschwitz[modifier | modifier le code]

Déporté d'Athènes, le , parmi 2 500 juifs, il arrive à Auschwitz le . 1 872 personnes déportées sont immédiatement tuées dans la chambre à gaz. Il fait partie des 320 hommes grecs sélectionnés pour le travail (numéros de 182 440 à 182 759). Son numéro est le 182 669. Après deux jours passés au Zentral Sauna de Birkenau, ses camarades grecs et lui séjournent, du 13 avril au 11 mai, dans le Block 12 du Männerquarantäne Lager (camp de quarantaine) à Birkenau. Il est ensuite sélectionné dans un groupe de 100 Grecs pour faire partie du Sonderkommando[12],[13]. Il est affecté au Krematorium III. Il participe à la préparation du soulèvement du Sonderkommando aux côtés de Yaacov Kaminski, Lemke Chaïm Pliszko, Dawid Kotchak, Giuseppe Baruch, Leibl Paul Katz, Léon Cohen et Alberto Errera. Mais lorsque cela se produit le , les prisonniers du Krematorium III ne peuvent prendre part à la rébellion et sont rapidement encerclés par les Allemands.

En , deux mois avant la libération du camp, il enterre un manuscrit de douze pages[14], rédigé le 3 novembre sur des pages arrachées à un carnet, et le cache dans une bouteille thermos et un porte-documents près du Krematorium III, écrit en grec (avec une introduction en grec, polonais et français) dans lequel il décrit ses observations [15],[16].

Après la fin de l'extermination par le gaz à la mi-novembre, Nadjari et ses camarades sont enrôlés dans l'Abbruchkommando, l'unité chargée de la démolition des Krematoriums. Le , les SS évacuent Auschwitz et les quelques milliers de détenus qui peuvent marcher sont évacués du camp lors de la marche de la mort. Bien que les membres du Sonderkommando ne soient pas autorisés à quitter le camp, Nadjari et certains de ses camarades se mêlent à la foule de prisonniers. Il survit à la marche de la mort et arrive dans le camp de concentration de Mauthausen le . Il est transféré à Melk et, le , à Gusen, d'où il est libéré, le , par la 11e division armée (États-Unis) du 3e US.

Après Auschwitz[modifier | modifier le code]

Il retourne en Grèce[17]. Travaillant en 1947 à l'hôpital d'Athènes, il écrit de mémoire son expérience à Auschwitz, pour lui, pour ses camarades morts, sans intention précise de publication. Il épouse Roza Saltiel en 1947. Ensemble, ils ont un fils, Alberto, né en 1950. En 1951, ils s'installent aux États-Unis où il exerce le métier de tailleur et où, leur fille, Nelly, naît à New York en 1957. Nadjari décède d'une crise cardiaque le 31 juillet 1971 à l'âge de 54 ans à New York.

Le , alors qu’il nettoyait les environs du Krematorium III de Birkenau, Lesław Dyrcz, élève de l’école de formation professionnelle en foresterie de Brynek, découvre un porte-documents en cuir enfoui à environ 40 cm de profondeur dans le sol. À l'intérieur se trouve le thermos de Marcel Nadjari[18],[19]. Dans son manuscrit, Nadjari écrit: : « Je veux vivre pour venger la mort de papa et maman et celle de ma chère petite sœur Nelly ». Son rapport de 1947 est publié en 1991 en grec sous le titre Χρονικό 1941–1945 [Chronique][20]

En , le texte découvert en 1980 dans le sol de Birkenau est révélé au public après un traitement numérique réalisé en 2013 par Pavel Polian et Aleksandr Nikitjaev, qui a rendu 85 à 90 % du manuscrit lisible[21].

Marcel Nadjari est mentionné par de nombreux survivants : Léon Cohen[22], Ya’akov Gabbai[23], Shaul Chazan[24] et Daniel Bennhamias[25].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Marcel Nadjari, Χρονικό 1941–1945 [Chronicle], Ιδρυμα Ετσ - Αχα'ι'μ, Thessalonique, 1991
  2. Voir Gideon Greif, We wept without tears, Yale University Press, 2005, p. 80 : Seulement 4 membres du Sonderkommando ont écrit leurs mémoires : Marcel Nadjari, Léon Cohen, Filip Müller and Miklos Nyiszli. Nous pouvons considérer que le dernier témoin mentionné par le docteur Greif, le docteur Miklos Nyiszli, ne faisait pas vraiment partie du Sonderkommando, puisqu'il était chargé de procéder aux autopsies pour le docteur Josef Mengele, même s'il vivait avec les membres duSonderkommando. Les autres livres des membres du Sonderkommando, comme ceux de Shlomo Venezia ou de Daniel Behnnamias, sont des livres d'entretiens et non des mémoires à proprement parler.
  3. Cfr Filip Muller, Trois ans dans la chambre à gaz , Éditions Pygmalion/Gérard Watelet, 1980.
  4. Cfr Léon Cohen, From Greece to Birkenau : the crematoria workers'uprising, Salonika Jewry Research Center, 1996.
  5. a et b (en) Auschwitz inmate's notes from hell finally revealed - Laurence Peter, BBC News, 1er décembre 2017
  6. (en) Buried letter recounts Auschwitz prisoner's job of burning bodies of fellow Jews in death camp - Fox News, 11 octobre 2017
  7. a et b (en) Reconstructed Auschwitz Letter Reveals Horrors Endured by Forced Laborer - Brigit Katz, Smithsonian, 11 octobre 2017.
  8. (en) Long-buried letter recounts horror of Auschwitz prisoner forced to burn fellow Jews - Christopher Brennan, New York Daily News, 11 octobre 2017.
  9. (en) Unearthed Letter From Jewish Inmate At Auschwitz Details Untold Horrors - The Yeshiva World, 17 octobre 2017.
  10. (en) Restored Letter Unearthed At Auschwitz Details Crematoria Horror - Jacob Goff Klein, The Jerusalem Post, 17 octobre 2017.
  11. (en) Gideon Greif, We wept without tears, Yale University Press, 2005, note de la p. 363.
  12. (en) Reconstructed Auschwitz prisoner text details 'unimaginable' suffering - Dagmar Breitenbach, DW.com 9 octobre 2017
  13. Tal Bruttmann, Auschwitz : « Un contingent de 100 hommes est prélevé dans le camp de quarantaine parmi des juifs grecs ayant franchi la sélection le 11 avril 1944. (voir Auschwitz Chronicle by Danuta Czech). » Cette incorporation massive d’hommes dans le Sonderkommando correspond au début de l’Aktion Höss en prévision de la déportation des Juifs de Hongrie.
  14. Le manuscrit de 6 feuilles recto-verso est numéroté de 1 à 13, mais Nadjari a omis le numéro 10.
  15. Marcel Nadjari's Manuscript November 3, 1944 (Conservation and legibility enhancement through multispectral imaging), Auschwitz-Birkenau State Museum, 2020.
  16. (en) Auschwitz Sonderkommando, Testimony and Legacy - Roundtable 1 - Dailymotion (conference d'Andreas Kilian) 40 min 5 s [vidéo].
  17. Jacques Stroumsa, Tu choisiras la vie (qui rencontre Nadjari à Marseille avant son retour en Grèce), p. 113.
  18. (en) How we recovered text from manuscript found in the 80’s near the crematorium 3 in Auschwitz-Birkenau - Medium.com, 24 juillet 2018.
  19. Photographie du thermo par Véronique Chevillon [image].
  20. (el) Marcel Nadjari, Χρονικό 1941–1945 [Chronicle], Ιδρυμα Ετσ - Αχα'ι'μ, Thessaloniki, 1991
  21. (en) Marcel Nadjary recovering - YouTube (restauration du manuscript de Marcel Nadjari) min 12 s [vidéo].
  22. (en) Leon Cohen: We Were Dehumanized, We Were Robots in Gideon Greif, We wept without tears, Yale University Press, 2005, p. 307 : « I should mention one of the rebels at Crematorium III : Marcel Nadjari, a good man. »
  23. (en) Ya’akov Gabbai : « I’ll Get Out of Here! », in Gideon Greif, We wept without tears, Yale University Press, 2005, p. 181 : « Our group was made up mainly of Greek Jews, including Michel Arditti, Josef Baruch of Corfu, the Cohen brothers, Shlomo and Maurice Venezia, me and my brother Dario Gabbai, Leon Cohen, Marcel Nadjari, and Daniel Ben-Nachmias. »
  24. (en) Shaul Chazan: Life Didn’t Matter Anymore, Death Was Too Close in Gideon Greif, We wept without tears, Yale University Press, 2005 : « I had the opportunity to make friends with many of them, such as Josef Sackar, Leon Cohen, Peppo-Josef Baruch, Ya’akov Gabai, Marcel Nadjari, Shlomo Venezia, and Dani Ben-Nachmias.»
  25. (en) Rebecca Camhi-Frome, The Holocaust odyssey of Daniel Bennahmias, Sonderkommando, University of Alabama Press, 1993 : « he retrieves the names of the three friends from Salonika with whom he associated: Saul Hazan, Marcel Nadjari, and Leon Cohen (who has since written his own account, From Greece to Birkenau) »

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]