Château de Bonaguil

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Château de Bonaguil

Le château de Bonaguil est situé en France, sur la commune de Saint-Front-sur-Lémance mais propriété de la commune de Fumel dans le Lot-et-Garonne. Il est classé Monument historique depuis 1862.

Le château de Bonaguil est le plus tardif des châteaux forts. Il est construit au XIIIe siècle, puis entièrement repris à la fin du XVe siècle et au début du XVIe siècle, par Bérenger de Roquefeuil, qui lui ajoute tous les perfectionnements défensifs du Moyen Âge finissant. Merveille d’architecture militaire s'étendant sur 7500 m², intégrant les derniers progrès de l’artillerie (autant en l’utilisant pour se défendre qu’en adaptant les défenses pour s'en prémunir), il apparaît cependant obsolète à son achèvement. Il n’a jamais été attaqué.

Origines

Le nom signifie bonne aiguille et désigne le site défensif : un promontoire rocheux escarpé convenant parfaitement à l’établissement d’un château fort.

Premier état

Le château d'après Viollet-le-Duc

Un premier château de Bonaguil est construit après le milieu du XIIIe siècle (entre 1259 et 1271 selon Jacques Gardelle), sur un éperon rocheux, probablement par Arnaud La Tour de Fumel. La seule entrée du donjon, construit au-dessus d’une grotte naturelle, est une porte à six mètres de hauteur, accessible à l’échelle.

La première mention dans un texte date de 1271, dans une charte qui répertorie les biens du roi de France Philippe III le Hardi. À cette date, il est vassal du fief de Tournon, et n’est probablement qu’un simple donjon polygonal, avec une petite cour ceinte d’un mur, plus une basse-cour entourée d’une palissade. Le logis n’est construit qu’à la fin du XIIIe siècle, voire au début du XIVe.

L’élargissement d’une diaclase (faille dans la roche) permet de creuser un puits profond de 47 m.

Les seigneurs du lieu combattent du côté du roi d’Angleterre pendant la guerre de Cent Ans. Le château est pris plusieurs fois, incendié et abandonné, bien que toujours propriété de la famille de Fumel.

Le 11 novembre 1380, Jean de Fumel-Pujols, baron de Blanquefort et propriétaire du château, épouse l’héritière des Roquefeuil, Jeanne Catherine de Roquefeuil, et abandonne son nom pour celui plus prestigieux de son épouse. Leur fils Antoine réunit les biens des deux familles, et leur petit-fils Jean de Roquefeuil s'installe avec son épouse Isabeau de Peyre à Bonaguil en 1444.

Plan du château réalisé par Viollet-le-Duc
Le nord est en bas

Les aménagements de Jean de Roquefeuil

Jean de Roquefeuil, qui a envoyé son fils Antoine participer à la guerre de la Ligue du Bien public, contre le roi, procède à quelques aménagements, autant défensifs que de confort :

  • les murs du logis sont surélevés (en E sur le plan), et atteignent la hauteur du donjon (qui acquiert ainsi une silhouette plus massive) ;
  • de 1470 à 1482, le donjon est reconstruit, avec une forme globale plus effilée, afin de mieux résister à l’artillerie ;
  • un escalier à vis est installé dans une nouvelle tourelle, à l’ouest, ce qui augmente l’espace disponible ;
  • un nouveau logis est construit à l’est du donjon : tout en longueur, il est actuellement adossé à l’est-sud-est à la courtine, et ses ouvertures sont orientées au nord-nord-est et à l’ouest-nord-ouest.

Une rampe est aménagée afin d'accéder au donjon plus facilement.

Des quatre fils, dont neuf enfants, de Jean, c’est le troisième, Bérenger, qui survit aux autres et hérite de tous les biens de son père.

Les renforcements défensifs de Béranger de Roquefeuil

Les considérables travaux de défense du château trouvent leur source dans les démêlés du seigneur de Bonaguil avec le roi Charles VII, qui le condamne pour sa violence envers ses serfs et ses vassaux. Ils sont financés grâce à la fortune des Roquefeuil, qui possèdent des terres de la Gironde au Golfe du Lion. Les travaux s'étendent sur trente ans.

Première enceinte

Le principal danger à la fin du XVe siècle vient de l’artillerie. Pour s'en prémunir, il faut éloigner les pièces de l’adversaire. Une enceinte externe, d’une longueur de 350 m, est ajoutée au château, avec des courtines basses retenant une masse de terre (système appelé fausse-braie), qui amortit ainsi les décharges d’artillerie. Cette enceinte est renforcée de poivrières et équipée de canonnières à tir rasant, ce qui est la deuxième innovation de cette reconstruction : la prévision de l’emploi massif d’artillerie pour la défense du château, avec un total de 104 embrasures aménagées pour les bouches à feu.

On a donc une prise en compte des derniers progrès de l’armement : on repousse le tir de l’assaillant en l’obligeant à établir ses canons au loin ; on rend difficile l’approche par des ouvertures au ras du sol, pour les pièces à tir rasant ; les gros calibres sont établis sur le sommet des tours (comme la plate-forme au sommet du donjon), afin de battre au loin.

L’éperon sur lequel est établi le château est coupé par un large fossé creusé dans le roc. Une barbacane est établie en ouvrage avancée au-delà du fossé. Elle est reliée par deux pont-levis au corps du château. Elle est aussi défendue par plusieurs tours de garde, permettant un tir flanquant et dont les embrasures pour les arquebuses ne laissent aucun angle mort.

Toujours dans cette optique de ne laisser aucun point hors de portée de tir, un moineau et des caponnières sont aménagés dans les fossés : ces petits ouvrages sont des avancées de la muraille, qui permettent de balayer un fossé sous le tir des défenseurs, d’un côté ou des deux côtés de l’ouvrage.

Enfin, des boulevards sont aménagés, en partie dans le fossé nord, afin de permettre des mouvements rapides d’un point à l’autre de l’enceinte, en cas d’attaques sur différentes parties du château, ce qui préfigure les places fortes du XVIIe siècle.

Dimensions de quelques unes des 13 tours
Nom de la tour Diamètre Hauteur Épaisseur des murs
Donjon
Grosse tour 14 m 35 m 4 m
Tour rouge
Tour carrée

Deuxième système de défense

Les fausses-braies et la barbacane ne sont destinées qu’à éloigner le danger du cœur du château, la partie résidentielle. Celle-ci est également renforcée. Six tours sont construites, quatre tours d’angles rondes, et deux tours de milieu de courtine, une carrée à l’ouest, et une ronde au sud (d’importance secondaire, d’autant qu’elle est actuellement prise dans des appartements construits au XVIIIe siècle). Les tours sont à peine engagées, ce qui permet un meilleur flanquement des courtines : les défenseurs des tours pouvaient tirer sur les flancs des assaillants qui attaquaient au pied du mur situé entre deux tours.

Ces hautes tours servent, comme dans le château médiéval, à protéger les murailles grâce aux avancées qu’elles constituent. Leur hauteur garantit contre l’escalade. La nouveauté est le traitement du sommet, renforcé afin de permettre l’accueil de l’artillerie. Les corbeaux soutenant le chemin de ronde sont remplacés par des consoles en pyramide inversée, bien plus solides et pouvant soutenir une charge bien plus lourde : pièce d’artillerie sur son affût et son approvisionnement.

Les vicissitudes du château du XVIe siècle au XVIIIe siècle

Quand Bérenger meurt en 1530, le château de Bonaguil n’est déjà plus adapté à la guerre de siège, mais il reste une forteresse imposante.

Son fils Charles dilapide (semble-t'il pour sa belle épouse Blanche de Lettes) sa fortune, et ses fils Honorat et Antoine héritent d’une fortune amoindrie. Au cours des guerres de Religion, les deux frères combattent dans les camps opposés, et le château est pris en 1563. Une première restauration a lieu en 1572. Endetté, Antoine doit remettre au sire de Pardhaillan la forteresse en 1618, avant de pouvoir la racheter quelques années plus tard.

Son fils Antoine-Alexandre est marquis, mais laisse à sa seule fille Marie-Gilberte, un château en mauvais état et des coffres vides. Mariée dès la mort de son père le 9 juillet 1639 (à treize ans) au marquis de Coligny-Saligny, lieutenant des gendarmes de la Reine, elle se consacre au relèvement et à l’entretien du château. Elle se remarie en 1655 avec Claude-Yves de Tourzel, marquis d’Allègre, dont elle a une fille qui épouse Seignelay, ministre de la famille de Colbert.

François de Roquefeuil, parent éloigné qui avait quelques droits sur le château, en prend possession en 1656, après avoir enlevé de force le château de Flaugnac, les conserve près d’un an, et n’abandonne Bonaguil que pillé. Marie-Gilberte réside à Paris les dernières années de sa vie, et laisse à l’abandon le château de Bonaguil, jusqu’à sa mort en 1699. Il passe ensuite aux Montpeyroux (François-Gaspard de Montpeyroux, qui, soldat, n’y habita presque jamais, puis à sa sœur), qui le vendent en 1719 à Jean-Antoine de Pechpeyrou-Beaucaire. Le fils de celui-ci vend le château à Marguerite de Fumel, veuve d’Emmanuel de Giversac, en 1761, qui y fait quelques travaux de confort.

Les constructions d’agrément au XVIIIe siècle

Marguerite de Fumel séjourne en effet régulièrement au château de Bonaguil. Elle fait donc aménager le château, notamment dans le logis P du plan. À cette époque, la fausse-braie à l’ouest du château est agrandie et aménagée en une grande terrasse et devient un lieu de promenade et d’agrément. De nouveaux appartements sont construits au sud, en-dehors de l’enceinte intérieure, et bénéficiant ainsi d’un meilleur exposition. La châtelaine donne des fêtes. Les sept pont-levis sont transformés en ponts-dormants. Une partie des remparts est abattue afin de donner une vue sur la vallée.

La Révolution et les restaurations

C’est le neveu de Marguerite de Fumel, Joseph-Louis de Fumel qui en hérite en 1788. Il émigre dès octobre 1789, et le château est adjugé comme bien de la Nation. Tout le mobilier est dispersé, les toits, planchers et boiseries démontés. Lorsqu’après Thermidor, les Fumel récupèrent le château, ils ne l’habitent pas, et le vendent.

Il passe de mains en mains jusqu’à son achat en 1860 par la commune de Fumel, qui obtient le classement comme Monument historique (1862), et fait procéder à quelques travaux de restauration par B. Cavailler en 1868 et par l’architecte de l’arrondissement A. Gilles en 1876. L’architecte des Monuments historiques restaure le donjon de 1882 à 1886. D’autres réparations ponctuelles ont lieu de 1898 à 1900, dont la couverture en lauzes de la guette du donjon qui est refaite en 1900 ; d’autres travaux ont lieu en 1948-1950, 1977 et 1985. Une dérestauration du donjon est effectuée en 1956.

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

À lire

Antoine Rego. Pour une visite du château de Bonaguil, Fumel (France). 1984

Fernande Costes. Bonaguil ou le château fou, Seuil, 1976.

Michel Coste. Bonaguil, les clés du château, Librairie du château, 2000.


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