Facteur humain

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Le facteur humain est la contribution humaine impliquée dans un événement, incluant l'erreur humaine. Celle-ci peut être provoquée volontairement ou involontairement.

Le facteur humain concerne également, en psychologie, les mécanismes qui existent entre ce qui est perçu par l'homme et les réactions conscientes ou inconscientes qui en découlent. Par exemple l'émotion créée par la vue d'une photographie d'art ou par l'écoute d'une mélodie faisant intervenir de nombreux éléments mis en mémoire, et notamment son vécu, est une activité incluse dans les facteurs humains. La compréhension de ses mécanismes fait partie des facteurs humains.

Le facteur humain concerne également l'étude des raisons aboutissant à une erreur humaine. On peut citer comme exemple les erreurs de pilotage, les erreurs judiciaires, ou les erreurs de programmation.

Histoire[modifier | modifier le code]

Sens premiers[modifier | modifier le code]

Dans les sens premiers et anciens en langue française, le facteur humain s'oppose au facteur divin ou au facteur économique, le facteur étant — par définition — celui qui fait.

Toutefois on ne peut pas exclure que le terme dans son sens moderne — lié à l'imprévu — puisse être influencé d'idées étrangères anglaises ou américaines. Le terme anglais facteur venant du latin et indiquant une cause contribuant à un résultat.

En 1894, le facteur humain apparait être associé à certains accidents sans être encore tout à fait bien compris:

« Or, c'est dans cette catégorie d'accidents de mer que le facteur humain joue le plus grand rôle. Le « Board of Trade » édicte des règles destinées à prévenir les collisions, aucun officier n'est autorisé à diriger un navire s'il n'a un certificat de capacité, et cependant les rencontres se produisent. On est porté à se demander pourquoi, tandis que les accidents dus à d'autres causes deviennent plus rares, ceux qui sont le plus immédiatement le fait des hommes continuent à être si fréquents? Sont-ce les règles qui sont défectueuses ? sont-ce ceux qui sont chargés de les appliquer qu'il faut accuser ? Ou bien faut-il admettre que, si la sécurité de la navigation a augmenté à d'autres égards, on ne peut s'attendre à lui voir faire les mêmes progrès en ce qui concerne les collisions, qu'il y a là un état de choses auquel il n'est guère possible de remédier ? Cette conclusion n'est guère acceptable, et les décisions des tribunaux en font foi, car dans la généralité des procès, la faute est attribuée, soit à l'une des parties, soit à l'autre, et l'une des deux est condamnée à indemniser l'autre.

Mais comme le principal but de la législation en matière de navigation est d'empêcher les collisions, et qu'elle n'y arrive pas, on peut se demander si, telle qu'elle existe, elle est basée sur des principes bien sains. Elle aboutit en fin de compte, non à diminuer le nombre des désastres maritimes, mais à provoquer des procès et des condamnations qui ont l'inconvénient de ne pas frapper les vrais coupables, de rester sans grand effet parce qu'on s'est assuré contre elles, et d'ajouter de grands frais de procédure aux pertes subies. Il ne paraît pas inopportun de signaler cet état de choses qui constitue un si fâcheux contraste avec les progrès effectués à tant d'autres égards. »

— économie industrielle, La marine anglaise pendant la dernière période décénale, Annales industrielles, 1894[1]

Apport de Taylor[modifier | modifier le code]

ETUDE DES MOBILES HUMAINS.

« Une autre particularité importante du système Taylor est l'application systématique de la même méthode scientifique à l'étude de ce qu'on peut appeler ; le facteur humain.

Voici comment Taylor s'exprime à ce sujet : « Il est une autre espèce de recherche scientifique, qui doit appeler spécialement l'attention : c'est l'étude minutieuse des mobiles qui font agir les hommes. À première vue, il peut sembler que c'est simplement affaire d'observation et de jugement individuel et qu'il n'y a pas là matière à des expériences scientifiques exactes. Il est certain que les lois qui résultent d'expériences de ce genre et qui se rapportent à l'organisme très complexe qu'est l'être humain sont sujettes à plus d'incertitudes que les lois relatives aux choses matérielles. Et cependant des lois de ce genre existent qui s'appliquent à la grande majorité des hommes et qui, clairement définies, sont d'un grand secours dans la manière de les conduire. Pour découvrir ces lois, il a été fait des expériences minutieuses, soigneusement préparées et conduites pendant plusieurs années de la même manière que celles dont il a été parlé précédemment. »

Esquissons l'application de cette méthode.

Dans l'industrie, l'intervention de l'ouvrier — c'est-à-dire du facteur humain — peut se ramener à trois points principaux : la connaissance des bonnes méthodes de travail, la volonté de les appliquer et l'aptitude physique pour le faire. Chacun de ces trois éléments du facteur humain dépend à son tour d'autres facteurs plus simples.

La connaissance des bonnes méthodes de travail suppose leur étude préalable par des ingénieurs compétents, puis leur enseignement aux ouvriers par le soin de contremaîtres, de moniteurs spéciaux. »

— Produire plus en travaillant moins, Lectures pour tous : revue universelle et populaire illustrée, 1 octobre 1916[2]

Sens moderne[modifier | modifier le code]

Depuis la décennie 1930, l'expression "Facteur Humain" est une expression professionnelle[3].

Enjeux[modifier | modifier le code]

Ce concept intervient dans l'étude actuelle et prospective de l'interaction des comportements humains avec leur environnement et notamment dans le domaine de la sécurité publique, du risque industriel, du risque nucléaire de la sécurité alimentaireetc. L'erreur humaine et le facteur humain sont en cause dans de nombreux accidents graves et catastrophes, industrielles et maritimes notamment[4]. Au Québec on parle du PFH (« putain de facteur humain »), concept réutilisé notamment par Hubert Reeves pour expliquer l'inaction des hommes face à l'évolution de la planète[5].

L'ergonomie qui est l'étude de l'interaction des comportements humains dans le monde du travail bénéficie également de l'étude et de la prise en compte des facteurs humains. Elle concerne l'adéquation existant entre l'homme et son environnement dans le monde du travail. On peut citer par exemple l’étude des formes de casques de moto permettant d’assurer un confort et une sécurité correspondant à l’ensemble de la population.

Sémantique[modifier | modifier le code]

Les facteurs humains sont nombreux, complexes, interagissent entre eux et avec l'évolution du contexte social, environnemental et technique ; ils sont par conséquent souvent difficiles à maîtriser. Les comprendre et anticiper fait appel à l’ergonomie, comme à la sociologie, à la médecine et à la psychologie du travail et des organisations et de formation[6].

En anglais human factor est souvent synonyme d'ergonomie, notamment dans le domaine de l'informatique. Toujours en anglais, le monde de l'industrie maritime préfère human element à human factor.

Sécurité aérienne[modifier | modifier le code]

En aviation, à la suite de plusieurs accidents attribués à des erreurs humaines, la formation des équipages comprend un volet « facteurs humains » (en anglais CRM ou crew resource management). Ainsi dans la catastrophe de Tenerife, l'accident le plus meurtrier de l'histoire, le copilote avait interpellé le commandant sur la possibilité d'un problème, mais n'a pas osé insister en raison du lien hiérarchique.

Sécurité routière[modifier | modifier le code]

Les accidents de la route qui blessent gravement ou mortellement des personnes chaque mois par centaine (hécatombes) pendant des décennies sont le plus souvent attribués à des erreurs humaines ou des facteurs humains[7],[8],[9], les sources ne distinguant pas toujours les notions de facteur et d'erreur. Dans le «système sûr» (en anglais: Safe System Approach) l'infrastructure routière cherche à ce qu'une erreur humaine ne conduise pas à un accident, en réduisant le risque d'erreur et les conséquences de l'erreur[10],[11]. Toutefois les échecs humains peuvent être soit des erreurs humaines soit des violations délibérées[12]. «L’idée du «système sûr» est d’accepter l’erreur humaine mais de tout faire pour que l’erreur n’entraîne pas des décès ou des blessures graves.»[13].

Dans le cadre de la recherche d'infrastructures plus sures, les facteurs humains peuvent par exemple distinguer:

  • le facteur temporel: il faut souvent de 4 à 6 secondes à un conducteur pour changer complètement de manœuvre. cela peut correspondre à une distance de 300 mètres à une vitesse de 100 km/h;
  • le facteur du champ de vision: le champ de vision peut soit stabiliser soit déstabiliser le conducteur, le fatiguer ou le stimuler;
  • le facteur de moindre surprise (ou de logique): le conducteur conduit selon son expérience et ses perceptions récentes. Des anomalies inattendues perturbent la chaîne d’action et les automatismes du conducteur, c'est-à-dire font hésiter le conducteur qui a alors besoin de temps pour traiter l'anomalie[3].
Exemple de facteur humain Hors facteur humain
négligence d’un feu rouge

sous-estimation d’un virage
surestimation de la largeur de la route
sous-estimation de la distance
surpris par un virage
négligence d’un signal de laisser le passage

niveau d’alcool > norme légale

lâcher le volant
crise cardiaque
insecte irritant dans le véhicule
manœuvre de dépassement risquée

Dans la littérature[modifier | modifier le code]

Facteur Humain est le titre d'un roman de Graham Greene, trame du dernier film de Otto Preminger.

C'est aussi une maison d'édition belge, dirigée par Denis Gielen et Grégoire Romefort.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. « Annales industrielles », sur Gallica, (consulté le ).
  2. « Lectures pour tous : revue universelle et populaire illustrée », sur Gallica, (consulté le ).
  3. a et b (ISBN 2-84060-215-6)
  4. gl-academy, organe de formation du groupe GL Noble Denton (2013), Human error still a major reason for ship losses , 14 février 2013
  5. « Le "putain de facteur humain" : l'explication d'Hubert Reeves sur l'inaction des hommes face à l'état de la Terre », sur France Culture, (consulté le ).
  6. GIRIN J & JOURNÉ B (1998) La conduite d’une centrale nucléaire au quotidien, les vertus méconnues du facteur humain. Le journal de l’Ecole de Paris, (10).
  7. (en) Sylwia Agata Bęczkowska, Iwona Grabarek, « The Importance of the Human Factor in Safety for the Transport of Dangerous Goods », International Journal of Environmental Research and Public Health, vol. 18, no 14,‎ (PMID 34299976, DOI 10.3390/ijerph18147525, lire en ligne, consulté le ).
  8. (en) « Human Factors », sur highways.dot.gov (consulté le ).
  9. « Décès sur les routes en Europe : les chiffres (infographie) / Actualité / Parlement européen », sur europa.eu, (consulté le ).
  10. (en) « Making our Roads Safer through a Safe System Approach », sur highways.dot.gov (consulté le ).
  11. (en) Adnan A. Hyder, « Road Traffic Injuries » [livre], (PMID 30212112, DOI 10.1596/978-1-4648-0522-6_ch3, consulté le ).
  12. (en) « Human factors/ergonomics – Managing human failures », sur hse.gov.uk (consulté le ).
  13. (en) « EUR-Lex - 52018DC0293 - EN - EUR-Lex », sur europa.eu (consulté le ).

Annexes[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]