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Mimizuka

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Mimizuka
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Vue d'ensemble du tertre.
Le haut du Mimizuka.

Le Mimizuka (耳塚?, littéralement « Mont oreille », souvent traduit par « Tombe oreille »), altération du Hanazuka (鼻塚?, littéralement « Mont nez ») original[1],[2],[3] est un monument situé à Kyoto, consacré aux nez tranchés des soldats et civils coréens tués[4],[5] ainsi que ceux des troupes de la Chine des Ming[6], pris comme trophées de guerre durant les invasions japonaises de la Corée de 1592 à 1598. Le monument contient les nez tranchés d'au moins 38 000 Coréens tués au cours des invasions de Toyotomi Hideyoshi[7],[8].

Histoire

Traditionnellement, les guerriers japonais ramenaient les têtes des chefs ennemis tués sur le champ de bataille comme preuve de leurs actes. Leur rémunération était versée aux soldats par leurs commandants daimyo sur la base des têtes coupées sur présentation à des stations de collecte où les inspecteurs comptaient et enregistraient minutieusement puis salaient et emballaient les têtes à destination du Japon[9],[10]. Toutefois, en raison du nombre de civils et de soldats tués et de la place que ce chargement occupait à bord des navires de transport de troupes rentrant au pays, il a été décidé de ne ramener que les oreilles et le nez, conservés dans des tonneaux de saumure, au lieu de l'ensemble des têtes[4],[11],[12]. Une fois au pays, les tonneaux étaient vidés et les bouts de corps amassés pour faire le monticule.

Le sanctuaire se trouve juste à l'Ouest du Toyokuni-jinja, le sanctuaire shinto consacré à Hideyoshi à Kyoto.

Les chroniqueurs japonais de la deuxième campagne d'invasion ne manquent pas de mentionner que les nez coupés sur les faces des massacrés étaient également ceux de civils ordinaires[13], essentiellement dans les provinces de Gyeongsang, Jeolla et Chungcheong[2]. Lors de la seconde invasion, les ordres de Hideyoshi sont : « Décimer tout le monde sans discrimination entre jeunes et vieux, hommes et femmes, le clergé et les laïcs, les soldats de haut rang sur le champ de bataille, cela va sans dire, mais aussi les gens de la colline, jusqu'aux plus pauvres et plus humbles et envoyer les têtes au Japon[14]. » Cent soixante-mille soldats japonais sont allés en Corée où ils ont pris 185 738 têtes de Coréens et 29 014 têtes de Chinois pour un total de 214 752[4],[15]. Comme un certain nombre a pu être perdu, il est improbable d'énumérer combien ont été tués au total au cours de la guerre[16].

Le Mimizuka a été consacré le [16]. Bien que les raisons exactes relatives à sa construction ne sont pas entièrement connues, les chercheurs affirment que lors de la seconde invasion japonaise de la Corée en 1597, Toyotomi Hideyoshi a demandé à ses commandants de montrer des signes tangibles de leur valeur martiale dans l'entreprise de destruction et envoyé des lettres de félicitations à ses guerriers de haut rang sur le champ de bataille comme preuve de leur service. Hideyoshi a alors ordonné que les reliques soient ensevelies dans un sanctuaire de l'enceinte du temple Hokoji et a confié à des prêtres bouddhistes le soin de travailler à prier pour le repos de l'âme des centaines de milliers de Coréens dont ils avaient la charge de corps, un acte que le prêtre Saisho Jotai, dans un accès de flagornerie, salue comme un signe de « grande miséricorde et de compassion » de Hideyoshi[2]. À l'origine, le sanctuaire est appelé hanazuka (鼻塚?), « Butte des nez », mais plusieurs décennies plus tard, la consonance du nom est considérée comme trop cruelle et changée pour le plus euphonique mais inexact mimizuka (耳塚?), « Butte des oreilles », terme impropre par lequel il est connu jusqu'à ce jour[2],[3]. D'autres tertres de nez datant de la même période se trouvent ailleurs au Japon, tels qu'à Okayama ; voir tombes de nez pour plus de détails[16].

Effet sur les relations étrangères contemporaines

Contrairement aux Coréens, le Mimizuka est presque inconnu des Japonais[16]. Au début des années 1960, une plaque, retirée par la suite, se tenait devant la butte aux oreilles portant l'inscription : « On ne peut pas dire que couper le nez était si atroce selon les normes de l'époque ». La plupart des guides ne mentionnent pas la butte aux oreilles et seuls quelques touristes japonais ou étrangers visitent le site[16]. La majorité des touristes sont coréens - des autocars coréens sont souvent stationnés près de la butte aux oreilles.

En 1982, pas un seul manuel scolaire japonais ne mentionne la butte aux oreilles. En 1997, le monticule est mentionné dans environ la moitié de tous les manuels d'histoire du secondaire selon Shigeo Shimoyama, un responsable de la maison d'édition Jikkyō. L'éditeur publie le premier manuel scolaire japonais mentionnant la butte aux oreilles au milieu des années 1980. Le ministère de l'Éducation du Japon de l'époque s'oppose à la description jugée « trop réaliste » et fait pression sur l'éditeur pour qu'il « adoucisse » le ton et loue également Hideyoshi d'avoir consacré religieusement la butte aux oreilles pour mémoriser les esprits des personnes tuées[16].

Dans les années 1970, du temps de l'administration Park Chung-hee, certains des fonctionnaires du gouvernement sud-coréen demandent au Japon de niveler le monument[16]. Cependant, la plupart des Coréens estiment que le monticule doit rester au Japon comme un rappel de la sauvagerie passée[16].

L'activité depuis les années 1990 est correctement décrite ainsi [2]:

« En 1990, un moine bouddhiste coréen nommé Pak Sam-jung se rend à Kyoto et, avec le soutien d'une organisation locale privée, tient une cérémonie devant le tombeau pour réconforter les esprits qui y résident et les guider sur le chemin de retour vers la Corée. Au cours des six années qui suivent, l'organisation japonaise qui a accueilli cet événement mène une campagne pour obtenir que le Mimizuka soit envoyé en Corée et présente une pétition portant vingt mille signatures aux fonctionnaires de la ville de Kyoto par laquelle elle s'engage à supporter le coût de l'excavation du contenu de la tombe et son expédition en Corée, avec le monticule de terre de neuf mètres de haut et la pagode en pierre qui se tient à son sommet. Lorsque Pak Sam-jung retourne à Kyoto en 1996, le retour de la tombe semble imminente. « Ces nez ont été coupés comme des trophées de guerre pour Toyotomi Hideyoshi », annonce-t-il à son départ de Séoul. « Ils sont restés à Kyoto pendant quatre cents ans. C'est maintenant notre devoir de les faire rentrer en Corée pour apaiser la douleur des 126 000 personnes dont les restes y sont enterrés ».

En fin de compte, l'autorisation nécessaire pour déplacer le Mimuzuka ne fait pas partie des priorités du gouvernement japonais. Il a été décidé que, en tant que patrimoine culturel national officiellement désigné, la tombe doit rester là où elle est et demeure à Kyoto à ce jour, peu connue et rarement visitée, et mal indiquée pour les touristes. Elle se trouve juste à l'ouest du musée national de Kyoto et du Toyokuni-jinja, le sanctuaire shinto consacré à Toyotomi Hideyoshi qui y est déifié comme un kami après sa mort. Le financement du gouvernement est insuffisant pour s'occuper du site de sorte que le travail est effectué par les résidents locaux qui se portent volontaires pour couper l'herbe et nettoyer le terrain[2],[16]. »

Le , 400e anniversaire du Mimizuka, une cérémonie est organisée en mémoire des personnes tuées, cérémonie à laquelle participent des personnes de toutes nationalités et religions.

Notes et références

  1. Chung-hwa Cho, Dashi ssunum imjin waeran-sa (A Revelation of the History of the Imjin War), Séoul, Hakmin-sa,

    « Selon Cho Chung-hwa, le changement de nom est dû au lettré Hayashi Rasan (1583-1657) commissionné par le gouvernement au cours des premières années de l'ère Tokugawa. »

    .
  2. a b c d e et f Hawley 2005, p. 501.
  3. a et b (en) Jurgis Elisonas, « The Inseparable Trinity : Japan's Relations with China and Korea », dans John Whitney Hall et James L. McClain, The Cambridge History of Japan, vol. 4 : Early Modern Japan, Cambridge University Press, (DOI 10.1017/CHOL9780521223553.007), p. 235–300.
  4. a b et c Turnbull 2002, p. 230

    « Le compte-rendu de Motoyama Yasumasa ne manque pas de mentionner que la plupart des nez qui y sont enterrés ne sont pas ceux de soldats combattants mais de civils ordinaires, parce « les hommes et les femmes, jusqu'aux nouveau-nés, tous ont été anéantis, aucun n'a été laissé vivant. Leurs nez étaient tranchés et conservés dans le sel ». »

    .
  5. Turnbull 2002, p. 230. In Motoyama Buzen no kami Yasumasa oyako senko oboegaki, in Zoku gunsho ruiju Series (Zoku Gunsho Ruiju Kanseikai), 1933, p. 391.
  6. Turnbull 2002, p. 222.

    « Le site de la bataille de Sacheon est de nos jours marqué par un imposant tertre funéraire contenant les restes de plus de 30 000 soldats Ming tués par les Japonais et enterrés sans leur nez, qui figurent parmi les derniers trophées apportés au Mimizuka de Kyoto. »

    .
  7. (en) George Bailey Sansom, A History of Japan, 1334-1615, Stanford University Press, coll. « Stanford studies in the civilizations of eastern Asia », , 360 p. (ISBN 0-8047-0525-9)

    « Les visiteurs de Kyoto utilisés pour être montré la Minizuka ou oreille tombe, qui contenait, disait-on, les nez tranchés de 38 000 Coréens, convenablement marinés et envoyés à Kyoto comme preuves de la victoire. »

    .
  8. (en) Ihara Saikaku et Paul Gordon Schalow, The Great Mirror of Male Love, Stanford University Press, coll. « Stanford Nuclear Age Series », , 324 p. (ISBN 0-8047-1895-4, lire en ligne)

    « The Great Mirror of Male Love. Mimizuka, qui signifie « tombe d'oreilles », est l'endroit où Toyotomi Hideyoshi a enterré les nez prises comme preuve de mort de l'ennemi lors de ses invasions brutales de la Corée en 1592 et 1597. »

    .
  9. Hawley 2005, p. 475-476.

    « Dès le début, l'offensive pour ramener le calme dans les provinces de Gyeongsang, Jeolla et Chungcheong fut le théâtre des atrocités les plus horribles perpétrées contre la population civile. Des gens étaient tués presque chaque jour en dehors des batailles, et leurs nez tranché par centaines, même par millier. Nous savons cela car les unités responsables, toujours soucieuses de prouver leur valeur, conserver méticuleusement archives et comptes, certains nous étant parvenus de nos jours. »

    .
  10. Hawley 2005, p. 494-495.

    « Les nez tranchés des visages furent envoyés par milliers à un dépôt installé sur la route, où ils étaient soigneusement comptés, salés et empaquetés. »

    .
  11. Turnbull 2002, p. 195.
  12. Hawley 2005, p. 158.

    « D'après les documents japonais, plus de trois mille hommes de Sin furent décapités ce jour et plusieurs centaines retenus prisonniers. Spectacle habituel, les têtes tranchées furent alignées après la bataille, là où les nez furent tranchés et conservés dans du sel pour le voyage de retour au Japon. Normalement, les têtes elles-mêmes auraient dû être gardées, mais il y en eut beaucoup trop lors de la campagne de Corée pour cela. Les nez allaient ainsi devenir une trophée de guerre commun. Ils sont bien plus aisément transportables. »

    .
  13. Turnbull 2002, p. 197. Le moine japonais Keinen nota que les atrocités contre les populations civiles étaient juste une phase des opérations militaires.

    « Dès l'aurore du matin suivant, nous les poursuivîmes et les chassâmes jusque dans les montagnes et nous ratissâmes les villages dans une distance d'une journée de marche. Quand ils furent cernés, nous fîmes une grande tuerie. Durant une période de dix jours, nous saisîmes dix mille de nos ennemis, mais nous ne tranchâmes pas leur tête. Nous coupâmes leur nez, qui nous révèlent combien de têtes étaient là. À cette heure, le nombre de têtes de Yasuharu étaient supérieur à deux mille. »

    (Wakizaka ki in Yoshino, Jingoza'emon. Yoshino Jingoza'emon oboegaki, in Zoku gunsho ruiju XX-2 Tokyo Zoku Gunsho Ruiju Kanseikai (1933), 1636, p. 448).
  14. Hawley 2005, p. 465-466. « Septième et dernier ordre de Hideyoshi à ses commandants archivés dans le Chosen ki (Archives coréennes) du samouraï Okochi Hidemoto », in George Elison, The Priest Keinen and His Account of the Campaign in Korea, 1597-1598: An Introduction. In Nihon kyoikushi ronso: Motoyama Yukihiko Kyoju taikan kinen rombunshu, édité par Motoyama Yukihiko Kyoju taikan kinen rombunshu henshu iinkai. Kyoto : Shinbunkaku, 1988, p. 28.
  15. Turnbull 2002, p. 230. Chosen ki, série Zoku gunsho ruiju (Zoku Gunsho Ruiju Kanseikai), 1933, p. 352.
  16. a b c d e f g h et i (en) Nicholas D. Kristof, « Japan, Korea and 1597: A Year That Lives in Infamy », The New York Times, New York,‎ (lire en ligne, consulté le ).

Annexes

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Bibliographie

  • (en) Stephen Turnbull, Samurai Invasion : Japan's Korean War 1592 -1598, Londres, Cassell, , 256 p. (ISBN 0-304-35948-3)
  • (en) Samuel Hawley, The Imjin War : Japan's Sixteenth Century Invasion of Korea and Attempt to Conquer China, Séoul, Royal Asiatic Society, , 664 p. (ISBN 89-954424-2-5)

Articles connexes