Illusion d'optique

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Dans l'illusion de Müller-Lyer, les traits horizontaux ont tous la même longueur. En l'absence de marques, on les évalue différemment.

On appelle illusion d'optique une perception visuelle qui s'oppose à l'expérience de la réalité qu'on peut avoir par ailleurs.

Les illusions d'optique surviennent naturellement ou sont créées délibérément par des dispositifs qui utilisent certains principes de fonctionnement du système visuel humain. Dans le spectacle, les illusionnistes en tirent parti ; ces perceptions sont aussi les expériences dont les neurosciences disposent pour expliquer la vision.

Du point de vue subjectif, on peut distinguer deux sortes d'illusions. Les erreurs d'appréciation nous laissent persuadés d'un état de chose qui ne correspond pas à la réalité. Les paradoxes visuels font douter de ce qu'on voit ou hésiter quant à l'interprétation. Les études sur la perception affinent ces catégories. Elles distinguent ce qui relève des limites du système visuel physiologique, les distorsions, les ambiguïtés ou l'instabilité d'interprétation, et les paradoxes[1].

Perception erronée

L'échiquier d'Adelson : la teinte grise du carré A est la même que celle du carré B.

L'illusion résulte de l'exploitation biaisée par le système visuel des informations qui lui parviennent. Le système visuel ne fonctionne pas comme un instrument de mesure, mais comme un moyen d'interagir efficacement avec l'environnement. Dans l'expérience ordinaire, en cas de doute, un changement de point de vue donne une vision plus exacte de la réalité. Dans les illusions visuelles, cette possibilité est bloquée, entraînant une image faussée de la réalité, y compris faisant voir un objet inexistant, ou rendant « aveugle » à un objet pourtant présent.

Ainsi, sur l'image de droite, les cases A et B du dessin semblent être peintes de deux teintes de gris différentes alors qu'en réalité, si on mesure la clarté sur l'image, les deux gris sont parfaitement identiques. Cet exemple met en évidence la propension du système visuel à compenser les variations lentes de luminosité ou à percevoir les teintes et les couleurs relativement à leur environnement et à attribuer aux objets une couleur stable et régulière[2]. La régularité du pavage en damier et la familiarité avec ce motif font comprendre, correctement dans le cas d'un objet à trois dimensions, la réalité de la disposition des dalles, alors que dans la représentation, les clartés sont réparties différemment.

L'arc-en-ciel, les mirages sont une autre classe d'illusions d'optique, celle des interprétations mentale fausses d'une réalité. Le phénomène existe bel et bien : la réfraction de la lumière par les gouttelettes d'eau, le tremblement de l'air ou les reflets d'eau dus à la chaleur sont des réalités dont la trace photographique peut être gardée, et non des hallucinations. L'illusion consiste à interpréter ces images perçues comme les images troubles d'un objet céleste, ou d'un lac ou d'une mer, quand ce n'est pas le cas. En psychologie, les objets impossibles, fondés sur la généralisation inconsciente des principes de la perspective, alimentent copieusement cette classe d'illusion. L'erreur d'interprétation provient dans une large mesure des autres perceptions. Ce cas se produit aussi, avec des conséquences catastrophiques, en aéronautique et dans d'autres contextes[3].

Utilité pour les neurosciences cognitives

Illusion d'optique : La teinte grise de la barre est la même sur toute sa longueur.

Des illusions développées ou découvertes incluent des phénomènes comme le cube de Necker et la grille d'Hermann. Comprendre ces phénomènes est utile afin de comprendre ce qui peut apparaître comme des limitations du système visuel humain, mais résulte en partie aussi de phénomènes cognitifs eux-mêmes produits de la sélection naturelle : une perception hâtive et parfois fausse peut se montrer plus adaptée en termes de survie qu'une analyse exacte dont le résultat serait venu trop tard (effet Tetris). C'est le cas lorsque le coût de l'erreur est faible quand elle se fait d'un côté, et grand quand elle se fait de l'autre.

Les phénomènes physiologiques, comme les images rémanentes suivant les lumières aveuglantes ou une exposition prolongé de motifs, sont les effets sur l'œil d'une stimulation d'un type spécifique - luminosité, inclinaison, couleur et mouvement. Les théories actuelles supposent que les stimulus ont - après traitement local - des chemins neuronaux dédiés jusqu'au cortex visuel, une stimulation répétée de seulement quelques chemins peut faire perdre ses repères au système optique.

Illusions cognitives

Dans cette représentation d'un tesseract, on peut parler d'illusion en ce que le cerveau tente d'interpréter comme objet réel un objet impossible (en trois dimensions)

Les illusions cognitives agissent sur plusieurs niveaux de l'interprétation visuelle, les hypothèses pré-formatées ou « connaissances » emmêlées. Les illusions cognitives se catégorisent en illusions ambiguës, distordues, paradoxales ou fictives. Elles exploitent souvent les « hypothèses » formées par le système visuel au cours des premières étapes du traitement visuel.

Les illusions ambiguës sont des images ou objets qui subissent des changements significatifs d'apparence. La perception alternera entre les interprétations qui toutes seront perçues comme valides mais ne confirment pas une seule représentation, comme le canard-lapin.

Les illusions distordantes sont les plus communes, ces illusions offrent des distorsions de taille, largeur ou courbure. Elles sont faciles à découvrir et sont facilement repérables. Beaucoup sont des illusions physiologiques, comme l'illusion du mur du café qui exploite les premières étapes du système visuel à propos des bords. D'autres distorsions, comme les illusions de lignes convergentes, sont plus difficiles à assimiler à des illusions physiologiques ou cognitives. Toutes les images qui présentent des perspectives crues sont bien des illusions. Les jugements visuels comme la taille sont contrôlés par la perspective ou d'autres effets de profondeurs et peuvent facilement être mal disposés.

Les illusions paradoxales concernent les objets impossibles, comme le triangle de Penrose ou des escaliers impossibles, comme dans les travaux de M. C. Escher. Le triangle est une illusion dépendant d'une mauvaise interprétation cognitive selon laquelle les arêtes adjacentes doivent se joindre.

Les illusions fictives permettent la perception d'objets qui ne sont réellement pas visibles sauf pour son observateur, telles que celles induites par la schizophrénie ou les drogues hallucinogènes.

Effets particuliers

Objet impossible : Triangle de Penrose

Relief

Anaglyphe : les deux images décalées et l'usage de filtres donnent l'illusion du relief.

Pendant l'invention de la photographie, des appareils à un objectif capables de donner l'illusion du relief ont été imaginés et ils nécessitent un système optique pour sa restitution. Il y a cependant moyen de s'en passer (voir : stéréographie et auto-stéréoscopie). L'anaglyphe procure une illusion de relief grâce à un filtre (optique). Avec l'invention de l'autostéréogramme, Jacques Ninio trouve le moyen de suggérer le relief dans des images absolument planes et sans autre artifice qu'un léger strabisme.

Couleur

La vision des couleurs est soumise à la loi du contraste simultané des couleurs. Deux couleurs juxtaposées se perçoivent comme plus différentes que lorsqu'elles sont séparées. Cette particularité de la perception renforce le contour des objets, et en fait percevoir là où il n'y en a pas, dans les bandes de Mach. Lorsque les aires colorées deviennent petites, les couleurs fusionnent au contraire dans une couleur intermédiaire, avant qu'on cesse de distinguer les points.

Le contraste successif, longuement exploré par Buffon, se manifeste lorsqu'un individu fixe longtemps une image colorée. Lorsqu'il porte ensuite le regard sur une surface blanche, elle est aperçue dans les couleurs complémentaires de celles qu'il a fixées.

Des chercheurs ont prétendu provoquer, en laboratoire, la perception d'une couleur à la fois bleue et jaune, ou bien à la fois rouge et verte, qu'ils ont appelées couleurs interdites.

Dans l'art et le spectacle

Déjà dans l'Antiquité, nous avions connaissance de quelques-unes de nos ré-interprétations visuelles et elles ont été utilisées en architecture[4] afin de compenser le manque de parallélisme des lignes des constructions. La scène inclinée du théâtre à l'italienne en est un exemple plus récent.

illusion d'optique: mouvements des formes géométriques

Dans les arts visuels, divers effets ont été expérimentés afin d'induire des impressions ou pour déstabiliser le spectateur. Le trompe-l'œil crée l'illusion d'une profondeur sur une surface plane vue depuis un certain point. La peinture classique et le décor de théâtre en donnent d'innombrables instances, fondés sur l'étude de la perspective.

La perspective paradoxale d'Escher ou les objets impossibles jouent avec une autre tendance, qui dérive peut-être de la fréquentation des images en trompe l'œil, celle à interpréter les images comme représentation d'objets en volume. Hogarth au XVIIIe siècle construit des paradoxes visuels avec des erreurs volontaires de perspective dans des vues réalistes. Les modernes créent de purs paradoxes.

René Magritte joue, dans sa peinture Carte blanche, de la capacité humaine à se figurer la continuité d'un objet connu lorsqu'il est caché, en même temps qu'avec l'interprétation perspective. Le surréalisme s'identifie largement à ces illusions visuelles cognitives.

Arcimboldo utilisa au XVIe siècle la paréidolie, propension humaine à interpréter comme une forme humaine une image présentant des indices confus dans un amoncellement de fleurs, de légumes ou d'objets divers, ouvrant une tradition plaisante qui s'est poursuivie jusqu'à nos jours.

L'Op art, avec entre autres, Victor Vasarely, crée par de violents contrastes structurés une impression de mouvement. Bridget Riley produit notamment des œuvres de grande dimension sur des murs, faisant de l'illusion d'optique un art mural.

Les arts scéniques, théâtre et opéra, utilisent avec plus ou moins de discrétion les illusions d'optique ; et les illusionnistes en font, aidés par des techniques de persuasion, une bonne part de leurs spectacles.

Les jeux sur l'écriture de certains mots connus sous le nom d'ambigrammes peuvent également être signalés.

Voir aussi

Bibliographie

Monographies
  • Richard Langton Gregory, L'œil et le cerveau : la psychologie de la vision [« Eye and Brain: The Psychology of Seeing »], De Boeck Université, (1re éd. 1966) notamment Chapitre 10 — Illusions
  • (en) Richard Gregory, Seeing through illusions, Oxford University Press,
  • Jacques Ninio, La science des illusions, Paris, Odile Jacob, .
  • (en) Purves D, Lotto B (2002) Why We See What We Do: An Empirical Theory of Vision. Sunderland, MA: Sinauer Associates.
  • Daniel Picon, Illusions d'optique, Éditions Mango Jeunesse 2012 - 200 illusions classées par catégories (ISBN 978-2-7404-2871-9)
Articles
  • (en) Changizi, Mark A. et al. (2008): « Perceiving the Present and a Systematization of Illusions ». Cognitive Science 32,3 : 459-503.
  • (en) David Eagleman (2001) « Visual Illusions and Neurobiology ». Nature Reviews Neuroscience. 2(12): 920-6. [PDF]
  • (en) Richard Gregory (1997) « Knowledge in perception and illusion ». Phil. Trans. R. Soc. Lond. B 352:1121-1128. [PDF]
  • (en) Purves D, Lotto RB, Nundy S (2002) « Why We See What We Do ». American Scientist 90 (3): 236-242.
  • (en) Purves D, Williams MS, Nundy S, Lotto RB (2004) « Perceiving the intensity of light ». Psychological Rev. Vol. 111: 142-158.
  • (en) Renier, L., Laloyaux, C., Collignon, O., Tranduy, D., Vanlierde, A., Bruyer, R., De Volder, A.G. (2005). « The Ponzo illusion using auditory substitution of vision in sighted and early blind subjects ». Perception, 34, 857–867.
  • (en) Renier, L., Bruyer, R., & De Volder, A. G. (2006). « Vertical-horizontal illusion present for sighted but not early blind humans using auditory substitution of vision ». Perception & Psychophysics, 68, 535–542.
  • (en) Yang Z, Purves D (2003) « A statistical explanation of visual space ». Nature Neurosci 6: 632-640.

Articles connexes

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Notes et références

  1. Chapitres de Gregory 2009.
  2. Georges Roque, Art et science de la couleur : Chevreul et les peintres, de Delacroix à l'abstraction, Paris, Gallimard, coll. « Tel » (no 363),
  3. Voir Illusion#Sécurité.
  4. L'illusion d'optique dans l'architecture de l'antiquité