Directive-cadre sur l'eau

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La directive-cadre sur l'eau (2000/60/CE), souvent plus simplement désignée par son sigle DCE, est une directive européenne du Parlement européen et du Conseil adoptée le .
Elle établit un cadre pour une politique globale communautaire dans le domaine de l'eau.

C'est l'élément majeur de la réglementation européenne concernant la protection des ressources en eau douces, saumâtres ou salées, superficielles ou souterraines, de « transition »[N 1] et côtières.

Cette directive vise à prévenir et réduire la pollution de l'eau, promouvoir son utilisation durable, protéger l'environnement, améliorer l'état des écosystèmes aquatiques (zones humides) et atténuer les effets des inondations et des sécheresses.

Contenu, obligations

La DCE impose notamment :

  • l'identification des eaux européennes et de leurs caractéristiques, par bassin et district hydrographiques,
  • l'adoption de « plans de gestion » et de « programmes de mesures » appropriées à chaque masse d'eau, le premier plan de gestion devant couvrir la période 2010-2015 (premier cycle de la DCE), et devant être adopté avant fin 2009. En France, les plans de gestion correspondent aux SDAGE (schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux) et ont été établis à l'échelle des districts hydrographiques.

L'objectif pour 2015 est le « bon état » ou « bon potentiel » des masses d'eau, afin de garantir une gestion soutenable de cette ressource vitale pour l'humanité et pour les autres espèces vivantes. Le « bon état » des masses d'eau est défini dans la DCE :

  • comme le bon état écologique et le bon état chimique pour les masses d'eau de surface (par exemple une rivière),
  • comme le bon état chimique et le bon état quantitatif pour les masses d'eau souterraines (par exemple une nappe phréatique).

Le « bon potentiel » des masses d'eau fortement modifiées (par exemple un canal) correspond au bon potentiel écologique et au bon potentiel chimique.

Les États membres devaient encourager la concertation et la participation active de toutes les parties prenantes concernées par la mise en œuvre de cette directive, y compris dans l'élaboration des plans de gestion.

Dans un délai maximum de 4 ans après l'entrée en vigueur de la directive, chaque État membre devait produire :

  • une analyse des caractéristiques de chaque district hydrographique,
  • une étude de l'incidence de l'activité humaine sur les eaux,
  • une analyse économique de l'utilisation des eaux
  • un registre des zones nécessitant une protection spéciale.
  • un recensement de toutes les masses d'eau utilisées pour le captage d'eau destinée à la consommation humaine et fournissant plus de 10 m³ par jour ou desservant plus de 50 personnes.

Indicateurs de qualité

Ils relèvent du domaine de la chimie, de la physique et de la biologie, avec trois composantes majeures : physico-chimie ; écologie et hydromorphologie.

Ils relèvent aussi de l'écologie du paysage, à l'échelle des bassins versants et pour les aspects souterrains des « masses d'eau ». Pour les eaux de surface, les États doivent ainsi décrire la qualité physique de tronçons fonctionnellement homogènes de cours d'eau en évaluant les composantes physiques de leurs éléments :

La qualité est évaluée par comparaison à un état de référence (à définir par bassin versant, en intégrant les éco-potentialités du bassin et des données historiques). Les Etats membres ont une marge de liberté pour définir la méthode qu'ils retiennent.

Pour la mesure de l'état écologique des eaux côtières et de transition (qui associe des éléments de qualité biologique et des données physico-chimiques), la DCE propose d'identifier, par bassin, le paramètre déclassant (principe du « one out, all out » . Les objectifs prioritaires par bassin sont alors de résoudre le paramètre le plus déclassant (ex : phytoplancton pour les masses d’eau naturelles, benthos pour les ports).

Concernant les lacs, certains auteurs ont proposé une typologie paneuropéenne de critères d'appréciation de leur qualité[1].

Gestion restauratoire

Dans un délai maximal de neuf ans suivant la date d'entrée en vigueur de la Directive, chaque district hydrographique (certains étant internationaux) devait produire un « Plan de gestion » s'appuyant sur l'état des lieux (résultats des analyses et études de la phase I).

Ce plan de gestion doit être en mesure de :

  • prévenir la détérioration, améliorer et restaurer l'état des masses d'eau de surface, atteindre un bon état chimique et écologique de celles-ci, ainsi que réduire la pollution due aux rejets et émissions de substances dangereuses;
  • protéger, améliorer et restaurer les eaux souterraines, prévenir leur pollution, leur détérioration et assurer un équilibre entre leurs captages et leur renouvellement;
  • préserver (restaurer le cas échéant) les zones protégées.

Un délai de quinze ans (à partir de l'entrée en vigueur de la directive) est prévu pour atteindre les objectifs de bon état ou bon potentiel des masses d'eau, avec des dérogations possibles dans des conditions précisées par la directive. Une pollution accidentelle temporaire de l'eau ne sera pas retenue comme infraction à la Directive si elle était imprévisible, induite par un accident, une cause naturelle ou un cas de force majeure.

La directive contribue aussi à faire avancer les connaissances et évaluations qualitatives de la biodiversité des cours d'eau et zones humides[2].

Implications financières et légales

Dès 2010, chaque État membre de l'UE devait par une tarification appropriée inciter à économiser les ressources en eau et récupérer les coûts des services liés à l'utilisation de l'eau (dont coûts pour l'environnement et les ressources). Il devra aussi édicter des sanctions effectives, « proportionnées et dissuasives » en cas violation de la directive-cadre.

Une liste de polluants prioritaires (« substances prioritaires ») est inscrite en annexe X de la directive-cadre, qui feront l'objet d'une surveillance particulière.

Prochaines étapes législatives, et perspectives

En 2007, l'UE constatait[3] une « transposition médiocre », une coopération internationale insuffisante (même si elle félicite les avancées pour le bassin du Danube). L'UE déplore aussi une « absence d’analyse économique » qui sont les premières lacunes identifiées.

Par ailleurs, la directive cadre avait reconnu et identifié quatre domaines où il fallait de nouveaux textes législatifs spécifiques :

  • les eaux souterraines (cf. Article 17 de la DCE) : une nouvelle directive sur les eaux souterraines[4] a été adoptée par le Parlement européen et le Conseil.
  • les substances prioritaires ; Substances chimiques polluant principalement les eaux de surface et touchant l'ensemble de l'UE. (cf. article 16 de la DCE) : une proposition[5] de directive relative aux substances prioritaires est encore en cours de négociation en 2007.
  • Les inondations : une proposition[6] de directive concernant l'évaluation et la gestion des inondations est à l'étude en 2007.
  • Le milieu marin : une proposition[7] de directive-cadre sur la stratégie pour la protection du milieu marin est à l'étude.

Dans le cadre de la révision, prévue, de la directive, les résidus de médicaments et perturbateurs endocriniens pourraient faire l'objet d'une attention plus soutenue dans les années à venir.

En février 2012, la Commission a annoncé que 15 nouvelles molécules pourraient bientôt s'ajouter à la liste des 33 polluants prioritaires à surveiller dans les masses d'eau européennes[8] :

Six de ces 15 molécules (dicofol, PFOS, quinoxyfen, dioxines et composés, HBCDD, heptachlore), seront probablement classées « substances dangereuses prioritaires » (leur déversement dans l’eau sera donc progressivement interdit, en 20 ans[8].

Le di(2-ethylhexyl)phtalate et la trifluraline pourraient être reclassés en « substances dangereuses prioritaires »[8]. Enfin, certains de ces polluants devraient être recherchés, non seulement dans l’eau ou les sédiments, mais aussi dans le biote pour évaluer la contamination du réseau trophique, car « Certaines substances très hydrophobes s'accumulent dans le biote et sont presque indétectables dans l’eau, même en utilisant les techniques analytiques les plus avancées »[9],[8].

Évaluations, avancement en France

Conformément à la convention d’Aarhus et à l’article 14 de la D.C.E, le public a été consulté en 2005 sur les « états des lieux » (par bassins). L'élaboration des documents du SDAGE s'est faite, avec en 2008 une consultation (par les comités de bassin) des citoyens. Une consultation devait en 2009 concerner les “ parties intéressées ” (institutions et assemblées).

Début 2009, étaient disponibles[10], en attente d'avis puis validation :

  • le projet de SDAGE 2010-2015,
  • le projet de programme de mesures 2010-2015 et un additif à ces projets,
  • l’évaluation environnementale
  • l’avis du Préfet coordonnateur de bassin sur l’évaluation environnementale
  • la synthèse de l’avis du public.

Le schéma national des données sur l'eau impose la mise à disposition du rapportage[11] de la France, c'est-à-dire des rapports de mise en œuvre des directives européennes dans le domaine de l’eau, sur le site Eaufrance[12] (avec données et synthèses), en même temps qu’ils sont communiqués à l’Europe. Toute la réglementation et divers documents de référence sont aussi consultables sur le site.

Prospective et enjeux de recherche

De nouveaux outils apparaissent comme le barcoding moléculaire et le métabarcoding, la possibilité de filmer de satellite, d'avion ou de drones, ou de filmer sous l'eau ou de faire des analyse automatiques en continu, qui permettront de mieux inventorier la biodiversité aquatique et dépendante des zones humides. En France à partir de 2013, les SRCE (Schéma régional de cohérence écologique) contiennent un volet trame bleue devant permettre aux PLU et SDAU de décliner cette trame aux échelles locales.

Selon Roche et al., parmi les grands enjeux de la directive en termes de recherche, figurent « la compréhension de la dynamique des écosystèmes » (jusqu'au bon état écologique), une meilleure connaissance relative aux eaux souterraines, le développement de l’écotoxicologie et une nouvelle approche de l’économie de l’eau, en termes de services écosystémiques notamment[13].

Notes

  1. Une eau de transition est définie par la DCE comme masse d'eaux de surface à proximité des embouchures de rivières, qui sont partiellement salines en raison de leur proximité d'eaux côtières, mais qui sont fondamentalement influencées par des courants d'eau douce.

Sources

Références

  1. Moss 2003
  2. Argilier et Lepage 2010
  3. Source ; Communication de la Commission au Parlement sur la première étape de la mise en œuvre de la directive 2000/60/CE
  4. Directive 2006/118/CE
  5. Proposition [COM(2006) 397 final du 17 juillet 2006]
  6. COM(2006) 15 final du 18.1.2006
  7. COM(2005) 505 final du 24.10.2005.
  8. a b c d e f g h et i hydroplus info, Directive-cadre sur l'eau ; Quinze molécules rejoindraient la liste des substances dangereuses
  9. Communiqué de presse
  10. Sur les site des Agences de l’Eau, en ligne, à la rubrique consultation institutionnelles
  11. Site du rapportage des données sur l'eau, pour la France
  12. Portail EauFrance, portail du Système d'information sur l'eau (SIE) qui doit faciliter l'accès aux données publiques de l'eau (en France), avec un lien vers le portail européen homologue (dit WISE, système d'information européen sur l'eau)
  13. Roche, Billen et al. 2005, p. 243-267

Bibliographie

  • Directive  2000/60/CE du Parlement et du Conseil établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau, 32000L0060, adoptée le 23 octobre 2000, JO du 22 décembre 2000, p. 1-73 [consulter en ligne, notice bibliographique]
  • Directive  2006/118/CE du Parlement et du Conseil sur la protection des eaux souterraines contre la pollution et la détérioration, 32006L0118, adoptée le 12 décembre 2006, JO du 27 décembre 2006, p. 19-31 [consulter en ligne, notice bibliographique]
  • Directive  2008/105/CE du Parlement et du Conseil établissant des normes de qualité environnementale dans le domaine de l'eau, modifiant et abrogeant les directives du Conseil 82/176/CEE, 83/513/CEE, 84/156/CEE, 84/491/CEE, 86/280/CEE et modifiant la directive 2000/60/CE, 32008L0105, adoptée le 16 décembre 2008, JO du 24 décembre 2008, p. 84-97, entrée en vigueur le 13 janvier 2009 [consulter en ligne, notice bibliographique]
  • Décision  2455/2001/CE du Parlement et du Conseil établissant la liste des substances prioritaires dans le domaine de l'eau et modifiant la directive 2000/60/CE (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE), 32001D2455, adoptée le 20 novembre 2001, JO du 15 décembre 2001, p. 1-5, entrée en vigueur le 16 décembre 2001 [consulter en ligne, notice bibliographique]
  • (en) « Produits chimiques dans l’eau », sur Europa
  • Brian Moss, « The determination of ecological status in shallow lakes — a tested system (ECOFRAME) for implementation of the European Water Framework Directive », Aquatic Conservation: Marine and Freshwater Ecosystems, vol. 13, no 6,‎ , p. 507–549 (lire en ligne)
  • J. G. Wasson, « Les questions de recherche posées par la Directive cadre européenne sur l'eau: problématique pour les eaux de surface continentales », Hydroécologie appliquée, vol. 13,‎ , p. 1-19 (lire en ligne)
  • J. G. Wasson, A. Chandesris, H. Pella et L. Blanc, « Les hydro-écorégions: une approche fonctionnelle de la typologie des rivières pour la Directive cadre européenne sur l'eau », Ingénieries-EAT,‎ (lire en ligne)
  • P. A. Roche, G. Billen, J. P. Bravard et Décamps, Les enjeux de recherche liés à la directive-cadre européenne sur l'eau, vol. 337(1), Comptes Rendus Geoscience, (lire en ligne)
  • Christine Argilier et Mario Lepage, « Suivi des politiques « biodiversité » : que peut-on attendre de la directive cadre européenne sur l'eau en matière de connaissance sur la biodiversité ? », Sciences, eaux et territoires, no 3,‎ (lire en ligne)

Compléments

Articles connexes

Liens externes