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Gohonzon de Nichiren

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Littéralement, Gohonzon (御本尊?) signifie « objet de respect fondamental » ou « objet fondamental de vénération » (go est un préfixe honorifique, honzon signifie « objet de vénération »)[1]. Dans le bouddhisme de Nichiren, il s'agit de l'objet de culte qui, associé à la récitation de Daimoku, permet à toute personne de faire surgir son état de bouddha.

À l'origine, le honzon (au Japon) est l'objet de vénération principal d'un temple auquel on vient faire des offrandes ou adresser des prières : soit la représentation, effigie ou statue d'un bouddha, d'un bodhisattva, d'un sage ou d'un maître, soit un mandala support de méditation.

Le Gohonzon est un mandala. Ce terme a plusieurs sens. Il signifie « pleinement doté »[2] ou « monceau de bienfaits »[3], mais cela peut être aussi une représentation de la Vie et du Monde. Les mandalas sont des objets de respect ou de vénération qu'on trouve dans plusieurs courants du bouddhisme.

Le Gohonzon de Nichiren

Rinmetsu Doji Gohonzon

Le Gohonzon est l’objet de vénération du bouddhisme de Nichiren. En japonais, Go signifie « digne d’honneur », et Honzon « objet de culte fondamental ». Nichiren a précisé que la Loi universelle qui imprègne la vie et l’univers est Nam-myōhō-renge-kyō (南無妙法蓮華経) et il l’a concrétisée sous la forme d’un mandala. Le Gohonzon est un parchemin sur lequel sont inscrits des caractères japonais kanji, chinois et sanskrits siddham. Nichiren y décrit l’état de bouddha et les états de vie que possède tout être humain afin que chacun puisse “observer son esprit et découvrir en soi les dix états”[4],[5],[6]. Nichiren utilise le terme de Honzon, auquel il appose le préfixe honorifique Go pour désigner le mandala dont il est l'auteur. Sa représentation graphique s’inspire du chapitre XI, « L’apparition de la Tour aux trésors » et de la cérémonie dans les airs (SdL-XI, 175-180). La structure de ce mandala est à rapprocher des modèles chinois, dans lesquels les stances des sûtras sont inscrites dans le corps d'une représentation géométrique ou bien d'un dessin (notamment sous forme de pagodes), et des mandalas de l'ésotérisme où les divinités sont représentés sous forme de lettres. À la différence d'autres écoles qui mettent généralement un bouddha ou une divinité au centre de leurs mandalas, Nichiren y place les cinq caractères de Myōhō-renge-kyō (妙法蓮華経) qu'il désigne comme “la Loi Merveilleuse de cause et d'effet qui régit l'univers et qui est enseignée par tous les bouddhas du passé, du présent et de l’avenir”. Traditionnellement en Asie un maître transmettait à ses disciples une calligraphie représentant une idée, un concept, une réalisation. Cela permettait au disciple de se connecter individuellement au maître via un support facilement transportable, contrairement à des statues longues à réaliser et fixées dans un temple précis.

Dans une lettre à l'une de ses disciples[7], Nichiren écrit que « le Sûtra du Lotus explique le Gohonzon dans les huit chapitres qui vont du chapitre Yujutsu, « Surgir de terre » (15e) au chapitre Zokurui, « Transmission » (22e) ». Il précise ensuite que « Ce mandala n'est en rien une invention de Nichiren. C'est l'objet de vénération qui dépeint parfaitement le vénérable Shakyamuni et tous les autres bouddhas dans la Tour aux Trésors, aussi fidèlement que l'estampe correspond à la planche à graver ». Il continue avec une description complète du Gohonzon qu'il termine par cette conclusion, « Illuminés par les cinq caractères de la Loi merveilleuse, ils révèlent la nature de bouddha qu'ils possèdent de manière inhérente. C'est là l'objet fondamental de vénération ».

Le Gohonzon présenté par Nichiren devient l'élément de référence et de vénération pour l'école qui se forme autour de ses enseignements. Nichiren a commencé à calligraphier ce type de mandala sur l’île de Sado où il est exilé après la persécution de Tsatsunokuchi pourtant, bien qu'il n'y ait aucun écrit pour le confirmer, ce ne serait que vers la fin de sa vie, après l'événement d'Atsuhara selon la Nichiren Shoshu, qu'il aurait inscrit ou fait réaliser « dans sa forme définitive », le , le « Dai Gohonzon des Trois Grandes Lois cachées (ou ésotériques) dédié à l'humanité tout entière » enchâssé au Temple principal.

Le Gohonzon de Nichiren est l'objet de culte de l'Enseignement essentiel de ces Trois Grandes Lois « sacrées et révélées »[8] dans le Sûtra du Lotus. L'enseignement essentiel désigne la Grande Loi de Myōhō-renge-kyō qui est sous-entendue dans les chapitres Hōben, « Moyens Opportuns » (le 2e) et Nyorai Juryō, « La Durée de la vie de l'Ainsi-Venu » (le 16e) du Sûtra du Lotus. Dans l'esprit du Sūtra du Lotus, la pratique et l´enseignement de Nichiren se fondent sur les Trois Grandes Lois sacrées et révélées : la récitation avec foi de Nam-myoho-renge-kyo, à la fois le Daimoku (titre) du Sûtra du Lotus et le nom de la Loi correcte à l'époque de la Fin de la Loi qui a été transmise par Shakyamuni (Honmon no Daimoku), le Gohonzon[9] en tant qu'objet de culte qui concrétise la Loi (Honmon no honzon) et le lieu où il est enchâssé pour y réciter daimoku (Honmon no Kaidan), cela correspond à tout lieu où l’on récite Nam-myoho-rengué-kyo devant ce mandala. Dans la tradition bouddhiste des trois sortes d’étude, il correspond aux Préceptes.[10] Il est préconisé de pratiquer en début et en fin de journée en lisant d'abord des extraits des chapitres II (la partie en prose) et XVI (la partie versifiée) du Sûtra du Lotus, selon la traduction de Kumarajiva, puis en récitant le mantra, aussi désigné sous le terme de Daimoku (Nam-myōhō-renge-kyō) devant le Gohonzon enchâssé au domicile des pratiquants qui décident eux-mêmes de la durée de cette récitation. La présence du Gohonzon au domicile semble donc importante pour l'accomplissement du rite, toutefois la manifestation des bienfaits de cette pratique, associée à un minimum d'étude, attend rarement la remise du Gohonzon qui est accordé gratuitement à la demande des postulants.

Tout ce qui constitue notre environnement (ceux qui nous entourent, le temps qu'il fait, un morceau de musique, la couleur des murs, etc.) exerce une influence sur nous. Au contact de divers stimuli externes, notre état de vie intérieur change ; ainsi, la contemplation d’un tableau peut déclencher une sensation de ravissement, de calme ou de dégoût. Une simple lettre peut provoquer de la joie, un choc ou le désarroi. De la même manière, un stimulus externe est nécessaire pour faire surgir notre potentiel le plus élevé, notre état de bouddha. Parce qu’il s’est totalement éveillé à la Loi de la vie, Nichiren a pu créer ce stimulus, le Gohonzon, qui permet d’activer l’état de bouddha qui est en nous, de développer l'éveil spirituel à l'ère de la fin du Dharma (末法 ch : mòfǎ ; ja : mappō) ou époque de la Fin de la Loi annoncée par le bouddha Shākyamuni comme devant succéder aux époques de la Loi correcte puis de la Loi formelle, chacune étant divisées en deux périodes de cinq cents ans. Ainsi, avec mappō débuterait « la dernière des cinq périodes de cinq cents ans qui suivra l’extinction de l’Ainsi-venu » (SdL-XXIII, 272) à laquelle fait référence le chapitre XXIII du Sūtra du Lotus, « Les actes antérieurs du bodhisattva Roi-de-la-Médecine », au cours de laquelle doit commencer la réalisation de Kōsen-rufu : « il te faudra le propager largement en terres étrangères et à travers tout le Jambudvipa, sans le laisser jamais disparaître. » (SdL-XXIII, 273) Dans la pratique du bouddhisme de Nichiren, l’élément clé pour faire surgir la bouddhéité (l'éveil spirituel) est la force de la foi qui, alliée à la force de la pratique, révèle en chacune et chacun la force de la Loi et la force du Bouddha.

Nichiren écrit[11] « Tous les bouddhas, bodhisattvas et grands sages, ainsi que les huit catégories d'êtres sensibles des deux mondes cités dans le premier chapitre du Sūtra du Lotus, tous sans exception résident dans ce Gohonzon. Illuminés par les cinq caractères de la Loi merveilleuse, ils révèlent la nature de bouddha qu'ils possèdent de manière inhérente. C'est là l'objet fondamental de vénération, le véritable aspect du Gohonzon. »

L'objet

Le Gohonzon est traditionnellement transcrit de manière manuscrite ou imprimé mécaniquement sur papier marouflé. Son support est généralement décoré de motifs propres à l'école auquel il appartient. Il est garni d'un support de fixation et d'un contrepoids qui lui permet une meilleure tenue une fois déroulé. Toujours suivant la tradition japonaise, le Gohonzon est déroulé, ou enchâssé, dans un autel installé au domicile du fidèle.

Sur le papier sont inscrits suivant un diagramme relativement constant, les noms japonais de personnages tirés du Sûtra du Lotus, et de figures légendaires de la mythologie japonaise et de la cosmogonie indienne. On y lit également des mentions de respect des copistes et des citations d'enseignements bouddhiques de Nichiren. Ces inscriptions sont, pour la presque totalité, calligraphiées en caractères “kanji” empruntés au chinois (kanji) d'autres sont en siddham. L'ordonnancement des figures est construit autour de l'axe central vertical constitué par Namu-myōhō-renge-kyō suivi du nom Nichiren pour symboliser l'unité de la personne et de la Loi, l'aspect indissociable du Bouddha et du Dharma.

Il existe à ce jour une variété considérable de Gohonzon, selon les écoles, les patriarches et d'autres plus rares spécifiquement destinés à des familles historiques.

Origine

Sur le modèle du mandala shingon de la matrice, il existe dans le bouddhisme Tendaï un Hokke mandara avec en son sein en lieu et place de Vairocana, un Stupa au sein duquel sont dessinés les 2 Bouddhas représentant le monde phénoménal Sakyamuni et l'absolu Prabhutaratna. Un rite ésotérique autour de ce mandala, le "Hokkehô" implique la visualisation de diverses divinités du tantrisme japonais Fudo_myoo, Aizen-Myoo, Dainichi-Nyorai, les rois des 4 orients, Indra, Brahmâ et d'autres êtres qui apparaissent sur des Mandalas (Gohonzon) de Nichiren. Traditionnellement les mandalas sont représentés sous forme de peintures des divinités ou celles de leurs syllabes germe sanskrites ou idéogrammes. Si l’esthétique est différente du Hokke mandara la structure du gohonzon nichirenien s'en inspire largement. Le bouddhisme de Kamakura et sa critique des institutions établies a été propice à la création de ces nouvelles formes de mandalas, formes plus aisément transmissibles aux fidèles et moins onéreuses que des statues, approche que l'on perçoit également chez des moines comme Myōe ou Shinran contemporains de Nichiren.

Notes et références

  1. The Princeton dictionary of buddhism par Robart E. Buswell Jr et Donald S; Lopez Jr aux éditions Princeton University Press, (ISBN 0691157863), page 207.
  2. Nichiren, « ÉCRIT 101 : La composition du Gohonzon » (consulté le )
  3. Nichiren, Lettres et traités de Nichiren Daishonin : Volume 1, ACEP, (ISBN 2-9507206-0-9), p. 238
  4. « Les dix états », sur soka-bouddhisme.fr (consulté le ).
  5. « dix mondes-états », sur nichiren-études.fr (consulté le ).
  6. « La foi est la caractéristique de l’état de bouddha », sur soka-bouddhisme.fr (consulté le ).
  7. Le véritable aspect du Gohonzon - Lettres et traités de Nichiren Daishonin, Vol. 1, page 235
  8. https://www.soka-bouddhisme.fr/pdf/Constitution_du_culte_V12_281106.pdf
  9. (en) Forrest Stone, « Schism, semiosis and the Soka Gakkai : Soka Gakkai Nichikan Gohonzon, Semiosis and Signification of the Gohonzon », sur cedar.wwu.edu, Washington, WWU Graduate School Collection, (consulté le ), p. 80 (with different numbered names for quick identification.)
  10. Article 10 de la Constitution Soka pour le culte du bouddhisme de Nichiren : Les enseignements et la pratique de Nichiren, dans l’esprit du Sûtra du Lotus, sont fondés sur les Trois Grandes Lois « sacrées et révélées » : 1=La formulation de la Loi et l’expression de la foi : Nam Myoho Rengue Kyo (Daimoku) est le nom même de cette Loi. Sa récitation exprimée avec foi permet de dissiper l’Illusion ou l’Ignorance inhérentes à toute vie. C’est la pratique. Dans la tradition des trois sortes d’étude à savoir les Préceptes, la Méditation et la Sagesse, elle correspond à la Sagesse. 2=L’Objet de culte : Le Gohonzon (mandala) est enchâssé dans les foyers ou encore dans les lieux de culte. Nichiren Daishonin a inscrit son état de bouddha qui ne fait qu’un avec la Loi sous la forme écrite (idéogrammes) d’un mandala. Il révéla ce Gohonzon comme objet de culte, concrétisation de la Loi. Il est comparable à un miroir où se reflète la nature de bouddha inhérente à sa propre vie. Ce n’est pas un objet d’idolâtrie. Dans la tradition bouddhiste des trois sortes d’étude, le Gohonzon correspond à la Méditation. 3=Le Lieu (ou Sanctuaire bouddhique) où se manifeste la foi dans le Gohonzon : Cela correspond à tout lieu où l’on récite Nam Myoho Rengue Kyo devant ce mandala. Dans la tradition bouddhiste des trois sortes d’étude, il correspond aux Préceptes.
  11. Nichiren, « Les Écrits de Nichiren : 101. La composition du Gohonzon », sur nichirenlibrary.org (consulté le )

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

Bibliographie

  • Gaston Renondeau, La doctrine de Nichiren, 1953, PUF
  • Dictionnaire du bouddhisme, 1991, Editions du Rocher
  • Lettres et traités de Nichiren Daishonin, ACEP, 7 volumes
  • Criticism and Appropriation: Nichiren's Attitude toward Esoteric Buddhism. (Lucia Dolce)Jacqueline Stone