Affaire de La Charité-sur-Loire

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L'affaire de La Charité-sur-Loire est la découverte par les Allemands, peu après l'invasion de la France en 1940, de documents révélant les accords militaires secrets entre la Suisse et la France avant la Seconde Guerre mondiale. Les documents auraient été découverts dans la région de La Charité-sur-Loire (Nièvre), mais selon l'historien et militaire Hans Senn, ces documents auraient en fait été trouvés par les Allemands le à Dijon dans un train[1].

La découverte de ces accords mit la Suisse dans une situation gênante ; ces documents, qui prouvaient que le pays ne respectait pas une stricte neutralité, auraient donné l’occasion à l’Allemagne nazie d’exercer des pressions sur les autorités suisses de l'époque.

Origines[modifier | modifier le code]

En dépit de la neutralité officielle de la Suisse, les responsables de l’armée suisse comprirent rapidement l’intérêt de conclure un accord avec la France. D’une part, l’Allemagne nazie était clairement identifiée comme une menace[2]. D’autre part, conscients de la puissance de la Wehrmacht et de certaines lacunes de l’armée suisse[3], les responsables militaires souhaitaient obtenir un soutien de la part de la France. Ces contacts ont été menés sans l'aval du Conseil fédéral, le général suisse Henri Guisan se méfiant des autorités et craignant que les accords ne soient divulgués[4].

Pour leur part, les militaires français avaient de bonnes raisons d'appuyer cette initiative. En prévoyant l’intervention de leurs troupes sur le sol suisse, les généraux français voulaient se prémunir contre une attaque de la Wehrmacht, qui aurait utilisé le territoire suisse pour contourner la ligne Maginot par le sud. Cette option permettait aussi à la France de mener le combat à l'extérieur de son propre territoire[5].

Les premiers contacts entre les deux armées furent établis en 1936. Ces accords secrets prévoyaient, en cas d’invasion allemande, le renforcement des positions de l’armée suisse, grâce à l’arrivée des 6e et 8e armées françaises.

Mise en œuvre des accords[modifier | modifier le code]

Les accords franco-suisses se traduisirent par l’envoi de plusieurs militaires français en Suisse qui seraient chargés de planifier une éventuelle intervention des troupes françaises sur le sol de leur voisin. Pour sa part, l’armée suisse avait formé des officiers de liaison pour conduire les troupes françaises vers leurs secteurs d’engagement. Un détachement fut aussi créé pour couvrir la possible arrivée des soldats français. Enfin, certaines fortifications furent conçues pour pouvoir accueillir l’artillerie suisse et française[6].

Conséquences[modifier | modifier le code]

À la suite de la découverte de ces documents, la position du général Guisan, alors commandant en chef de l'armée suisse, fut affaiblie autant à l’extérieur qu’à l’intérieur du pays. En effet, dès qu’ils furent aux mains des Allemands, les documents en question furent rapidement expédiés à Berlin. Pour Hitler, cet accord pouvait servir de prétexte pour durcir son attitude vis-à-vis de la Suisse. D’ailleurs, Otto Köcher, ambassadeur allemand à Berne, considérait que Guisan et les officiers qui lui étaient proches devaient être éloignés de l’armée[7].

En Suisse, certains officiers supérieurs, dont le commandant de corps Ulrich Wille, tentèrent d’utiliser cette affaire pour évincer Guisan. Wille, qui était chef de l’instruction, fut finalement démis de ses fonctions en 1942[8].

Les accords entre les armées suisse et française furent rendus publics dans les années 1960[9].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. « La première mobilisation générale » dans le Dictionnaire historique de la Suisse en ligne..
  2. Opération Tannenbaum - plan d'attaque « Deuxième Guerre mondiale » dans le Dictionnaire historique de la Suisse en ligne..
  3. « L'armement et les troupes » dans le Dictionnaire historique de la Suisse en ligne..
  4. Jean-Jacques Langendorf et Pierre Streit, Le général Guisan et l'esprit de résistance, Bière, Ed. Cabédita, coll. « Archives vivantes », , 270 p. (ISBN 978-2-882-95580-7) p. 221 s.
  5. Philippe Garraud, « La Suisse n'était pas neutre », L'Hebdo, 16 juin 2010.
  6. L'importance opérationnelle du plateau du Gempen durant la Seconde Guerre mondiale, « Monuments militaires dans les cantons de Soleure, Bâle-Ville et Bâle-Campagne » [archive du ] [PDF], sur www.ar.admin.ch, p. 13-15.
  7. Jean-Baptiste Mauroux, Du bonheur d'être Suisse sous Hitler.
  8. Jean-Jacques Langendorf (préf. Georges-André Chevallaz), La Suisse dans les tempêtes du XXe siècle, Genève, Georg Editeur, , 252 p. (ISBN 978-2-825-70735-7), p. 125-126
  9. Christian Grosse, L'excommunication de Philibert Berthelier : histoire d'un conflit d'identité aux premiers temps de la Réforme genevoise, 1547-1555, Genève, Société d'histoire et d'archéologie de Genève, coll. « Cahiers / Société d'histoire et d'archéologie de Genève » (no 5), , 297 p. (ISBN 978-2-884-42006-8, lire en ligne).

Articles connexes[modifier | modifier le code]