Papier marbré

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Papier marbré d'une reliure anglaise des années 1830.

Le papier marbré est un papier décoré dont les motifs imitent ceux du marbre ou d'autres roches, et qui est utilisé notamment en reliure.

Sa technique de réalisation consiste à faire flotter des pigments sur un liquide légèrement gélifié, puis à produire un motif sur l'eau, et transférer ensuite ce motif sur une feuille de papier.

La marbrure[modifier | modifier le code]

La marbrure est un apprêt humide sur lequel l'artiste obtient des motifs analogues à ceux du marbre ou d'autres roches. Ces motifs sont obtenus par la flottation de couleurs à la surface de l'eau, une solution gélifiante (comme de l'eau mélangée avec de la poudre d'agar-agar par exemple), et par l'application de ces couleurs suit le transfert sur la feuille qu'on y dépose (ou d'autres surfaces comme des tissus).

Ce type d'ornement a été utilisé au long des siècles pour décorer toutes sortes de surfaces. On l'utilise souvent comme support pour l'écriture d'un texte officiel ou en calligraphie, pour les affiches et pour les gardes et les plats-papier en reliure. Chaque réalisation présente un tracé différent et donne un caractère unique à l'objet qu'elle recouvre.

Histoire[modifier | modifier le code]

Le suminagashi japonais (XIIe siècle)[modifier | modifier le code]

Caligraphie japonaise de huit lignes sur un suminagashi. La marbrure, alternance de contours gris et naturels en forme de flamme, occupe moins du quart de la feuille.
Extrait du Shin kokin wakashū caligraphié sur un suminagashi. XIIIe siècle.

Le suminagashi (sumi : « encre » ; nagashi : « qui flotte sur l’eau en mouvement »[1]) peut être considéré comme l'ancêtre de la marbrure. Né au Japon, au XIIe siècle[2], il reste un art très délicat car les éléments nécessaires à sa fabrication sont très instables. Il diffère de la marbrure occidentale par trois points essentiels : le support sur lequel flottent les encres est de l'eau pure ; les couleurs sont des encres ; le papier japonais est très absorbant. L'application des couleurs sur l'eau se fait au pinceau en taches concentriques[1], en alternance avec l'huile. L'ensemble est ensuite dispersé par soufflage[3].

Au début, ce papier était surtout utilisé pour les cartes de poème, coloré de sorte que la place pour l'écriture reste prépondérante. À l'époque Édo, la marbrure tend à recouvrir toute la surface de la feuille, parfois même son verso[3].

Le suminagashi est aussi utilisé par les moines bouddhistes comme technique de méditation[1].

Développement de l’ebru en Turquie (XVe siècle)[modifier | modifier le code]

Réalisation d'un motif floral selon la technique de l'ebru.

En Turquie, l'art traditionnel du papier marbré venu d'Asie mineure sous l'Empire ottoman porte le nom d’ebru[4], qui signifie « art des nuages »[1]. Cet art se développe dès le XVe siècle[1].

Les couleurs sont naturelles, mêlées à du fiel de bœuf et déposées sur un bain d’eau épaissie par une colle végétale, comme de la gomme adragante[1]. Pendant plusieurs siècles, il est très difficile d'obtenir un dessin figuré par cette technique. Il faut attendre les années 1910 pour que des calligraphes parviennent à marbrer des motifs floraux très réalistes[1].

L'ebru est inscrit depuis 2014 au patrimoine culturel immatériel de l'humanité[5].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a b c d e f et g « Histoire de la marbrure », sur papiers-marbres.com (consulté le ).
  2. (en) « The Ancient Art of Marble Painting Gets a 21st-Century Update », The New York Times,‎ (lire en ligne, consulté le )
  3. a et b Dominique Buisson, Japon papier, Paris, Pierre Terrail, , 224 p. (ISBN 2-87939-008-7), p. 61
  4. « Papiers marbrés turcs » sur uoguelph.ca.
  5. « Ebru, l’art turc du papier marbré », sur ich.unesco.org (consulté le ).

Voir aussi[modifier | modifier le code]

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Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Marie-Ange Doizy, De la dominoterie à la marbrure. Histoire des techniques traditionnelles de la décoration du papier, Paris, Art et Métiers du Livre, 1996, préface de G. Guilleminot-Chrétien, 255 p. (ISBN 2-911071-01-8) (contient une bibliographie, une liste de collections de papiers décorés et des reproductions de créations contemporaines).
  • Nedim Sönmez, Ebru. L'art du papier marbré turc, Anadolu, Hückelhoven, 1996, 151 p. (ISBN 978-975-171593-7).
  • (tr + en) Turan M. Türkmenoğlu, Sudaki nakış ebru / Marbling paper, Milenyum Yayınları, Beyazıt, İstanbul, 1999, 69 p., photos (ISBN 975-845500-1).
  • « Marbreur de papier » dans l’Encyclopédie de Diderot et D'Alembert.

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]