Guillaume Pantol

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Guillaume Pantol
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Robert Pantulf (en)Voir et modifier les données sur Wikidata
Le blason des Pantulf au XIIe siècle, de gueules à deux faces d’argent, pour les branches anglaise et normande. Des ajouts (croissants entre autres) ainsi que des brisures ont été introduits au cours des siècles.

Guillaume Pantol, en anglais William Pantulf, appelé aussi Willelmus Pantulf ou Pantul, Pantolf ou Pantoul[1], est un noble anglo-normand, né entre 1035 et 1050, probablement à Aubry-le-Panthou (Alberi vicus en latin médiéval) ; il meurt en Normandie un , vraisemblablement en l’an 1112. Seigneur de Noron, de Saint-Germain d’Aubri et d’Émiéville, du Mesnil-Bacley, de Roiville et gouverneur de Perray-en-Saosnois, sénéchal de Roger II de Montgommery, il sera nommé premier baron de Wem et conseiller du roi Henri Ier Beauclerc.

Durant sa vie, exceptionnellement longue[2], Guillaume Pantol a été durant huit décennies le témoin des grandes heures de l’histoire du duché normand. Orderic Vital a relaté ses faits et gestes dans son Historia ecclesiastica et le présente comme l’un des personnages marquants de son siècle : « Ce chevalier était très brave ; il avait de l’esprit ; il était reconnu par les seigneurs de l’Angleterre ou de l’Italie comme l’un des plus sensés et des plus riches de ses compatriotes […] Il honora les pauvres et le clergé, fit beaucoup d’aumônes, se montra constamment magnanime, fit courageusement tête à tous ses ennemis, et resta toujours puissant par ses richesses et ses terres. »[3].

Famille[modifier | modifier le code]

La famille Pantol est attestée en Normandie comme une famille seigneuriale vassale de la famille de Montgommery ; on ne connaît que le nom de la mère (Béatrice)[4] et de la sœur (Helwise) de Guillaume ; un Willelmus Pantol est signataire comme témoin d’une charte accordée par Roger de Montgomery concernant le marché de l'abbaye de Jumièges, mais il n'y a pas de certitude qu'il s'agisse du père de Guillaume Pantol [5],[6].

De la conquête de l’Angleterre à l’affaire du château de Peray-en-Saosnois (1067-1070)[modifier | modifier le code]

Le nom de Guillaume Pantol n’apparaît dans le récit d'Orderic Vital que lorsqu'il s’embarque le , jour de la saint Nicolas, avec Guillaume le Conquérant qui rejoint son nouveau royaume d’Angleterre[7]. Pantol participe activement à la conquête et reçoit de Roger II de Montgommery, dit Roger le Grand, en récompense de ses services, vingt-neuf domaines dans le comté du Shropshire[8], recensés en 1086 dans le Domesday Book.

D'après Gérard Louise, « Certains lignages aristocratiques semblent avoir constitué une aristocratie militaire spécialisée dans la garde des châteaux seigneuriaux » ; Guillaume Pantol appartenait à cette noblesse d’armes prêtant ses services à son suzerain. En 1070, il est nommé gouverneur du château de Peray-en-Saosnois par Mabile de Bellême, épouse de Roger II de Montgommery. Pour des raisons inexpliquées, elle lui reprendra plus tard cette place forte située au confluent de l’Orne et de la Dives : « Cette vexation avait fait naître entre eux une haine opiniâtre. »[9].

Années d’expiation et de dévotion (1070-1077)[modifier | modifier le code]

Des pénitences canoniques avaient été prescrites par le pape contre les hommes ayant commis des exactions au cours de la conquête de l'Angleterre[10]. Bien qu'à l'époque de nombreux seigneurs aient doté généreusement les monastères pour « se constituer du crédit » dans l'au-delà, il semble évident, d’après Janet Meisel, que les motifs du seigneur de Noron aient été beaucoup plus d’ordre moral.[réf. nécessaire]

Cependant, Pantol n’échappe pas à cette nécessité de prouver sa dévotion et sa générosité envers l’église et les pauvres en construisant des édifices religieux, et en effectuant un pèlerinage.

Après avoir doté l'abbaye de Saint-Évroult, il fonde en 1072 avec son épouse le prieuré Saint-Pierre de Noron[11],[6], où furent formés quatre des évêques qui occupèrent le siège de Sées, ainsi que l'église paroissiale du village, dédiée à saint Cyr et à sa mère sainte Julitte[12], à Noron-l'Abbaye[13].

Il distribue une grande partie de ses biens normands à l’Église. La donation de ses manoirs, domaines, bois, moulins et dîmes a lieu à Bellême, fief de son suzerain, en présence des évêques, des abbés des monastères et des principaux barons du duché. Cette offrande solennelle faite à l’abbaye de Saint-Évroult et au prieuré de Noron sera suivie en 1074 d’un pèlerinage à Saint-Gilles du Gard[14]. considéré avec Rome, Jérusalem et Saint-Jacques-de-Compostelle comme l’un des quatre plus important de la chrétienté à l’époque.

Premier voyage en Italie et ordalie[modifier | modifier le code]

Le , Pantol assiste en compagnie de Guillaume le Conquérant à la consécration de l’église de l’abbaye de Notre-Dame du Bec par Lanfranc de Pavie[15]. Puis, il accompagne en Apulie son ami Robert de Grandmesnil, abbé de Saint-Évroult de 1059 à 1061 et nommé en 1062 abbé de Sainte-Euphémie à Sant'Eufemia d'Aspromonte en Calabre[4]. Robert Guiscard, duc d'Apulie et de Calabre, qui règne sur l’Italie du Sud, le reçoit à sa table le jour de Pâques 1078 et lui offre trois villes que Pantol refuse pour des raisons inconnues[16].

Mais Guillaume Pantol doit abréger son séjour : Mabile de Bellême, épouse de son suzerain, est assassinée le dans son château de Bures[17],[18]. Pantol a été accusé par contumace de complicité par la famille Montgommery, condamné à mort et ses biens ont été saisis[19].

Pantol rentre en Normandie pour se défendre ; il se place sous la protection des moines de l’abbaye de Saint-Évroult. L’abbé Mainier d'Échauffour, abbé depuis 1066, un ami d’enfance, plaide sa cause auprès de Guillaume le Conquérant qui accepte que Pantol subisse le jugement de Dieu ; l'ordalie a lieu en 1082 dans la cathédrale de Rouen : l'accusé porte une barre de fer rougie dans sa main qui reste intacte selon Orderic Vital [4],[20]. Ainsi innocenté et réhabilité, Guillaume Pantol récupère ses biens.

Second voyage en Italie (1087-1092)[modifier | modifier le code]

Après le décès de Guillaume le Conquérant en , Henri Beauclerc, son fils cadet, participe avec Robert, fils aîné de Guillaume Pantol à des déprédations dans le duché de Normandie. Âgés tous deux d'une vingtaine d’années, ils s’attaquent même à l'Abbaye-aux-Dames fondée à Caen par les parents de Henri, Guillaume le Conquérant et Mathilde de Flandre[21].

Pantol repart en Italie en 1087 avec son épouse Lesceline pour accueillir à Bari les reliques de Nicolas de Myre et participer à la construction de la première crypte de la basilique San Nicola inaugurée par le pape Urbain II en 1089. À son retour en Normandie, Pantol offre au scriptorium de l’abbaye de Saint-Évroult une copie manuscrite de la Translation du corps du saint, écrite par le moine bénédictin Nicéphore et l'archidiacre Jean de Bari[22]. En , il dépose solennellement dans le prieuré de Noron une dent du saint et deux fragments du tombeau de marbre de ce dernier[3], [23], donnant ainsi une impulsion nouvelle au culte du saint dans le duché normand. Les pèlerins affluent et les miracles se multiplient.

Témoin du testament de Roger de Montgommery, décédé le , Pantol reste cependant la cible de Robert II de Bellême, fils aîné du défunt, qui le dépouille à nouveau de tous ses biens. Celui que l’on nommera parfois « Robert le Diable » n’a jamais cru en l’innocence de Pantol dans l’assassinat de sa mère et devient son ennemi juré.

Aucune chronique de l'époque ne mentionnant Guillaume Pantol entre 1095 et 1002, l'hypothèse a été avancée de sa participation à la première croisade[24].

Dernières années (1102-1112)[modifier | modifier le code]

En 1102, le roi d'Angleterre Henri Ier Beauclerc s'attaque aux barons anglo-normands dont la loyauté est douteuse, en particulier Robert II de Bellême et Arnoul de Montgommery ; Robert, convoqué à la cour pour répondre d'accusations sur sa conduite, se défausse et organise une rébellion contre le roi. Henri Ier envoie Guillaume Pantol comme émissaire au Pays de Galles auprès de Iorweth ap Bleddyn, coprince de Powys avec ses frères Cadwgan et Maredudd, qui sont tous trois vassaux de Robert, en tant que comte de Shrewsbury. Pantol est chargé de détacher Iorwerth, considéré comme le plus puissant des trois frères, de son alliance avec Robert et ses propres frères, en lui proposant d'importantes donations de domaines. La mission de Pantol est un plein succès et Iorwerth à la tête d'une armée de Gallois ravage pour le compte du roi le Shropshire. Robert de Bellême est obligé de se rendre, ses terres en Angleterre sont confisquées et il est banni du royaume. Iorwerth capture son frère Maredudd et le livre au roi.

Henri Ier récompense Pantol en le nommant gouverneur de la forteresse de Stafford et le fait entrer dans son conseil.

Guillaume Pantol meurt en Normandie un , probablement en l’an 1112 ; il est enterré dans le cloître du prieuré de Noron ; son épouse meurt quelques mois plus tard et est inhumée à ses côtés[23].

Mariage et descendance[modifier | modifier le code]

Le nom de l'épouse de Guillaume Pantol est connu : Lesceline, mais pas sa famille, ni la date de leur mariage. Le couple a eu au moins quatre fils : Robert, Philippe, Ivon et Arnoul.

Philippe est à l'origine de la branche française sous le nom de Panthou, toujours subsistante. Robert, second baron de Wem, est l'héritier des domaines anglais et à l'origine de la branche des Pantulf qui jouera un rôle actif durant deux siècles, jusqu'à la mort du dernier descendant mâle, William II Pantulf, en 1233.

Références[modifier | modifier le code]

  1. « Noblesse anglaise non titrée : les Pantulf », sur MedLands
  2. Dix-sept papes auront occupé le trône de Saint-Pierre, cinq ducs auront gouverné la Normandie, trois rois auront régné sur le royaume franc — cinq sur l’Angleterre — et six abbés se seront succédé à l’abbaye de Saint-Évroult durant ces huit décennies.
  3. a et b Orderic Vital livre VII.
  4. a b et c Orderic Vital livre V.
  5. Marie Fauroux, « Recueil des Actes des ducs de Normandie (911-1066) », dans Mémoires de la Société des antiquaires de Normandie, 1961, tome XXXVI
  6. a et b K. S. B., Keats-Rohan, Domesday People: A Prosopography of Persons Occurring in English Documents, 1066–1166: Domesday Book, Ipswich, Boydell Press, 1999 (ISBN 0-85115-722-X), p. 493-494.
  7. Orderic Vital livre IV.
  8. Janet Meisel 1980.
  9. Gérard Louise 1992-1993, p. 104.
  10. Paul Zumthor 1964, p. 234.
  11. « Ancien prieuré », notice no PA00111571, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Mérimée, ministère français de la Culture
  12. « Église », notice no PA00111570, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Mérimée, ministère français de la Culture
  13. Patrick de Panthou 2015, p. 133.
  14. Patrick de Panthou 2015, p. 144.
  15. Mary Bateson Oxford Dictionary of National Biography.
  16. (en)David C. Douglas, The Norman Achievement 1050–1100, Berkeley, University of California Press, 1969, p. 116 (ISBN 0-520-01383-2).
  17. Gérard Louise, p. 156.
  18. Jean-François Miniac, Les Grandes Affaires criminelles de l'Orne, Paris, éd. de Borée, 2008 (ISBN 978-2-84494-814-4).
  19. Patrick de Panthou 2015, p. 185.
  20. (en) Marjorie Chibnall, The World of Orderic Vitalis, Oxford, Clarendon Press, 1984, p. 14-15.
  21. Patrick de Panthou 2015, p. 217.
  22. Patrick de Panthou 2015, p. 223.
  23. a et b Patrick de Panthou 2015, p. 233.
  24. Gaston Le Hardy 1867, p. 19.

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Source médiévale
    • Orderic Vital, Historia Ecclesiastica, vers 1140. Éditions : Duchesne, Historiae Normanorum, 1619 ; Auguste Le Prévost et Léopold Delisle, Historiae ecclesiasticae, 5 vol., Paris, 1838-1855 ; Marjorie Chibnall, The Ecclesiastical History of Orderic Vitalis, Oxford, Clarendon Press, 1969 -1980 : traduction : Louis-François du Bois, Histoire de Normandie, Paris, J.-L.-J. Brière, 1825-1827, 4 vol. (Collection des mémoires relatifs à l'histoire de France, publiée par F. Guizot).
  • Études
    • Nicolas Dubosc, « Recherches historiques sur la famille de Panthou », dans Notices, Mémoires et Documents publiés par la Société d’Agriculture, d’Archéologie et d’Histoire naturelle du Département de la Manche, n° 1, 1851, p. 147).
    • Patrice Guilmard, Les Barons de Wem, Shropshire, du XVe au XVIIe siècle, et leurs descendants, éditions Lulu, Press Inc. www.lulu.com ID : 14 573 879.
    • Gaston Le Hardy, « Un gentilhomme normand au XIe siècle », dans Mémoires de la Société des antiquaires de Normandie, 1867, tome XXVI, p. 735 à 746 Lire en ligne.
    • Gérard Louise, La Seigneurie de Bellême, Xe – XIIe siècles. Dévolution des pouvoirs territoriaux et construction d'une seigneurie de frontière aux confins de la Normandie et du Maine à la charnière de l'an mil, Flers, 1992-1993, 2 vol., 429 et 349 p. (numéro spécial de la revue Pays bas-normand).
    • (en) Janet Meisel, Barons of the Welsh Frontier: the Corbet, Pantulf, and Fitz Warin Families (1066-1272), Lincoln, University of Nebraska Press, 1980, 234 p.
    • Patrick de Panthou, Compagnon du Conquérant, Guillaume Pantol, vers 1035-1112, 2015, Cahiers du temps, 2015, 365 p. (ISBN 978-2-35507-079-2).
    • Paul Zumthor, Guillaume le Conquérant, paris, Taillandier, 1964 ; réédition : Paris, Seuil (collection « Points »), 2004.

Liens externes[modifier | modifier le code]