Clarinette ancienne

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A l'échelle de l'histoire de la musique, la clarinette est un instrument jeune inventé au début du XVIIIe siècle. L'expression « clarinette ancienne » ou « clarinette baroque » regroupe à la fois l'ensemble des instruments créés sur la période débutant par l'invention de la clarinette à 2 clés et se terminant en 1839 par son aboutissement, la clarinette « moderne » à 17 clés et 6 anneaux (système Boehm), et également le mouvement de musique ancienne consistant à jouer des œuvres baroques ou classiques sur des instruments d'époque (ou des reproductions).

Les nombreuses améliorations apportées à la clarinette ont consisté à gommer ces défauts et à rendre tempéré et chromatique un instrument tonal. Les principales évolutions sont l'association d'une anche battante ligaturée sur le dessus d'un bec en contact avec les lèvres au lieu d'une anche vibrant dans une boîte (capsule), la création et l'amélioration des registres, et l'introduction de nouvelles clefs.

De nombreux collectionneurs et historiens s'attachent à établir l'histoire de la famille des clarinettes historiques[1],[2],[3].

Les premières clarinettes sont fabriquées en buis ou en bois d'arbres fruitiers.

Clarinette à deux clefs

La clarinette consiste en une amélioration d'un instrument de musique à anche simple, le chalumeau, qui existe au moins depuis le Moyen Âge et qui est décrit par Marin Mersenne dans son traité Harmonie universelle, contenant la théorie, l'organologie et la pratique de la musique de son époque (1636). Le chalumeau définit les caractéristiques principales de la clarinette : un tuyau cylindrique en roseau ou en buis percé de trous d'harmonie et un excitateur à anche battante en roseau. Le chalumeau ne pouvait produire que les sons fondamentaux.

Clarinette en ut de Denner - Musée de Berlin, 2ème instrument à partir de la droite.
Clarinettes à deux clés en ut et en d'après Denner (répliques de Schwenk & Seggelke, la = 415 Hz)

Le mot « chalumeau » provient du latin classique calamus qui signifie roseau.

Au début du XVIIIe siècle, le facteur Johann Christoph Denner, de la guilde nurembergeoise des Wildruf- & Horndreher (tourneurs d'appeaux et de cors), effectue dans son atelier de Nuremberg pendant une dizaine d'années des recherches pour améliorer le chalumeau:

  • il réduit le diamètre de la perce du tube pour atteindre des harmoniques élevées et il lui ajoute la clef de douzième (ou de quintoiement) qui étend le registre vers l'aigu, dénommé « clairon » en ouvrant un trou percé dans le corps et placé exactement au tiers supérieur du chalumeau. Ce principe permet de basculer de la note fondamentale à la troisième harmonique de cette note, soit une quinte au-dessus de son octave (soit une douzième) ;
  • il remplace la boîte qui renferme l'anche par un bec en contact direct des lèvres sur l'anche qui permet de produire des sons harmoniques ;
  • pour combler les trous de l'échelle sonore, il ajoute une deuxième clef à l'instrument pour produire le la médium ;
  • il évase l'extrémité de l'instrument.

Cet instrument dispose d'un ambitus de deux octaves et une quinte, avec des notes manquantes dans l'échelle. Certaines notes nécessitent des doigtés particuliers, dits aussi « fourchus », ou un jeu particulier sur l'embouchure au niveau du bec notamment pour produire le si bécarre dans le médium. Le registre grave garde le nom de « chalumeau ».

Il existe une controverse portant sur le fait qu'il n'existe aucune preuve contemporaine que Johann Christoph Denner est fabriqué une clarinette en 1690 mais plutôt une commande posthume attribuée à son fils Jacob Denner en [4].

A cette époque, la clé de douzième est placée sur le dessus de l'instrument.

En dépit de ces défauts (manque d'homogénéité des registres, discontinuité dans l'échelle sonore, certaines tonalités indisponibles... ), la clarinette à deux clefs se répand en Europe :

Pour jouer dans les différentes tonalités, le musicien doit disposer de plusieurs clarinettes de longueur différentes ou différents corps de rechange. En général, les clarinettes étaient usuellement construites en trois tonalités en la, si bémol et ut, mais certains musiciens pouvaient en utiliser jusqu'à sept modèles à l'orchestre.

Tablature pour clarinette contenue dans la méthode de Joseph Friedrich Bernhard Caspar Mayer (1732)

La première méthode pour clarinette est écrite par Joseph Friedrich Bernhard Caspar Mayer en 1732.

Clarinette à trois clefs

En 1754[7], Johann David Denner (1691-1764), un des fils de Johann Christoph Denner, ajoute une troisième clef autorisant à jouer le mi grave et sa 12e, le si dans le bas du registre du clairon, ce qui lui a nécessité d'allonger également le corps de l'instrument; et il dote l'instrument d'un pavillon qui le fait ressembler à un clarino (petite trompette baroque) : le nom de clarinette, qui apparaît au XVIIIe siècle, pourrait être lié à cette trompette baroque, extrêmement difficile à maîtriser, que la clarinette pouvait remplacer dans le registre du clairon.

La clef de douzième se prenait avec le pouce de la main droite. A cette époque, la clarinette ne dispose pas de repose-pouce pour aider à porter la clarinette qui ne sera créé qu'un siècle plus tard par Hyacinthe Klosé.

« Comme pour les bassons, la grande chance de la Clarinette fut l'édit de Louis XV en 1756 transformant la composition des musiques militaires. Désormais, les hautbois étaient remplacés par les Clarinettes. Les musiques ne comportèrent plus, désormais, que des Clarinettes, des cors et des bassons, auxquels pouvaient s'ajouter éventuellement des petites flûtes. Cet ensemble, automatiquement adopté par les loges maçonniques françaises, où la musique militaire était de rigueur, allait bientôt s'y voir confier l'interprétation non seulement de marches, mais aussi de musiques plus ambitieuses, essentiellement des arrangements de fragments d'Opéras, ou des symphonies spécialement écrites pour eux. Beethoven, qui fut un maçon fervent, sinon assidu, l'utilise pour une petite marche d'allure maçonnique et surtout pour l'accompagnement de son Bundeslied op. 122, chant maçonnique rituel écrit sur un texte de F. Goethe. »[8]

À Paris et à Londres, dans les années 1750 et 1760, la clarinette est jouée dans les fanfares militaires ou en combinaison avec d'autres instruments à vent[9]. La sonorité percante du registre clairon lui permet se faire entendre en plein air à la fois comme instrument champêtre et comme instrument militaire pour remplacer la petite trompette.


« La clarinette est considérée comme l'élément vital de chaque orchestre militaire et comme un instrument indispensable [sic.] aux autres instruments à vent dans les concerts, où ses sons, judicieusement gérés, sont plus exaltants et animateurs que n'importe quel autre instrument. »

— Ouvrage anonyme « Compleat Instuctions (sic.) for the Clarinet » (ca. 1781)[9]

Clarinette à quatre clefs

Clarinette à quatre clefs (collection Bate d'instruments de musique).

Vers 1770, il est ajouté une quatrième clef qui permet de jouer le sol dièse grave et sa 12e, le ré dièse.

Clarinette à cinq clefs

Vers 1775, Johann Joseph Beer ajoute une cinquième clef[10],[11] qui permet de jouer le fa dièse et sa 12e, le do dièse.

Dans les années 1780, les concertos pour clarinette composés par Carl Stamitz et de Georg Friedrich Fuchs indiquent que cet instrument est devenu virtuose grâce aux améliorations apportées par les facteurs artisans (justesse, perce, trous d'harmonie, clétage...) et qu’il passe aisément du registre grave au registre aigu, sans pouvoir pour autant intégrer des passages chromatiques ou jouer dans toutes les tonalités.

Clarinette de basset, ca. 1800 (conservée au Musée des Arts et Métiers de Hambourg).

Le Concerto pour clarinette de Mozart, pièce référence pour la clarinette, est composé en pour un prototype à cinq clefs modifié descendant jusqu’au do grave et conçu par le clarinettiste et ami Anton Stadler de la même loge maçonnique.

Le déploiement des musiques militaires au temps de la Révolution française généralise l'emploi de l'expression « les Clarinettes » pour désigner les formations musicales militaires.

« Le champ de Mars fut construit au son des Clarinettes. »

— Un auteur au temps de la Révolution.

Clarinette à six clefs

Jean-Xavier Lefèvre, premier professeur au Conservatoire de Paris, ajoute une sixième clef[12] permettant de jouer le do dièse et sa 12e, le sol dièse en . Cette sixième clef permet d'obtenir une échelle sonore complète pour la clarinette.

Sa Méthode de clarinette, parue en , a beaucoup de succès et est traduite en allemand et en italien.

Clarinette à huit clefs

Pour augmenter la vélocité de l'instrument, le facteur lyonnais Jacques François Simiot[13] élabore une clarinette à huit clés et il lui ajoute un tuyau en métal dans le trou de la clé de douzième pour empêcher le bouchage et l’écoulement par le trou de la condensation de vapeur d’eau[14].

Iwan Müller et la clarinette à treize clefs

Clarinette à treize clefs de Müller.

Le clarinettiste estonien Ivan Müller invente en 1812 une clarinette à treize clefs offrant une meilleure justesse et permettant d'accéder plus facilement au registre suraigu et de passer avec moins de difficultés d'un registre à l'autre. Müller qualifie la clarinette à treize clés d' « omnitonique », en proposant de ne garder que le modèle en si bémol, afin que le musicien puisse jouer dans toutes les tonalités sans nécessité de changer d’instrument.

En dépit du refus du conservatoire de Paris d'adopter cet instrument innovant et également de la réticence des musiciens militaires[15], des musiciens comme Jean-Baptiste Gambaro en feront la promotion et cette clarinette sera adoptée par les solistes majeurs jusqu'à l'invention de la clarinette système Boehm à anneaux mobiles en 1839 par Hyacinthe Klosé et Louis Auguste Buffet.

« Grâce à la perfection de quelques mécanismes actuels, on peut exécuter aujourd’hui sur cet instrument presque toutes les trilles, presque tous les passages, et cela dans n’importe quel ton. C’est cette dernière faculté qui leur a valu le nom d’omnitonique. La clarinette en si bémol, par exemple, peut jouer dans tel ton que ce soit, bien que naturellement certains tons lui soient plus favorables. »

— Georges Kastner, Manuel général de musique militaire, Paris 1848, p. 375[16]

Des méthodes seront publiées pour accompagner l'apprentissage de la clarinette de Müller:

  • Claude-François Buteux, Méthode de clarinette d’après celle composée par Xavier Le Fèvre adoptée par le Conservatoire de Musique augmentée du mécanisme de l’instrument perfectionné par Ivan Muller et de morceaux gradués pour l'étude extraits des meilleurs auteurs. (Paris: F. Troupenas, 1836)[17].

En 1840, le facteur belge Eugène Albert améliore cette clarinette qui connaîtra un certain succès en Angleterre et aux États-Unis jusqu'à la seconde Guerre Mondiale.

Autres évolutions

La clarinette a continué à évoluer au XIXe siècle et XXe siècle; de nombreuses innovations ont été apportées par les facteurs, musiciens et inventeurs qui soit ont été intégrées aux modèles prédominants ou soit n'ont pas rencontré l'adhésion des musiciens par les musiciens (coûts, poids, complexité, fragilité).

Restauration et copies d'instruments historiques

Bien qu'il soit possible de jouer et restorer des instruments anciens[18], il s'avère souvent déconseillé de les utiliser pour des raisons de préservation (corrosion de la salive...), en particulier pour les modèles rares ou uniques. Il existe des facteurs de clarinettes qui proposent des copies d'instruments historiques, souvent présents uniquement dans des musées ou des collections privées. On citera:

Sources

Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • « Clarinette-Histoire », sur Encyclopédie universalis, (consulté le ).
  • Guy Dangain, À propos de la clarinette, Gérard Billaudot, , 114 p. (EAN 979-0043935285).
  • Jean-Marc Fessard, L’évolution de la clarinette, Paris, Gérard Billaudot, , 104 p. (ISBN 9791091678124, EAN 9790043091943) + CD.
  • Laura Warichet, Symbolisme musical : la clarinette, ou l'évocation du féminin au travers d’œuvres clés jalons du XIXe siècle, Faculté de philosophie, arts et lettres, Université catholique de Louvain, , 147 p. (lire en ligne). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article.

Notes et références

  1. William Rousselet et Denis Watel, Le Livre d’Or de la Clarinette Française, Association des Collectionneurs d’Instruments de Musique à Vent (ACIMV), coll. « Larigot N° XXIV, spécial », , 184 p..
  2. (en) Albert R. Rice, The Baroque Clarinet and Chalumeau, Oxford University Press, , 2e éd., 299 p. (ISBN 978-0190916701).
  3. (en) Heike Fricke, Catalogue of the Sir Nicholas Shackleton Collection : (Historic Musical Instruments in the Edinburgh University Collection), EUCHMI, , 809 p. (ISBN 978-0907635581).
  4. « Clarinette Denner - aérophone », sur mim.be (consulté le ).
  5. « Clarinette : 3 Œuvres majeures », sur universalis.fr (consulté le ).
  6. (en) Nicholas Shackleton, « The clarinet of Western art music. Organological history », sur Grove Music Online, Oxford University Press, (consulté le ).
  7. Selon les sources, l'ajout de la troisième clef à la clarinette est attribué en 1740 au facteur d'orgue de Brunswick, Barthold Fritze (de) ( (1697-1766).
  8. « La Clarinette - Histoire de la Clarinette », sur bertoul.com (consulté le ).
  9. a et b (en) Catherine J. Crisp, « “Transports of delight”? Reviews of Clarinet Performance in Paris and London, c. 1770 – c. 1810 », Performance Practice Review, vol. 22, no 1, Article 7,‎ (DOI 10.5642/ perfpr.201722.01.07, lire en ligne, consulté le ).
  10. Charles Dezobry et Théodore Bachelet, Dictionnaire général de biographie et d'histoire, de mythologie, de géographie ancienne et moderne comparée, des antiquités et des institutions grecques, romaines françaises et étrangères, t. 1, Charles Delagrave, (BNF 30339469, lire en ligne), p. 265.
  11. Fessard 2014, p. 27.
  12. Fessard 2014, p. 32.
  13. (BNF 16426828).
  14. Dangain 1991, p. 9.
  15. M. Francœur, « Rapport fait par M. Francœur, au nom du Comité des arts mécaniques, sur une nouvelle clarinette présentée à la Société par M. Janssen, rue l’Évèque, n°14, butte des Moulins, à Paris. », Bulletin de la Société d’Encouragement pour l’Industrie Nationale, Paris, Imprimerie de Madame Huzard, vol. Vingt-unième année,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  16. Georges Kastner, Manuel général de musique militaire à l'usage des Armées Françaises, Firmin Didot Frères, , 410 (vol.1), 55 (vol.2) (lire en ligne)
  17. Claude-François Buteux et Jean-Xavier Lefèvre, Méthode de clarinette d'après celle composée par Xavier Le Fèvre, augmentée du mécanisme de l'instrument perfectionné par Ivan Muller et de morceaux gradués pour l'étude extraits des meilleurs auteurs, Paris, E. Troupenas et Cie, , 200 p. (BNF 42885888, lire en ligne).
  18. Carnet Atelier, « Restauration d'une clarinette en buis 10 clés milieu XIXème », sur ophicleide.fr,
  19. « Fabrication de clarinettes anciennes historiques, baroques, classiques, romantiques », sur fmasson.com, (consulté le ).
  20. (en) « Early clarinets and chalumeaux », sur carrollclarinet.com (consulté le ).
  21. (en) « Reproduction historical woodwinds », sur sfoxclarinets.com, Toronto (consulté le ).

Voir aussi

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