Paréidolie
Une paréidolie (du grec ancien para-, « à côté de », et eidôlon, diminutif d’eidos, « apparence, forme ») est un phénomène psychologique, impliquant un stimulus vague et indéterminé, souvent visuel, plus ou moins perçu comme reconnaissable. Ce phénomène consiste à identifier une forme familière dans un paysage, un nuage, de la fumée ou encore une tache d'encre. Les paréidolies font partie des illusions d'optique.
Sommaire
Origines[modifier | modifier le code]
Le cerveau structure son environnement en permanence, quitte à transformer les informations fournies par la rétine en objets connus. La paréidolie exprime la tendance du cerveau à créer du sens par l'assimilation de formes aléatoires à des formes référencées. Le siège cérébral de la fonction permettant d’identifier des formes, extrêmement importante pour la socialisation et le développement de l’espèce, se situe dans le lobe temporal. Une lésion de celui-ci peut entraîner des agnosies visuelles aperceptives (par exemple une prosopagnosie, l’impossibilité d’identifier un visage) et occasionner, en réaction, des paréidolies.
Bien qu'elle puisse apparaître à la suite d'un dysfonctionnement du cerveau, la paréidolie est généralement causée par la tendance naturelle à assimiler des perceptions nouvelles à celles déjà connues et répertoriées. C'est la plupart du temps utile pour identifier un objet nouveau comme appartenant à une catégorie connue, mais peut entraîner des erreurs[1]. L'effet Stroop est une autre variété de cette même préférence des sens à interpréter une perception en la comparant à celles déjà connues. Cette préférence découle possiblement d'un avantage évolutif ayant mené à une hypersensibilité à détecter une présence, qui favorise la survie mais pas nécessairement la précision[2]. Ainsi, les erreurs se font presque toutes dans la même « direction » : des faux positifs (reconnaître une présence qui n'est pas là) plutôt que des faux négatifs (ne pas reconnaître une présence)[3].
À la différence des autres illusions d'optique, qui découlent des lois universelles de la perception humaine, chacun peut, dans le cas des paréidolies, voir une chose différente. L'humain a tendance à deviner notamment des visages dès qu'un objet y ressemble[4]. Les attentes, les prédispositions, la culture de chacun a un impact sur ces « projections ». Par exemple, le test de Rorschach est basé sur cette fonction cognitive. Les paréidolies relèvent donc de phénomènes cognitifs complexes.
Les pistes neuro-cognitives pour expliquer la paréidolie tiennent de la neurophysiologie de la perception ainsi que de mécanismes innés de reconnaissance de forme : exemple des travaux sur les reconnaissances prototypiques du visage de l'espèce[5].
Dans la paréidolie, notre perception se sert des stimuli visuels et les met en forme en une structure signifiante.
La masse d’informations qui nous parvient par Internet favorise la paréidolie, ce phénomène étant diffusé par un biais cognitif très fréquent, le biais de confirmation[6].
Interprétations[modifier | modifier le code]
Dans L’Énergie spirituelle, Henri Bergson expose l’hypothèse selon laquelle c’est par une paréidolie, à partir des phosphènes naturels qui apparaissent lorsqu’on ferme les yeux, que sont élaborées les images des rêves.
Certains[Qui ?] trouvent dans ce phénomène une explication plausible aux messages audibles dans des enregistrements joués à l’envers, dans les cas où il s’agit d’une coïncidence (comme dans la chanson Better By You, Better Than Me de Judas Priest, par exemple).
Selon le mouvement sceptique contemporain, la paréidolie explique de nombreux cas de visions de figures iconiques ou religieuses (comme les apparitions mariales) ou encore ceux de messages par voix électronique.
Exemples[modifier | modifier le code]
L’identification de visages dans les nuages est un exemple classique de paréidolie.
En 2004, un toast sur lequel avait été perçue une image de la Vierge Marie a été vendu pour 28 000 dollars[7].
Galerie[modifier | modifier le code]
Univers naturel[modifier | modifier le code]
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Tête d'indien dans les rochers, archipel des Ébihens (Bretagne, France).
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Profil perdu et buste de femme avec chapeau, manteau à collets et capuche, dans les gorges de Daluis (arrière-pays niçois, France), dite « la Gardienne des Gorges ».
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Figure anthropomorphe grimaçante, vue de trois quarts, schiste rouge, dans les gorges du Cians (Alpes maritimes, France).
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Une photo satellite d’un rocher sur Mars, dont les ombres créent le célèbre Visage de Mars.
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Image fournie par la NASA, via Hubble : une lentille gravitationnelle située à 4,5 milliards d’années-lumière de la Terre donne l’impression d’un gigantesque smiley.
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Le Sphinx des monts Bucegi, dans les Carpathes (Roumanie).
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Tête de chef indien, dans le roc, surnommée « El Indio », sur l’île de Grande Canarie (Canaries).
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Profil humain se découpant sur le plateau de Marcahuasi, près de Lima (Pérou).
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Le célèbre profil de l’île de Stac Levenish, dans l’archipel écossais de Saint-Kilda.
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Tête de chien endormi, dans une paroi du fjord du Saguenay, au Québec.
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Sinus Iridum dont le Promontorium Heraclides au Sud-Ouest représente une tête de femme lunaire les cheveux au vent en lune gibbeuse[8].
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Cachalot ou sous-marin ?
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La poule de Hienghene (en Nouvelle Calédonie).
À partir d'éléments artificiels[modifier | modifier le code]
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Une des plus fameuses paréidolies photographiques, où l'on voit une tête christique apparaître, alors qu'il s'agit en réalité d'un bébé coiffé d’un chapeau, simplement assis sur les genoux de son père, le tout sur fond de nature.
Notes et références[modifier | modifier le code]
- Olivier Houdé, Apprendre à résister, Pommier (ISBN 9782746507746, présentation en ligne).
- Haidt 2013, p. 293.
- Haidt 2013, p. 292.
- (en) S. E. Guthrie, Faces in the Clouds, New York, Oxford University Press, (présentation en ligne, lire en ligne).
- S. de Schonen, « Percevoir un visage dans la petite enfance », L’Évolution psychiatrique, vol. 74, no 1, , p. 27–54.
- Gérald Bronner, La Démocratie des Crédules, Presses universitaires de France, (lire en ligne), p. 81.
- (en)'Virgin Mary' toast fetches $28,000, bbc.co.uk, 23 novembre 2004.
- Sinus Iridum.
Bibliographie[modifier | modifier le code]
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
- (en) Jonathan Haidt, The Righteous Mind : Why Good People are Divided by Politics and Religion, New York, Vintage Books, , 501 p. (ISBN 978-0-307-45577-2, présentation en ligne, lire en ligne).