Peste en Inde

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L'Inde a souffert de plusieurs épidémies de peste bubonique et de peste pneumonique au cours de son histoire.

Peste de 1896-1897[modifier | modifier le code]

En septembre 1896, un premier cas de peste bubonique est détecté à Bombay par le docteur Acacio Gabriel Viegas (en)[1]. La ville est divisée en deux : au Nord, les villas britanniques et au Sud, des petites maisons humides et mal aérées, sans hygiène et surpeuplées[2]. C'est là que la peste frappe, s'étendant rapidement à toute la ville et causant environ 1 900 morts par semaine jusqu'à la fin de l'année[1].

En , l'Indian Medical Service s'occupe de la situation[3]. Le gouverneur de Bombay demande à Waldemar Haffkine d'ouvrir un laboratoire, appelé Room 000, où il développe un vaccin contre la peste bubonique en [1],[2],[3].

Les mesures prises par le département de la santé incluent des fouilles policières où les autorités identifient et arrêtent les malades[2], l'isolement strict des malades et l'évacuation forcée des habitants de certains quartiers. Ces mesures sont vues comme abusives et comme une nouvelle oppression coloniale[4]. Les mesures mènent à l'assassinat de Walter Rand (en), directeur du comité de lutte contre la peste, par les frères Chapekar (en)[5]. De nombreuses familles cachent leurs malades, pensant qu'ils seront envoyés dans des camps ségrégués où ils ne seront pas soignés et mourront seuls, sans rites funéraires traditionnels[2]. En , on compte des centaines de milliers de personnes ayant quitté la ville et plus de 20 000 morts[3]. En mars 1898, les Indiens organisent d'importantes manifestations pour protester contre les mesures sanitaires peu efficaces et très contraignantes[3].

Le gouvernement colonial britannique crée le Bombay Improvement Trust, qui démolit de grandes parties des quartiers les plus peuplés et construit des nouvelles rues, étend la ville et construit des infrastructures sanitaires. Les immeubles sont plus strictement régulés : ils doivent être éloignés les uns des autres d'une distance suffisante pour faire passer l'air frais, ne doivent pas empêcher la circulation de l'air marin, et sont dotés de grandes fenêtres. Or, trop peu de logements sont reconstruits, privant de nombreuses personnes de logement[2]. Les personnes qui peuvent se le permettre quittent ces quartiers, s'installant pour beaucoup dans le Nord de la ville avec l'aide de Jamsetji Tata[1].

Après l'épidémie, une statue est érigée à l'effigie de Viegas[2]. Jamsetji Tata fait ériger le Taj Mahal Palace pour remonter le moral des habitants de la ville et la redynamiser[2]. Avec le temps, la peste se rend dans de nouvelles régions indiennes, notamment le Pendjab où le premier cas survient en [6] ; elle ne s'arrête pour de bon que dans les années 1920, après avoir fait plus d'une dizaine de millions de morts[3].

Peste de 1994[modifier | modifier le code]

En , la peste bubonique se déclare dans l'état du Maharashtra, en parallèle de la peste pneumonique dans l'état du Gujarat. Elle voyage ensuite, touchant Delhi, Bénarès, le Karnataka et d'autres états. Au total, on compte 876 cas et 54 morts[7].

On connaît mal les causes de l'épidémie. Une théorie veut que le séisme de 1993 de Latur[8], ayant forcé de nombreuses personnes à abandonner leur logement en y laissant des céréales, aurait déstabilisé l'équilibre entre les rats sauvages et les rats des villes, ce qui aurait permis à la peste de passer des rats des champs aux humains[9]. L'Organisation mondiale de la santé reçoit un rapport le soulignant l'augmentation du nombre de rats morts à Malma ; trois semaines plus tard, elle identifie ses premiers cas de peste bubonique[10].

À Surat, des inondations dans la ville, où les égouts sont en pleine rue, font remonter de nombreux cadavres de rats qui ont sûrement été en contact avec les habitants[11]. Quelques jours plus tard, les célébrations de Ganesh Chaturthi causent les gens à se masser dans les rues. Le , la peste pneumonique est identifiée[10] ; à la fin de l'épidémie, 78 % des cas avaient démarré dans les bidonvilles de Surat[12]. En quelques jours, toute la ville est au courant et les pharmacies écoulent leur stock de tétracycline ; de nombreuses personnes fuient les hôpitaux de peur de contracter la peste[13]. 300 000 personnes quittent Surat en l'espace de deux jours[14],[15].

Le tourisme souffre beaucoup de la situation, avec de nombreux vols annulés, en particulier en direction des pays du Golfe[14],[16]. Plusieurs pays interdisent les importations indiennes et des forces paramilitaires sont appelées à Surat[15]. La ville de Surat détruit de nombreux bidonvilles, installe le tout-à-l'égout et des toilettes publiques et renvoie des fonctionnaires corrompus. En 1996, la ville est qualifiée de plus propre du pays[8].

Cas récents[modifier | modifier le code]

En 2002, on compte 16 cas de peste pneumonique dans le Himachal Pradesh[7].

En 2004, on compte 8 cas et 3 morts de la peste bubonique dans l'Uttarakhand[7].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a b c et d Joel Hanhart, Waldemar Mordekhaï Haffkine (1860-1930). Biographie intellectuelle, Paris, Éditions Honoré Champion, .
  2. a b c d e f et g (en) Sushmita Pathak, « How Bubonic Plague Reshaped The Streets Of Mumbai », NPR,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  3. a b c d et e (en) « The Bombay plague | National Army Museum », sur www.nam.ac.uk (consulté le ).
  4. Ira Klein, « Death in India, 1871-1921 », The Journal of Asian Studies, vol. 32, no 4,‎ , p. 639–659 (ISSN 0021-9118, DOI 10.2307/2052814, lire en ligne, consulté le ).
  5. Echenberg, Myron J., Plague ports : the global urban impact of bubonic plague,1894-1901, New York, New York University Press, (ISBN 978-0814722329, OCLC 70292105).
  6. (en) Aanchal Malhotra, « When the 1897 bubonic plague ravaged India », sur mint, (consulté le ).
  7. a b et c « Plague | National Health Portal Of India », sur www.nhp.gov.in (consulté le )
  8. a et b (en-US) Mohana Basu, « 1994 Surat plague has many lessons for India on how to beat coronavirus », sur ThePrint, (consulté le ).
  9. Saxena, Vijay K., and T. Verghese. "Ecology of Flea-Transmitted Zoonotic Infection in Village Mamla, District Beed". Current Science, vol. 71, no. 10, 1996, pp. 800–802. JSTOR, www.jstor.org/stable/24098741. Accessed 1 July 2020.
  10. a et b « WHO/CDS/CSR/EDC/99.2 Plague ManualEpidemiology, Distribution, Surveillance and Control », sur who.int, p. 35.
  11. « Surat: A Victim of Its Open Sewers », The New York Times,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  12. (en-US) Dorsey Armstrong, « The Black Death: Is The Plague Still A Threat? », sur The Great Courses Daily, (consulté le ).
  13. John F. Burns, « With Old Skills and New, India Battles the Plague », The New York Times,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  14. a et b Joseph Patrick Byrne, Encyclopedia of Pestilence, Pandemics, and Plagues: A-M, ABC-CLIO, , 542–543 p. (ISBN 978-0-313-34102-1, lire en ligne).
  15. a et b « The Surat Plague and its Aftermath » [archive du ], sur montana.edu, Godshen Robert Pallipparambil (consulté le ).
  16. Ashok Dutt, « Surat Plague of 1994 Re-Examined », Review, vol. 37, no 4,‎ , p. 755–760 (PMID 17121302, lire en ligne [archive du ], consulté le ).