Mémoires d'Hadrien
Mémoires d'Hadrien | |
Couverture de la première édition. | |
Auteur | Marguerite Yourcenar |
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Pays | France |
Genre | Roman historique, pseudo-mémoires |
Éditeur | Plon |
Date de parution | 1951 |
Nombre de pages | 323 |
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Mémoires d'Hadrien est un roman historique de Marguerite Yourcenar (1903-1987), publié en 1951. Ces pseudo-mémoires de l'empereur romain Hadrien (76-138) ont rencontré un succès international fulgurant assurant la célébrité à son auteur. Si le sujet a inspiré Marguerite Yourcenar encore adolescente, cette dernière l'a néanmoins considéré comme trop ambitieux pour être une œuvre de jeunesse car de la trempe de ceux « qu’on ne doit pas oser avant d’avoir dépassé quarante ans[1]. »
Le livre est présenté comme une longue lettre d’un vieil empereur adressée à son petit-fils adoptif et éventuel successeur âgé de 17 ans, Marc Aurèle (121-180). Hadrien médite et se remémore ses triomphes militaires, son amour de la poésie et de la musique, sa philosophie ainsi que sa passion pour son jeune amant bithynien, Antinoüs (vers 110-130).
Résumé
[modifier | modifier le code]Écrit dans un style dense témoignant d'une bonne connaissance des sources, ce roman philosophico-historique est une méditation de l'empereur à la fin de sa vie. Sous forme d'une longue lettre adressée depuis sa villa à Tibur au futur Marc Aurèle, il retrace les principaux événements de son existence, qui fut la plus libre avec la plus grande lucidité possible.
Les chapitres, non numérotés, sont regroupés en six parties portant chacune un titre latin.
« Animula vagula blandula[2] » (« Âmelette vaguelette, calinette ») (ou encore « Ma petite âme, errante et câline ») permet au lecteur de faire connaissance avec le personnage et de se familiariser avec ses convictions (sobriété, rejet du végétarisme non adapté à la vie d'un homme public, essence mystérieuse de l'amour), ses passions passées (chasse et équitation) et ses tourments présents (insomnie, approche de la mort).
Les cinq parties suivantes reprennent chronologiquement la biographie d'Hadrien.
« Varius multiplex multiformis[3] » (« Varié, complexe, changeant ») traite de la vie d'Hadrien jusqu'à la mort de Trajan (53-117) et l'accession au trône d'Hadrien : sa jeunesse en Espagne, son expérience de juge chargé des litiges d'héritages à Rome, sa participation aux guerres daciques, son gouvernorat en Syrie et la guerre contre les Parthes. Avant de mourir, Trajan signe un acte d'adoption d'Hadrien dans des conditions qui font douter de son authenticité mais grace auquel Hadrien devient empereur.
« Tellus stabilita[4] » (« La terre retrouve son équilibre ») décrit le début de son règne. Hadrien fait preuve de modération dans divers domaines : il pacifie l'empire (Parthes, Égypte, Sarmates), améliore la condition des esclaves, développe les infrastructures aux frontières. Il fonde des villes, voyage beaucoup, jusqu'en Bretagne, se fait initier au culte de Déméter à Éleusis, ce que Yourcenar admet être un fait potentiel mais historiquement non documenté.
« Sæculum aureum » (« siècle d'or ») retrace l'histoire d'amour d'Hadrien avec Antinoüs depuis leur rencontre jusqu'à la mort tragique du jeune homme en Égypte.
« Disciplina augusta » (« discipline auguste ») couvre la période qui va de la mort d'Antinoüs à la vieillesse de l'empereur, qui poursuit ses voyages et son action législatrice (Édit perpétuel) ; il est confronté à la montée du christianisme notamment à travers la révolte juive de Bar Kokhba qu'il considère comme un échec personnel.
Enfin, dans « Patientia » (« patience, ou endurance »), Hadrien se montre préoccupé de sa mort prochaine : il envisage le suicide, tente de renforcer son endurance à la souffrance et sent son âme s'échapper de son corps.
Genèse
[modifier | modifier le code]Marguerite Yourcenar a indiqué dans ses Carnets de notes de « Mémoires d'Hadrien » qu'une citation extraite de la correspondance de Gustave Flaubert était à l'origine de son inspiration pour écrire ce livre :
« Les dieux n'étant plus et le Christ n'étant pas encore, il y a eu, de Cicéron à Marc Aurèle, un moment unique où l'homme seul a été[5]. »
Cela l'intriguait, car elle entrevoyait un parallèle entre cette époque et le monde d'après-guerre. Elle dit aussi avoir hésité un moment entre les mémoires de l'empereur romain Hadrien et ceux du poète et mathématicien Omar Khayyam (v. 1048- v. 1131). En fait Hadrien, Khayyam ou le héros Zénon de L'Œuvre au noir se présentent comme des personnages lucides, tolérants et désabusés tant sur la nature humaine que sur les illusions dont l'humanité semble ne pouvoir se passer.
Le projet initial de Marguerite Yourcenar, alors qu'elle n'avait qu'une vingtaine d'années, était d'écrire un texte sur l'empereur Hadrien dont le narrateur aurait été son favori Antinoüs. Les différentes versions de cette première ébauche, datant de 1924 à 1929[6], ont été détruites par la future académicienne après les refus de plusieurs éditeurs. Quand elle reprend, un quart de siècle plus tard, son projet de jeunesse, la perspective s'est inversée : c'est Hadrien qui tient le stylet et qui raconte sa vie et sa passion pour le jeune Bithynien, au travers du filtre de la douleur causée par la mort de celui-ci.
Roman historique ?
[modifier | modifier le code]Marguerite Yourcenar explique le long travail d'érudition et de romancière qu'elle a mené pour écrire Mémoires d'Hadrien dans le « carnet de notes » qui accompagne la plupart des éditions et dit qu'elle a cherché à se rapprocher le plus possible du personnage et de l'ambiance historique :
« Si j'ai choisi d'écrire ces Mémoires d'Hadrien à la première personne, c'est pour me passer le plus possible de tout intermédiaire, fût-ce de moi-même. »
Elle est cependant consciente des écueils :
« Quoi qu'on fasse, on reconstruit toujours le monument à sa manière. Mais c'est déjà beaucoup de n'employer que des pierres authentiques. »
Jugements d'historiens
[modifier | modifier le code]- Selon André Chastagnol, « le portrait que trace de lui Marguerite Yourcenar correspond sans aucun doute à ce que les sources nous apprennent[7]. »
- Pour Paul Petit, « Mme Yourcenar a déployé pour le peindre des trésors de psychologie et une bonne connaissance des sources sans prétendre à la vérité historique[8]. »
Postérité
[modifier | modifier le code]Ce roman est inclus dans la liste des 100 meilleurs livres de tous les temps, établie en 2002 par le Cercle norvégien du livre, à partir des propositions de 100 écrivains issus de 54 pays différents.
En 2016, l'exposition « Marguerite Yourcenar et l'empereur Hadrien, une réécriture de l'Antiquité » présentée au Forum antique de Bavay[9], propose à la fois une approche historique faisant état des études archéologiques autour de la figure de l'empereur et une vision de la démarche documentaire et littéraire de Yourcenar[10].
Autour de l'œuvre
[modifier | modifier le code]Musique
[modifier | modifier le code]- Suite d'Hadrien : œuvre pour piano écrite en 1988 par le compositeur interprète Frédéric Rossille pour la Cantate d'Antinoüs (adaptation théâtrale des Mémoires d'Hadrien par le metteur en scène Eric Podor)
- Villa Adriana : suite instrumentale de Frédéric Rossille, publiée sous forme de CD[11] en 2000
- A Theme for Hadrian : la partition pour piano de Frédéric Rossille (version manuscrite de 2013)
Autre
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Références
[modifier | modifier le code]- Marguerite Yourcenar, Carnets de notes des Mémoires d'Hadrien, Paris, Pion, , p. 315.
- Ce titre est le premier vers de l'épitaphe composée par Hadrien pour lui-même, citée par l'Histoire Auguste et traduite ainsi par André Chastagnol, que Yourcenar a placée en épigraphe des Mémoires.
- Trois qualificatifs attribués à Hadrien par l'Épitomé de Caesaribus, 14, 6.
- Il s'agit d'une inscription qui apparaît sur des monnaies du règne d'Hadrien.
- Gustave Flaubert, Correspondance, tome 3, Gallimard, Pléiade, p. 191.
- Carnets de notes de « Mémoires d'Hadrien », Marguerite Yourcenar.
- En page 9 de son introduction sur la vie d'Hadrien, Histoire Auguste, traduction d'André Chastagnol, éditions Robert Laffont, 1994 (ISBN 2-221-05734-1).
- p. 160 de son Histoire générale de l'Empire romain, Seuil, 1974 (ISBN 2020026775).
- Musée archéologique du département du Nord, du 4 février au 30 août 2016.
- Marguerite Yourcenar et l'empereur Hadrien, une réécriture de l'Antiquité, Gand, Snoeck, , 151 p. (ISBN 9789461612779).
- Rêves Magiques CD 003.
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Articles connexes
[modifier | modifier le code]Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Rémy Poignault, «Antinoüs : un destin de pierre », Marguerite Yourcenar et l’art. L’art de Marguerite Yourcenar, Jean-Pierre Castellani, Rémy Poignault éd., Tours, SIEY, 1990, p.107-119.[1]
- Rémy Poignault, L’Antiquité dans l’œuvre de Marguerite Yourcenar. Littérature, mythe et histoire, Bruxelles, Latomus, 1995, vol. 2, p. 426-940 (ISBN 2-87031-168-0)
- Elyane Dezon-Jones, Rémy Poignault, Mémoires d’Hadrien. Marguerite Yourcenar, Nathan, coll. Balises, 1996, 128 p. (ISBN 209180794X)
- Mémoires d'Hadrien de Marguerite Yourcenar. Réception critique 1951-1952, Bulletin n° 14 du Centre international de documentation Marguerite Yourcenar (CIDMY), Bruxelles, 172 p., 2002
- Antinoüs, de la pierre à l'écriture de Mémoires d'Hadrien, hors-série édité par le CIDMY, 175 p., 2007 49 portraits d'Antinoüs choisis par M. Yourcenar pour l'écriture de Mémoires d'Hadrien (mise en évidence de l'utilisation de ces portraits pour l'écriture du récit).
- Bulletin de la Société Internationale d’Études Yourcenariennes, n° 35, déc. 2014 : [2] - Bruno Blanckeman, « Le déni du “roman historique” : Mémoires d’Hadrien dans la correspondance de Marguerite Yourcenar », p. 25-40 - May Chehab, « Rentrer dans la peau d’Hadrien », p. 41-54 - Mireille Douspis, « Plotine : simple matrone ou chrysalide de femme politique ? », p. 55-68 Rémy Poignault, « Guerre et paix dans Mémoires d’Hadrien », p. 69-95
- Marguerite Yourcenar et l'empereur Hadrien, une réécriture de l'Antiquité, Gand, Snoeck, , 151 p. (ISBN 9789461612779)Livre de l'exposition.
- Cécile Brochard et Esther Pinon, L’extase lucide. Étude de Mémoires d’Hadrien, Presses universitaires de Rouen et du Havre, (ISBN 979-10-240-1026-7, OCLC 1101082412, lire en ligne)Voir Laura Brignoli, « Cécile Brochard et Esther Pinon, L’extase lucide. Étude sur les “Mémoires d’Hadrien” », Studi Francesi. Rivista quadrimestrale fondata da Franco Simone, no 178 (LX, I), , p. 153–154 (ISSN 0039-2944, DOI 10.4000/studifrancesi.2564, lire en ligne)
- Rocco Marseglia, « Le grec et la culture grecque dans Mémoires d'Hadrien, ou l'humanisme politique et intime de Marguerite Yourcenar », Connaissance Hellénique 165, 2023