Madame la Mort (Gauguin)

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Madame la Mort
Artiste
Date
1891
Type
dessin
Technique
fusain sur papier avec rehauts de lavis
Dimensions (H × L)
33,5 × 23 cm
No d’inventaire
RF 42998, RectoVoir et modifier les données sur Wikidata
Localisation
musée d'Orsay, Paris.

Madame la Mort est un dessin au fusain sur papier avec rehauts de lavis réalisé par Paul Gauguin en 1891. Mesurant 33,5 × 23 cm, il est conservé aujourd’hui au musée d'Orsay à Paris.

Description[modifier | modifier le code]

D’un point de vue plastique, on observe sur ce dessin une femme entièrement vêtu de blanc, aux fortes cernes, avec des joues creusées, une absence de buste. Entièrement blanche au visage, elle possède une pâleur que l’on pourrait comparer à un défunt[1]. Ainsi, aidé du titre, on comprend bien qu’il s’agit ici d’une allégorie de la mort, un des premiers symboles chers aux symbolistes. Elle se détache d’ailleurs d’un fond noir rappelant les limbes où les morts sont emportés, dans l’idée générale, le noir sans fin qui nous attend après la mort. Par ailleurs, comme nous l’avons affirmé plus tôt, l’œuvre est représentative du symbolisme de Gauguin. En effet, le dessin est synthétisé, avec des lignes directrices claires pour marquer le corps, une chevelure traduit par un amas de couleur blanche, une bouche à peine visible et une main aux doigts étranges et allongés[2]. Ainsi, on voit bien que Gauguin cherche à s’éloigner de la réalité et à nous présenter une vision de la mort totalement imaginaire, dans un noir sans fin qui nous fait aussi imaginer le lieu. De plus, l’ensemble de la composition est marquée par cette opposition claire entre le fond et la forme grâce aux couleurs, ce qui permet de mettre en avant la mort. L’ensemble est aussi marqué par un important dynamisme généré par les différents traits noirs et blancs formant une sorte de grande spirale[1].

Madame la mort est donc un dessin dans lequel Gauguin opte de manière franche pour une iconographie et une facture symboliste. Il parut en frontispice de l'édition du Théâtre de Rachilde publié par l'éditeur Savin en 1891, Ainsi, l’œuvre est un excellent exemple de cette esthétique, une femme voilée y tenait le rôle de la Mort revenant hanter le héros de son funeste présage. Ainsi, l’aspect terrifiant est, lui aussi, parfaitement réalisé tant par cette impression de mouvement troublant que par de sombres détails glauques marquant son œuvre. La représentation de la figure spectrale est basée sur des codes et représentation bien précis, utilisés à plusieurs reprises dans différentes œuvres pour faire apparaître des défunts, bienveillants ou venus hanter les protagonistes des lieux qui l'entoure. Ces codes seront d’ailleurs réutilisés dans les autres domaines artistiques, tels que le cinéma ou la photographie, ainsi que le domaine de l’animation ou encore de manière plus contemporaine les jeux vidéo à caractère horrifique[3].

La pièce et l'œuvre[modifier | modifier le code]

Pour mieux comprendre le choix de la représentation, il faut s’intéresser aux personnages de la pièce de théâtre de Rachilde. En effet, la pièce raconte l’histoire de Paul Dartigny qui dans une expérience onirique, dans laquelle la Mort et la Vie, cherchent à séduire cet homme suicidaire. Ainsi, les séductions de la femme voilée, la Mort, finiront par entrainer Paul Dartigny dans les limbes avec lui, alors Gauguin ici souligne le caractère énigmatique de cette femme-fantasme qui triomphe de tout par cet aspect vaporeux, son absence de détail qui la font presque disparaitre. De plus, sa momification montre qu'elle est aussi une représentation vide, enveloppée de voiles et qui n'existe que sous des formes artistiques. Enfin, il faut savoir que ce dessin était à l’origine un pendant puisqu’il écrit à Rachilde le 5 février 1891 : « A la lecture de votre drame, Madame la Mort j'ai été vraiment perplexe. Comment exprimer votre pensée avec un simple crayon, tandis que vous l'avez conçue possible pour la scène avec des moyens autrement puissants — l'actrice, la parole et les gestes. Je vous prie de m'excuser si je suis loin de vos désirs dans la faible traduction que je vous envoie — et si je vous en envoie deux au lieu d'une, c'est que peut-être en les mettant ensemble (ce qui est possible n'est-ce pas) ? l'une expliquera l'autre »[4].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a et b Robert Goldwater, Paul Gauguin, London; Thames and Hudson; 1957. `
  2. René Huyghe, Gauguin, Paris, Flammarion, 1959.
  3. Raymond Cogniat, Paul Gauguin, Fondation Wildenstein, Annecy-le-Vieux, 1974.
  4. Maryline Lukacher, Madame La Mort and Other Plays, University of Nebraska Press, Nineteenth Century French Studies, 2000-03-22, p. 341.

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Maryline Luhacher, Madame La Mort and Other Plays, University of Nebraska Press, Nineteenth Century French Studies, 2000-03-22, p.341.
  • Serena Keshaviee, L’Art Inconscient: Imaging the Unconscious in Symbolist Art for the Théâtre d’art, UAAC-AAUC (University Art Association of Canada | Association d'art des universités du Canada), RACAR, 2009, Vol.34 (1), p.62-76.
  • René Huyghe, Gauguin, Paris, Flammarion, 1959.
  • Nina Stanculescu, Gauguin, Paris, Editions Bellevue, 1975.
  • Robert Goldwater, Paul Gauguin, London; Thames and Hudson; 1957.
  • Raymond Cogniat, Paul Gauguin, Fondation Wildenstein, Annecy-le-Vieux, 1974.