Parc national de Takamanda

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Parc national de Takamanda
Gorilla rock sous un ciel moutonneux
Géographie
Pays
Régions du Cameroun
commune
Coordonnées
Superficie
675,99 km2
Administration
Type
Parc naturel du Cameroun (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Catégorie UICN
II
WDPA
Création
2008
Patrimonialité
Liste indicative du patrimoine mondial (d) ()Voir et modifier les données sur Wikidata
Administration
Ministère des forêts et de la faune du Cameroun
Site web
Localisation sur la carte de Cameroun
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Le parc national de Takamanda (anglais : Takamanda National Park) est une zone protégée au Cameroun, mise en place en 2008 pour contribuer à protéger une espèce menacée, le gorille de Cross River (Gorilla gorilla diehli). Il longe le parc national de Cross River nigérian dans une région boisée au relief contrasté. Issue d'une réserve britannique, l’aire vise désormais à limiter l'impact des activités humaines sur l’écosystème, mais des problèmes de gestion limitent son efficacité. Elle abrite cependant une riche biodiversité, dont des espèces menacées.

Géographie[modifier | modifier le code]

Le parc est situé au sud-ouest de la sous-préfecture d’Akwaya, dans la Région anglophone du Sud-Ouest du Cameroun. Il longe la frontière avec le Nigeria[1]. Son altitude varie de 115 à 1 706 mètres, c'est dans le nord du parc que l'altitude est la plus élevée et les reliefs y sont très accentués. Le climat est pluvieux et humide, avec une pluviométrie annuelle moyenne supérieure à 3 000 mm et une température annuelle moyenne de 27 °C[2]. Il est adjacent au parc national de Cross River, ce qui permet des plans de conservation conjoints avec le Nigeria[3].

OpenStreetMap

Histoire et statut[modifier | modifier le code]

En 1934, durant l'époque coloniale, l'administration britannique crée une réserve forestière à l'emplacement actuel du parc, destinée à l'exploitation. À la suite d'une conférence consacrée au gorille de la rivière Cross en 2003, le processus de reclassement est enclenché et le Premier ministre Ephraïm Inoni le transforme en parc national en 2008 par décret.

Aménagement, gestion[modifier | modifier le code]

Le statut d'aire protégée, au Cameroun, réduit l'accès aux ressources naturels pour les riverains, en effet les objectifs affichés des aires protégées sont entièrement tournés vers la conservation de la nature[4].

Les financements proviennent principalement de la coopération au développement allemande. C'est également l'un de ses organisme qui est chargé de mettre en œuvre le plan de développement économique local pour remplacer l'usage des produits forestiers dans les revenus des populations locales. La wildlife Conservation Society est chargée, quant à elle, du programme de protection et surveillance de l'aire protégée. Elle doit également participer à la sensibilisation à la protection de l'environnement[4].

C'est le ministère des Forêts et de la Faune du Cameroun qui détient intégralement l'autorité administrative et de police de l'environnement.

Zonage[modifier | modifier le code]

Trois villages sont enclavés dans le périmètre du parc, mais n'en font pas partie : Obonyi I, Obonyi III et Kekpan. Matene est également isolé entre le parc et la frontière avec le Nigeria voisin, dans la partie nord du parc. Des droits de passage, sur les sentiers reliant ces localités avec le reste du pays, ont été accordés à leurs habitants, pour traverser les zones interdites par ailleurs.

Le parc national est divisé en trois zones à la gestion différenciée :

Zone principale zone à accès limité zone écologique fragile
Superficie 26 554 ha (milieu) 23 757 ha (sud) 11 982 ha (nord)
Objectifs
  • Conservation animale (rôle de réservoir)
  • Régénération des espèces végétales fournissant des produits forestiers non ligneux
  • « Réduire l'influence humaine »
  • Vocation touristique et de recherche scientifique
  • Faciliter la régénération des ressources naturelles (poissons et PFNL)
  • Secondairement, permettre aux populations locales de subvenir à leur besoins en PFNL et en poissons
  • Protéger la réserve en eau
  • Protéger la forêt, contre les incendies notamment
Restrictions
  • Interdiction de récolte du bâton de Hausa et de Yoruba, et contrôle de la récolte des autres PFNL
  • Interdiction de la chasse et de la pêche
  • L'utilisation des sites sacrés est autorisée
  • La pêche traditionnelle, sans produits chimiques, est autorisée
  • La récolte des PFNL est autorisée toute l'année mais limité, pour les besoins des ménages, idem pour les plantes médicinales
  • Interdiction de la récolte de bâton de Hausa et de Yoruba
  • Interdiction du brûlis (incendie volontaire)
  • Interdiction du pâturage
  • la récolte « contrôlée et durable » des PFNL est autorisée
Mesures de gestions
  • Patrouilles de police de l'environnement
  • Suivi écologique et recherche
  • surveillance des activités de pêche et de récolte
  • police de l'environnement
  • Police de la nature
  • Suivi écologique
  • Incendies contrôlés
  • sensibilisation

Participation de la population locale[modifier | modifier le code]

La population locale paraît être bien informée sur la présence du parc national et ses missions. La confiance semblait être plus grande envers les ONG et organismes internationaux qu'envers le gouvernement, en 2014. De plus, la « bonne volonté » à participer à la protection de l'environnement paraît significativement moindre que dans d'autres sites gérés communautairement, selon une enquête menée dans le cadre d'une thèse en 2018[5].

Évaluation de la gestion[modifier | modifier le code]

En 2018, de nombreux problèmes touchent la gestion du parc national : haut niveau de corruption, manque de transparence, versement en retard et irrégulier du salaire du personnel de l'État (écogardes), et la trop faible participation des communautés locales sont probablement à l'origine de l’inefficacité de la gestion de l'aire protégée. Les lois de gestion forestières sont peu respectées et le public est mal informé de ces règles et ne dispose pas d'autre ressources que celle fournies par le milieu naturel que le parc tente de protéger[5].

Flore[modifier | modifier le code]

La végétation du parc peut être regroupée en cinq écotypes classés selon leur élévation, de la forêt de plaine aux prairies d'altitude en passant par la forêt de crête, de moyenne altitude et de montagne. Plus de 1 000 plantes y sont recensées, dont environ 953 espèces et 113 familles identifiées à ce jour, y compris de nombreuses espèces vulnérables[2]. Le caractère distinctif du parc par rapport aux autres forêts du pays se révèle par la moindre présence des Caesalpiniaceae et la richesse de la flore arborescente dans les forêts de plaine. Si des similitudes se vérifient avec la végétation du parc nigérian voisin, l'affinité floristique est moins évidente dans les hauteurs à cause de variations climatiques et phytogéographiques. Au nombre des espèces menacées, se trouvent Diospyros crassiflora (une espèce d'ébène), Microberlinia bisulcata et Eremospatha tessmanniana[6].

Faune[modifier | modifier le code]

Mammifères[modifier | modifier le code]

La protection du gorille de Cross River est l'un des enjeux clés du parc.

Les grands mammifères comptent peu d'individus dans le parc. Entre 15 et 22 espèces ont été répertoriées[2], comme l'éléphant de forêt d'Afrique (Loxodonta africana cyclotis), le céphalophe et le buffle nain. Parmi les huit espèces de primates enregistrées, plusieurs sont endémiques et, pour certaines, menacées, comme le Gorilla gorilla diehli, le chimpanzé du Nigeria (Pan troglodytes vellerosus), le drill (Mandrillus leucophaeus) et le cercopithèque de Preuss. En raison de la chasse, la forêt de Matene est l'aire du parc avec la plus faible diversité et abondance de grands mammifères[7].

Oiseaux[modifier | modifier le code]

Avec 313 espèces d'oiseaux identifiées, le parc constitue un réservoir ornithologique remarquable en comparaison avec celui de Campo-Ma’an ou de Lobéké. Il remplit les conditions pour être considérée comme une zone importante pour la conservation des oiseaux, car il abrite des espèces menacées (comme le picatharte du Cameroun et le tisserin de Bannerman), à aire de répartition restreinte (comme l'hirondelle de forêt et le gonolek à ventre jaune) ou concentrées sur un biome (comme le phyllanthe à gorge blanche, habitant de l'afromontane). D'un point de vue biologique, les plus hautes parties du parc s'inscrivent en continuité avec le plateau d'Obudu [8].

Insectes[modifier | modifier le code]

Le groupe des papillons diurnes ou Rhopalocères compte au moins 4 familles et 111 espèces dans le parc national. Les espèces les plus abondantes sont Eurema senegalensis (une pieride de couleur jaune), une espèces non-identifiée du genre Catuna et le grand papillon aux reflets bleues Hypolimnas salmacis. Les espèces présentes sont principalement des spécialistes des milieux forestiers ou des généralistes adaptés à la forêt secondaire[9].

La région du sud-ouest du Cameroun et des zones limitrophes est la plus riches en termes de diversité d'odonates, avec 182 espèces au total. À lui seul le parc de Takamanda abrite 67 espèces réparties en 11 familles. La diversité des libellules et demoiselles pourrait être séparée en deux communautés : une dans la plaine avec de nombreuses espèces guinéo-congolèses et une communauté de semi-montagne, qui se reproduit dans les torrents de forêt au-dessus de 700 m d'altitude[10].

Reptiles[modifier | modifier le code]

Entre 70 et 80 espèces de reptiles et d'amphibiens sont répertoriées[2], dont 41 espèces de serpents, avec une majeure partie de Colubridae. Les conditions climatiques, la nature du terrain et la discrétion des espèces fouisseuses rendent leur décompte délicat. Leur nombre est proche des montagnes volcaniques du Cameroun (61 espèces enregistrées dans le parc national de Korup). Les serpents arboricoles se retrouvent également dans le sud du pays, contrairement aux espèces fréquentes dans les savanes, comme le python royal et le Dasypeltis scabra . Parmi les espèces endémiques, il est possible de citer les caméléons Trioceros wiedersheimi et Trioceros pfefferi. La consommation de certains reptiles, comme la tortue Kinixys homeana, le mamba vert de Jameson (Dendroaspis jamesoni) et le crocodile nain (Osteolaemus tetraspis tetraspis), contribuent à leur raréfaction. Les gestionnaires du parc doivent prendre en compte les croyances et les coutumes locales associées à ce type de faune, parfois utilisées dans les rituels ou la médecine traditionnelle[11].

Références[modifier | modifier le code]

  1. Nnah et Mantzel, 2014, p. 23.
  2. a b c et d (en) « The Takamanda National Park », sur whc.unesco.org (consulté le ).
  3. B.J. Morgan, 2011, p. 10.
  4. a et b Nnah et Mantzel, 2014, p. 24.
  5. a et b (en) Regina Edawa Nyambi Anaka, Forest conservation and management practices in Cameroon: Case study of Bimbia-Bonadikombo community forest and Takamanda national park, Université de technologie de Brandebourg, coll. « Thèse pour l'obtention du titre de « Doctor of Philosophy (Ph.D.) in Environmental Sciences » », 25 octobre 2018 (soutenance), 228 p. (lire en ligne)
  6. (en) Terry C.H. Sunderland, James A. Comiskey, Simon Besong, Hyacinth Mboh, John Fonwebon et Mercy Abwe Dione, « Vegetation Assessment of Takamanda Forest Reserve, Cameroon », dans James Comiskey, Terry Sunderland et Jacqueline L Sunderland-Groves (dir.), Takamanda : the biodiversity of an African rainforest, Washington, Smithsonian Institution, , p. 19-53
  7. (en) Jacqueline L. Sunderland-Groves et Fiona Maisels, « Large Mammals of Takamanda Forest Reserve, Cameroon », dans James Comiskey, Terry Sunderland et Jacqueline L Sunderland-Groves (dir.), Takamanda : the biodiversity of an African rainforest, Washington, Smithsonian Institution, , p. 111-128
  8. (en) Marc Languy et Francis Njie Motombe, « Birds of Takamanda Forest Reserve, Cameroon », dans James Comiskey, Terry Sunderland et Jacqueline L Sunderland-Groves (dir.), Takamanda : the biodiversity of an African rainforest, Washington, Smithsonian Institution, , p. 95-110
  9. (en) Ebwekoh Monya O’ Kah, « Butterfly Fauna of Takamanda Forest Reserve, Cameroon », dans James Comiskey, Terry Sunderland et Jacqueline L Sunderland-Groves (dir.), Takamanda : the biodiversity of an African rainforest, Washington, Smithsonian Institution, , p. 83-94
  10. (en) Graham S. Vick, « Biodiversity Assessment of the Odonate Fauna of Takamanda Forest Reserve, Cameroon », dans James Comiskey, Terry Sunderland et Jacqueline L Sunderland-Groves (dir.), Takamanda : the biodiversity of an African rainforest, Washington, Smithsonian Institution, , p. 73-82
  11. (en) Matthew LeBreton, Laurent Chirio et Désiré Foguekem, « Reptiles of Takamanda Forest Reserve, Cameroon », dans James Comiskey, Terry Sunderland et Jacqueline L Sunderland-Groves (dir.), Takamanda : the biodiversity of an African rainforest, Washington, Smithsonian Institution, , p. 83-94

Annexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • (en) Conservation Biology of the Cross River Gorilla (Gorilla Gorilla Diehli), City University of New York, ProQuest, 2006, 324 p. (ISBN 9780542850790)
  • B.J. Morgan et al., Plan d’action régional pour la conservation du chimpanzé du Nigeria-Cameroun (Pan troglodytes ellioti), Groupe de spécialistes des primates de la CSE/UICN et Zoological Society of San Diego, , 49 p. (ISBN 978-0-911461-01-5, lire en ligne)
  • Samuel Nnah et Klaus Mantzel, Déforestation, REDD et le Parc national de Takamanda au Cameroun : une étude de cas, Moreton-in-Marsh, Forest Peoples Programme, , 47 p. (lire en ligne)
  • (en) James Comiskey (dir.), Terry Sunderland (dir.) et Jacqueline L Sunderland-Groves (dir.), Takamanda : the biodiversity of an African rainforest, Washington, Smithsonian Institution, , 182 p. (DOI 10.13140/2.1.3192.5449, lire en ligne)

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]