Carcinome à cellules de Merkel

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Carcinome à cellules de Merkel
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Photomicrographie d'un carcinome à cellule de Merkel

Traitement
Médicament Lambrolizumab et nivolumabVoir et modifier les données sur Wikidata
Spécialité OncologieVoir et modifier les données sur Wikidata
Classification et ressources externes
CIM-10 C44Voir et modifier les données sur Wikidata
CIM-9 209.31Voir et modifier les données sur Wikidata
ICD-O 8247/3 et 8190/3Voir et modifier les données sur Wikidata
DiseasesDB 31386
eMedicine 1100917
MeSH D015266

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Le carcinome à cellules de Merkel est un cancer de la peau. Il est classé parmi les tumeurs neuro-endocrines cutanées rares.

Il a été décrit pour la première fois par Toker en 1972[1].

Fréquence, étiologie[modifier | modifier le code]

C'est une affection qui touche essentiellement les sujets âgés (95 % des cas après 50 ans) à peau claire avec une répartition équivalente dans les deux sexes ; sa fréquence est inférieure à 1/200 000 mais son incidence a été multiplié par 4, aux États-Unis, en 1986 et 2011[2]. Il est le plus souvent observé dans les zones du revêtement cutané les plus photo-exposées[3] ; un autre facteur de risque est le déficit immunitaire (immunosuppression chez les greffés d'organe ou secondaire à une infection par VIH)[4].

En 2008, a été mis en évidence l'existence de séquences virales au sein des cellules de ce cancer[5] (Merkel cell polyomavirus (en)) ; d'autres chercheurs ont confirmé cette découverte[6]. Ce polyomavirus exprime des antigènes qui peuvent être recherchés et constituent un marqueur de l'extension de la maladie[7].

Les formes sans polyomavirus sont essentiellement dues à l'exposition solaire et les cellules concernées comportent alors de nombreuses mutations qui ne sont pas retrouvées dans les formes avec virus[8]. Elles constituent à peu près la moitié des carcinomes à cellules de Merkel[9].

Diagnostic[modifier | modifier le code]

Carcinome à cellules de Merkel devenu inflammatoire après biopsie.

Le carcinome à cellules de Merkel à son origine est une tumeur du derme qui se présente sous la forme d'un nodule dur, isolé, le plus fréquemment aux extrémités, et dans près de la moitié des cas, au niveau de la tête et du cou[10]. Le nodule est souvent mobile, non adhérent aux tissus avoisinants, non douloureux et de forme harmonieuse. Il est discrètement érythémateux, puis deviendra violacé. Sa croissance est rapide, souvent de 1 cm par mois et la tumeur atteindra rapidement les tissus sous-jacents (fascia, muscle)[11].

Le Professeur Paul Nghiem de l'université de Washington a créé un acronyme en anglais pour permettre aux médecins de se souvenir des caractéristiques propres à ce carcinome. AEIOU A car c'est une lésion asymptomatique, E car elle s'étend rapidement, I pour immunodéprimé, O pour older than 50 years (plus âgé que 50 ans) et finalement U pour l'exposition aux UV et les peaux claires[12].

Image microscopique d'un carcinome à cellules de Merkel classique x4 (A), x40 (B), et x100 (C et D). Ces coupes colorés à l'hématoxyline et éosine montrent une prolifération de petites cellules indifférenciées au rapport nucléo-cytoplasmique élevé. L'examen immunohistochimique montre une positivité de la cytokératine AE1/AE3 (E), de la Cytokératine 20 (F) et de la chromogranine (G)[13].

Le diagnostic n'est réellement fait que par l'anatomo-pathologiste. En microscopie optique le carcinome à cellules de Merkel est caractérisé par une prolifération densément cellulaire faite de cellules basaloïdes avec des caractéristiques neuroendocrines (chromatine « poivre et sel », cytoplasme peu abondant)[14]. L'utilisation de l'immunohistochimie est généralement nécessaire afin de ne pas méconnaitre de diagnostics différentiels comme une métastase d'un carcinome neuroendocrine pulmonaire, un mélanome, un lymphome cutané ou un sarcome d'Ewing. La positivité des marqueurs neuroendocrines (synaptophysine et chromogranine A) oriente vers un carcinome à cellules de Merkel ou d'autres tumeurs neuroendocrines, alors qu'une positivité de la cytokératine 20 permet d'exclure ces dernières[15].

Pronostic[modifier | modifier le code]

C'est un cancer lymphophile.

Le pronostic de ce cancer est assez sombre : il est actuellement considéré comme plus réservé que dans le cas du mélanome. On distingue quatre stades dans l'évolution de la maladie (classification AJCC)[16] :

  • stade I : lésion primitive inférieure à 2 cm ;
  • stade II : lésion primitive supérieure à 2 cm ;
  • stade III : présence d'un ganglion métastatique ;
  • stade IV : présence de métastase à distance.

Les malades indemnes de lésion ganglionnaire ont un taux de survie à cinq ans supérieur à 80 %, mais ce taux est inférieur à 50 % en cas d'atteinte ganglionnaire. La présence de métastases ganglionnaires, pouvant être mises en évidence par la technique du repérage du ganglion sentinelle[17], assombrit ce pronostic : le risque de rechute est de 60 % dans les trois ans en cas de présence de micrométastases lymphatiques, alors qu'il n'est que de 20 % en l'absence de micro-métastase. De rares cas de régression spontanée par apoptose des cellules tumorales ont été décrits[18].

Si le carcinome est une forme à polyomavirus, la négativation sous traitement des anticorps contre une protéine de ce virus (oncoprotéine MCPyV) pourrait être un indice de bon pronostic[9].

Traitement[modifier | modifier le code]

La prise en charge thérapeutique dépend du stade de l'évolution du cancer au moment du diagnostic. Il convient donc de pratiquer un bilan de l'extension de la maladie. Ce bilan, outre un examen clinique complet comportera une échographie des aires ganglionnaires, une scanner thoraco-abdomino-pelvien et un scanner cérébral. Selon les cas, on pourra discuter une scintigraphie osseuse, voire un petscan.

  • Aux stades I et II, on pratique une exérèse chirurgicale de la lésion en passant très "au large", soit avec des marges de 3 cm (supérieures aux marges pratiquées en cas de mélanome). La radiothérapie locale diminue l'incidence des récidives locales[19], et semble même aussi efficace seule qu'associée à la chirurgie[20]. On y associe classiquement une radiothérapie des gites ganglionnaires en cas de micro-métastase à l'examen du ganglion sentinelle, mais les preuves en termes d'amélioration de la survie font défaut.
  • Au stade III avec atteinte ganglionnaire avérée, on pratique l'exérèse de la lésion et on y associe un curage ganglionnaire. Cette chirurgie est complétée par une radiothérapie du site ganglionnaire. S'il s'agit d'un récidive, la chimiothérapie se discute, selon l'état général du patient. Le pembrolizumab, un inhibiteur du PD1 semble donner des résultats prometteurs[21] et l'avélumab serait efficace dans les formes réfractaires[22].
  • Au stade IV, on peut retrouver des métastases au niveau du foie, des os, du poumon, du cerveau ou de la peau. Le traitement est alors palliatif associant radio et chimiothérapie. Une exérèse chirurgicale d'une métastase unique est envisageable.

Perspectives d'avenir[modifier | modifier le code]

Compte tenu du vieillissement de la population, son incidence devrait augmenter et afin d'optimiser sa prise en charge, des centres de référence ont été créés[23].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Toker C. Trabecular carcinoma of the skin Arch. Dermatol. 1972 ; 105 : 109-110
  2. Fitzgerald TL, Dennis S, Kachare SD, Vohra NA, Wong JH, Zervos EE, Dramatic increase in the incidence and mortality from Merkel cell carcinoma in the United States, Am Surg, 2015;81:802-806
  3. Heath M., Jaimes N., Lemos B., Mostaghimi A., Wang L.C., Peñas P.F., et al. Clinical characteristics of Merkel cell carcinoma at diagnosis in 195 patients: the AEIOU features J Am Acad Dermatol. 2008 ; 58 : 375-381
  4. Engels E.A., Frisch M., Goedert J.J., Biggar R.J., Miller R.W. Merkel cell carcinoma and HIV infection Lancet. 2002 ; 359 : 497-498
  5. Feng H, Shuda M, Chang Y, Moore PS, Clonal integration of a polyomavirus in human Merkel cell carcinoma, Science, 2008;319:1096-1100
  6. Découverte du MPCPyV dans un cancer à cellules de Merkel en France
  7. Paulson KG, Carter JJ, Johnson LG et al. Antibodies to Merkel cell polyomavirus T antigen oncoproteins reflect tumor burden in Merkel cell carcinoma patients, Cancer Res, 2010;70:8388-8397
  8. Harms PW, Vats P, Verhaegen ME et al. The distinctive mutational spectra of polyomavirus-negative Merkel cell carcinoma, Cancer Res, 2015;75:3720-3727
  9. a et b (en) Paulson KG, Lewis CW, Redman MW et al., « Viral oncoprotein antibodies as a marker for recurrence of Merkel cell carcinoma: a prospective validation study », Cancer, vol. 123,‎ , p. 1464-74. (PMID 27925665, PMCID PMC5384867, DOI 10.1002/cncr.30475, résumé)
  10. Grabowski J, Saltzstein SL, Sadler GR, Tahir Z, Blair S, A comparison of Merkel cell carcinoma and melanoma: results from the California cancer registry, Clin Med Oncol, 2008;2:327-333
  11. Description clinique, voir Histoire naturelle
  12. Heath, M., Jaimes, N., Lemos, B., Mostaghimi, A., Wang, L. C., Peñas, P. F., & Nghiem, P. (2008). Clinical characteristics of Merkel cell carcinoma at diagnosis in 195 patients: the AEIOU features. Journal of the American Academy of Dermatology58(3), 375-381.
  13. (en) Austin Huy Nguyen, Ahmed I. Tahseen, Adam M. Vaudreuil et Gabriel C. Caponetti, « Clinical features and treatment of vulvar Merkel cell carcinoma: a systematic review », Gynecologic Oncology Research and Practice, vol. 4, no 1,‎ (ISSN 2053-6844, PMID 28138393, PMCID PMC5264489, DOI 10.1186/s40661-017-0037-x, lire en ligne, consulté le )
  14. (en) Kathleen Coggshall, Tiffany L. Tello, Jeffrey P. North et Siegrid S. Yu, « Merkel cell carcinoma: An update and review », Journal of the American Academy of Dermatology, vol. 78, no 3,‎ , p. 433–442 (DOI 10.1016/j.jaad.2017.12.001, lire en ligne, consulté le )
  15. WHO classification of skin tumours, International agency for research on cancer, coll. « World health organization classification of tumours », (ISBN 978-92-832-2440-2), « Merkel cell carcinoma »
  16. (en) Bianca D Lemos, Barry E Storer, Jayasri G Iyer, Jerri Linn Phillips, Paul Nghiem et al., « Pathologic nodal evaluation improves prognostic accuracy in Merkel cell carcinoma: analysis of 5823 cases as the basis of the first consensus staging system », J Am Acad Dermatol, vol. 63, no 5,‎ , p. 751-61. (PMID 20646783, PMCID PMC2956767, DOI 10.1016/j.jaad.2010.02.056)
  17. Description de la technique dans le cas du cancer du sein
  18. Description d'un cas de régression spontanée
  19. Amélioration du taux de survie après radiothérapie locale
  20. Résultats de la radiothérapie isolée chez des patients inopérables
  21. Nghiem PT, Bhatia S, Lipson EJ et al. PD-1 blockade with pembrolizumab in advanced Merkel-cell carcinoma, N Engl J Med, 2016;374:2542-2552
  22. Kaufman HL, Russell J, Hamid O et al. Avelumab in patients with chemotherapy-refractory metastatic Merkel cell carcinoma, Lancet Oncol, 2016;17:1374-1385
  23. Centres de référence en France