Maison verte (lieu d'accueil)

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Une Maison verte est un lieu de parole et de jeu qui accueille des enfants, de leur naissance à quatre ans, en présence de leurs parents afin de favoriser la sociabilité et de prévenir l'éventuelle apparition de troubles. La première maison verte a été créé par Françoise Dolto en 1979 à Paris.

Origine[modifier | modifier le code]

L'association autour de la Maison verte avait été créée en par sept fondateurs : Pierre Benoît, Françoise Dolto, Colette Langignon, Marie-Hélène Malandrin, Marie-Noëlle Rebois, Bernard This et Maxime du Crest, qui en fut son premier président[1] [2]. Nommée au départ « Petite enfance et parentalité », ce sont les premiers enfants qui l'ont renommée en « Maison verte »[3].Dans l'ouvrage de référence Françoise Dolto, une psychanalyste dans la cité. L'aventure de la Maison verte, paru chez Gallimard en 2009, Marie-Hélène Malandrin, qui en présente l'édition dans un dialogue avec Claude Schauder, raconte : « Dans les premiers mois de la Maison verte venait un petit garçon très moteur qui renversait tout sur son passage (…). Au moment de partir, un collègue s'est penché pour lui dire au revoir et l'enfant lui a violemment tiré la barbe. Très fâché, ce collègue lui a dit “Non je t'interdis de me tirer la barbe". Le petit garçon s'est alors tourné vers sa mère et lui a demandé : "comment elle s'appelle cette maison-là ?" Puis, il a ajouté : "Comment elle s'appelle notre maison?" Et ensuite il est parti. Dans la semaine, il a dit et redit à sa mère : "Je voudrais aller à la maison… à la maison… à la Maison… verte (à cause de la petite maison en bois qui se trouvait dans la pièce d'accueil)". Quand la maman a raconté cette demande de l'enfant, les mères se sont saisies de ce nom, et il a circulé entre elles immédiatement. »[4] Marie-Hélène Malandrin écrit que Françoise Dolto parle de cet enfant sous le nom de Victor dans La cause des enfants.

La Maison verte fut ouverte le dans le XVe arrondissement en tant que « lieu d'accueil et d'écoute des enfants de moins de quatre ans, accompagnés par leurs parents »[2]. Il était lié, au départ, au centre Etienne Marcel qui regroupait des analystes de la petite enfance[5].

Marie-Hélène Malandrin rappelle que « l'ouverture de la Maison verte en 1979, où Françoise Dolto est à l'accueil, dans un lieu qui fonctionne sans rendez-vous, apparaît comme étant dans la continuité de son choix de 1940 d'être à la porte à l'hôpital Trousseau pour recevoir "ces leçons extraordinaires que nous donnes ces enfants, ces parents, ces familles et le jeu de l'inconscient." »[6].

Principe[modifier | modifier le code]

Ni crèche, ni halte-garderie, il s'agit d'un « lieu de parole et de jeu », de sociabilité qui offre à l'enfant un espace différent de la maison mais sans être isolé du ou des parents à la grande différence des autres lieux de la petite-enfance, un lieu de médiation entre la famille et la société[5]. L'idée centrale étant qu'un lieu où les enfants et les parents peuvent venir librement, pour jouer, se rencontrer, se parler et échanger, comme dans un square, en fait un lieu de vie à même d'offrir la possibilité de prévenir l'apparition de pathologies symptomatiques[5]. Pour autant, les accueillants présents (en général au nombre de trois ou quatre pour quarante à soixante enfants et autant de parents) n'y sont pas en tant que psychanalystes — il n'y pratiquent pas de cure — mais plutôt en tant que « citoyens analysés » selon les mots de Dolto[5] et l'équipe est également composée de personnes issues du milieu éducatif[7].

La Maison verte fonctionne de façon collégiale (pas de directeur, prises de décisions communes) avec une péréquation des salaires[8],[9].

Fonctionnement[modifier | modifier le code]

« Le dispositif d’accueil et d’écoute de la Maison Verte s’articule principalement autour de deux concepts : lien social et subjectivation », analyse Frédérick Aubourg[10]. L'âge auquel les enfants sont reçus — moins de quatre ans — est celui où la structuration psychique n'est pas encore faite[10]. L'originalité de la Maison verte tient en cette articulation de la structuration du petit enfant et du social, différente d'une consultation psychanalytique mais également des autres lieux institutionnels[10]. Ainsi, selon la revue Actualités sociales hebdomadaires, il s'agit d'un « dispositif social aussi inclassable qu'innovant »[11]. Dominique Berthon rappelle par ailleurs que dans les CMPP, il était impossible de recevoir des nourrissons[12].

Lors d'un accueil, on s'adresse d'abord à l'enfant — son prénom est inscrit sur un tableau —, avant de prendre en charge les parents qui restent anonymes garantissant ainsi liberté de parole et non-transmission d'information à des tiers ou des institutions[10]. Aucun rendez-vous n'est nécessaire ni aucune demande particulière afin d'en faire avant tout un lieu convivial et d'usage libre et divers (repos, rencontre, questions, etc.)[10].

La première des règles à respecter et que le ou les adultes accompagnants ne peuvent s'absenter et laisser l'enfant et ce dans le but de permettre à l'enfant de faire l'expérience de la séparation de manière sécurisante[10]. Une participation financière libre est demandée aux adultes[10].

Pour les enfants deux règles matérialisent la question de la loi et de la socialisation[10]. La « ligne rouge », d'abord, délimite un espace de circulation entre enfants et parents, où les enfants peuvent se déplacer en tricycle ou tout jouet roulant et permet aux enfants d'interroger les limites et le rapport à la règle incarné par le parent, ainsi selon Dolto « le bébé sonde aussi la vigilance que l’adulte porte à son désir, l’intérêt que l’adulte accorde à sa personne distincte de ses actes. Son choix d’obéissance devient alors une manifestation d’amour, dont il se sent heureux qu’elle soit prise pour telle ». Avec ce jeu du « Passera, passera pas la ligne défendue, c’est toute l’humanisation de l’enfant qui s’élabore »[10]. Le « tablier pour jouer au bac à eau » ensuite matérialise ce que Dolto appelle « la castration libératrice » : pour pouvoir jouer avec de l'eau, il faut se soumettre à une règle dans un espace donné, social donc[10]. Ces deux règles sont l'occasion pour l'enfant de mettre en mot les questions du lien avec ses parents, de l'autorité, de la frustration[10].

Développement en France et dans le monde[modifier | modifier le code]

Le concept de Maison verte a essaimé en France (une trentaine de structures du même type voit le jour entre 1979 et 1989, et ce sont 171 lieux supplémentaires qui ont ouvert depuis les années 90[13] portant le total à plus de 200[11]) et à travers le monde[5],[10],[note 1] avec une vingtaine de structures[11].

Selon Gérard Neyrand, les Maisons vertes constituent le modèle des lieux d'accueils parents-enfants, bien qu'apparues en même temps que les lieux d’accueil de quartier d’habitat social inspirés du travail social communautaire, c'est l'aura et la renommée de Françoise Dolto et l'élaboration théorique à l'origine de ces lieux qui lui ont donné valeur de référence et de modèle[18].

Notes et références[modifier | modifier le code]

Note[modifier | modifier le code]

  1. Par exemple au Royaume-Uni[14], en Belgique[15], en Suisse[16], en Georgie[17] mais aussi la Russie, les Etats-Unis, l'Argentine, l'Arménie, le Brésil, le Canada, l'Espagne, Israël, l'Italie, ou la Pologne[11].

Références[modifier | modifier le code]

  1. Françoise Dolto, Une psychanalyste dans la cité, L'aventure de la Maison verte, p.135, préface de Marie-Hélène Malandrin, Gallimard,
  2. a et b Mijolla 2012, p. 1004.
  3. Montero 2009.
  4. Françoise Dolto, Une psychanalyste dans la cité, L'aventure de la Maison verte, préface de Marie-Hélène Malandrin, Gallimard, .
  5. a b c d et e Mijolla 2012, p. 1005.
  6. Françoise Dolto, Une psychanalyste dans la cité, L'aventure de la Maison verte, préface de Marie-Hélène Malandrin éditeur=Gallimard, , p. 17.
  7. H. Scheu et N. Fraioli 2010, p. 13.
  8. H. Scheu et N. Fraioli 2010, p. 67, 110.
  9. Collectif 2012.
  10. a b c d e f g h i j k et l Aubourg 2009.
  11. a b c et d ASH 2017.
  12. Berthon 1998.
  13. H. Scheu et N. Fraioli 2010, p. 13, 34.
  14. Paglia 2017.
  15. Godard 2010.
  16. Racine 1999.
  17. Maminachvili 2019.
  18. Neyrand 2010.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

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Ouvrages[modifier | modifier le code]

  • Gérard Neyrand, Sur les pas de la Maison verte : des lieux d'accueil pour les enfants et leurs parents, Paris, Syros, (ISBN 2-84146-250-1)
  • Françoise Dolto, Marie-Hélène Malandrin (dir.) et al., Françoise Dolto, une psychanalyste dans la cité. L'aventure de la Maison verte, Paris, Gallimard, (ISBN 978-2-07-012257-8)
  • Jacqueline Sudaka-Bénazéraf, Libres enfants de la Maison verte, ERES, (ISBN 978-2-7492-1549-5, lire en ligne)
  • Bernard This, La maison verte : Créer des lieux d'accueil, Paris, Belin, (ISBN 2701184800)

Dictionnaire[modifier | modifier le code]

Chapitres et articles[modifier | modifier le code]

  • Anne-Marie Hamad, « Jouer à la Maison Verte », Enfances & Psy, vol. 15, no 3,‎ , p. 24-29 (DOI 10.3917/ep.015.0024)
  • Bernard This, « Symptôme et Maison Verte », Cahiers critiques de thérapie familiale et de pratiques de réseaux, vol. 29, no 2,‎ , p. 203-211 (DOI 10.3917/ctf.029.0203)
  • Frédérick Aubourg, « La Maison Verte : un dispositif à la portée de l'enfant », Figures de la psychanalyse, vol. 18, no 2,‎ , p. 227-240 (DOI 10.3917/fp.018.0227). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • A. Monteiro, « Éducation et reconnaissance chez Françoise Dolto », Enfances, Familles, Générations, no 11,‎ , p. 80–100 (DOI https://doi.org/10.7202/044123ar)
  • Gérard Neyrand, « Lieux d'accueil, savoirs et gestion politique. Un espace en tension », dans Sylvie Rayna (dir.), Parents-professionnels : la coéducation en questions, Toulouse, ERES, (ISBN 9782749212883, lire en ligne), p. 27-35. Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • M. -A. Podlipski et P. Gerardin, « Les vertes années des Maisons des adolescents », Neuropsychiatrie de l'Enfance et de l'Adolescence, les Maisons d'adolescents, vol. 59, no 2,‎ (DOI 10.1016/j.neurenf.2010.07.008)
  • « La Maison Verte », dans Collectif pas de 0 de conduite pour les enfants de 3 ans, La prévention prévenante en action, Toulouse, ERES, (ISBN 9782749215167, lire en ligne), p. 100-103. Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • Daniel Olivier, « De la Maison verte aux lieux d'accueil enfants-parents, la transmission de la psychanalyse », dans Daniel Olivier (dir.), De plus en plus de lieux d'accueil, de moins en moins de psychanalyse, Toulouse, ERES, (ISBN 9782749233772, lire en ligne), p. 13-22
  • Marie-Hélène Malandrin, « Pertinence et impertinence du dispositif de la Maison verte au regard de la prévention précoce », dans Daniel Olivier (dir.), De plus en plus de lieux d'accueil, de moins en moins de psychanalyse, Toulouse, ERES, (ISBN 9782749233772, lire en ligne), p. 119-148
  • Martina Paglia, « The Maison Verte, a transitional space: introducing the work of Françoise Dolto in the UK », Infant Observation, vol. 19, no 3,‎ (DOI 10.1080/13698036.2017.1316513)
  • « Françoise Dolto, un héritage toujours vert », ASH / Actualités sociales hebdomadaires,‎ (lire en ligne)
  • Chalva Maminachvili, « La Maison Verte de Tbilissi : le lieu qui accueille la psychanalyse en Géorgie », Figures de la psychanalyse, vol. n°37, no 1,‎ , p. 197-205 (DOI 10.3917/fp.037.0197)

Rapports[modifier | modifier le code]

  • Fondation de France, Maisons vertes : dix ans après quel avenir? : des lieux d'accueil parents-enfants, Fondation de France, (ISBN 2-907111-15-9)
  • H. Scheu (dir.), N. Fraioli (dir.) et al., Lieux d’accueil enfants-parents et socialisation (s), LeFuret/CNAF, (lire en ligne). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article

Articles de presse[modifier | modifier le code]

  • Caroline Helfter, « Une maison ouverte pour enfants et parents en mal de parole », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne)
  • Dominique Berthon, « Dolto ne fut-elle qu'une clinicienne ? », Lien social,‎ (lire en ligne)
  • Catherine Argand, « Une maison où s'exprimer », L'Express,‎ (lire en ligne, consulté le )
  • Ariane Racine, « Dix ans après la mort de Françoise Dolto, les Maisons vertes sont la plus vivace de ses idées », Le Temps,‎ (ISSN 1423-3967, lire en ligne, consulté le )
  • Laure Pelé, « Deux élues au chevet de la Maison verte de Dolto », Le Parisien,‎ (lire en ligne, consulté le )
  • Chantal Godard, « Une “maison verte” à la Dolto », La Libre,‎ (lire en ligne, consulté le )
  • Nicolas Berrod, « La “Maison Verte”, un espace de liberté pour parents et enfants », La Croix,‎ (ISSN 0242-6056, lire en ligne, consulté le )
  • Catherine Robin et Michaël Zumstein, « Retour à la Maison Verte », Elle, no 3797,‎

Liens externes[modifier | modifier le code]