Effet oligodynamique

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
L'argenterie a tendance à se désinfecter naturellement sous l'effet oligodynamique.

L'effet oligodynamique (du grec ancien ὀλίγος [oligos] « peu » et δύναμις [dynamis] « puissance ») est un concept introduit en 1893 par le botaniste suisse Karl Wilhelm von Nägeli[réf. nécessaire] décrivant l'effet toxique des ions métalliques sur les cellules de microorganismes procaryotes et eucaryotesbactéries, algues, moisissures, spores, mycètesetc. — même à concentration relativement faible[1]. Cet effet antimicrobien se manifeste avec les cations de mercure, d'argent, de cuivre, de fer, de zinc, de bismuth, d'or, d'aluminium et d'autres métaux.

Origine du phénomène[modifier | modifier le code]

Plusieurs ions métalliques, notamment d'éléments-traces métalliques, montrent un tel effet à des degrés divers. Le mécanisme exact en demeure inconnu. Les bactéries y sont en général sensibles contrairement aux virus, ce qui laisse penser que les cations métalliques agissent sur le métabolisme cellulaire.

Une étude népalo-coréenne sur les cations d'argent Ag+ suggère que ces ions dénaturent les enzymes des cellules en se liant à des groupes réactifs, conduisant à la précipitation et à l'inactivation de ces protéines[2]. L'argent inactiverait les enzymes en réagissant avec des groupes thiol de résidus de cystéine ce qui donne des sulfures d'argent. L'argent réagirait également avec les groupes amine, carboxyle, phosphate et imidazole, réduisant l'activité de la lactate déshydrogénase et de la glutathion peroxydase.

Applications[modifier | modifier le code]

Certains métaux tels que l'argent, le cuivre et les alliages de cuivre (laitons, bronzes, billons) sont connus pour être bien plus toxiques pour les bactéries que d'autres métaux tels que l'acier inoxydable et l'aluminium, raison pour laquelle ils sont utilisés dans certains désinfectants ou dans les matériaux de surface que l'on souhaite désinfecter. L'argent peut ainsi être utilisé dans le traitement de surface d'instruments médicaux afin de les protéger contre la formation de biofilms bactériens[3]. Les poignées de porte sont couramment réalisées en laiton, tandis que l'intérieur des réservoirs d'eau potable dans les avions et les bateaux est souvent recouvert d'un revêtement argenté. La sulfadiazine argentique est un médicament utilisé en pommade pour désinfecter les plaies superficielles, notamment les brûlures. Du nano-argent, obtenu par exemple en irradiant des solutions de nitrate d'argent avec un faisceau électronique[4], est efficace contre les bactéries à Gram négatif telles qu'E. coli[5]. Le nitrate d'argent s'est révélé être efficace pour bloquer le développement du virus de l'herpès de type 1 mais pas celui de type 2[6].

Les cations métalliques, tout comme le rayonnement ultraviolet, sont susceptibles d'interférer avec les antibiotiques à travers un phénomène de co-sélection conduisant à l'émergence de souches pharmacorésistantes et de facteurs de résistance susceptibles de se transmettre à d'autres organismes dans les hôpitaux et dans les fermes[7].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. (de) Karl Wilhelm von Nägeli, « Über oligodynamische Erscheinungen in lebenden Zellen », Neue Denkschriften der allgemeinen Schweizerischen Gesellschaft füt die gesammten Naturwissenschaften / Nouveaux Mémoires de la Société Helvétique des Sciences Naturelles, vol. XXXII,‎ .
  2. (en) Rajani Shrestha, Dev Raj Joshi, Jyotsna Gopali et Sujan Piya, « Oligodynamic Action of Silver, Copper and Brass on Enteric Bacteria Isolated from Water of Kathmandu Valley », Nepal Journal of Science and Technology, vol. 10,‎ , p. 189-193 (lire en ligne).
  3. (en) Niall Stobie, Brendan Duffy, Declan E. McCormack, John Colreavya, Martha Hidalgo, Patrick McHale et Steven J. Hinder, « Prevention of Staphylococcus epidermidis biofilm formation using a low-temperature processed silver-doped phenyltriethoxysilane sol–gel coating », Biomaterials, vol. 29, no 8,‎ , p. 963–969 (PMID 18061256, DOI 10.1016/j.biomaterials.2007.10.057, lire en ligne).
  4. (en) Rani M. Pattabi, Kandikere R. Sridhar, Srinath Gopakumar, Bhat Vinayachandra et Manjunatha Pattabi, « Antibacterial potential of silver nanoparticles synthesised by electron beam irradiation », International Journal of Nanoparticles, vol. 3, no 1,‎ , p. 53-64 (DOI 10.1504/IJNP.2010.033221, lire en ligne).
  5. (en) Ivan Sondi et Branka Salopek-Sondi, « Silver nanoparticles as antimicrobial agent: a case study on E. coli as a model for Gram-negative bacteria », Journal of Colloid and Interface Science, vol. 275, no 1,‎ , p. 177–182 (PMID 15158396, DOI 10.1016/j.jcis.2004.02.012, lire en ligne).
  6. (en) Alan B. G. Lansdown, « Silver in healthcare: its antimicrobial efficacy and safety in use », p.  84, Royal Society of Chemistry, Cambridge, Royaume-Uni, 2010.
  7. (en) Claudia Seiler et Thomas U. Berendonk, « Heavy metal driven co-selection of antibiotic resistance in soil and water bodies impacted by agriculture and aquaculture », Frontiers in Microbiology, vol. 3,‎ , p. 399 (PMID 23248620, PMCID 3522115, DOI 10.3389/fmicb.2012.00399, lire en ligne).
  • (en) A. D. Russell et W. B. Hugo, « Antimicrobial activity and action of silver », Progress in Medicinal Chemistry, vol. 31,‎ , p. 351-370 (PMID 8029478).