Zarabes

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Zarab (variantes : Zarab ou Z'arabe, « ZARAB ») est le nom donné aux Réunionnais et aux Mauriciens de la communauté musulmane originaire du sous-continent indien et plus spécifiquement du Gujarat. Les Zarabes sont musulmans sunnites, d’obédience hanafite et rattachés à l'école de Déoband en Inde. Cette communauté a préservé bon nombre de ses traditions.

Terminologie[modifier | modifier le code]

Le terme provient du créole réunionnais et de la confusion entre « Arabes » et religion musulmane. Ces Indiens musulmans ont été qualifiés d'Arabes vraisemblablement pour plusieurs raisons. D'une part à cause de leur religion, la communauté créole à l'époque de l'arrivée des premiers musulmans d'origine indienne était peu au fait des réalités géopolitiques. Une seconde confusion conduisit à l'assimilation entre musulmans et Arabes. Par conséquent, les « Zarabes » sont tous musulmans et dans leur majorité sunnites.

Par extension, le mot désigne souvent l’ensemble des musulmans des îles de La Réunion, de Maurice et de Madagascar, quelle que soit leur origine géographique, mais aussi l’ensemble des personnes ayant des traits proches des musulmans d'origine indienne[1]. Le terme de « zarab » est peu courant à l’île Maurice, où l'on trouve également une forte communauté d'origine indo-musulmane. Là-bas on les nomme « Laskar », déformation de l'ourdou « Lashkar ».

Histoire[modifier | modifier le code]

Les indo-musulmans d'origine goujerati se sont établis à La Réunion à partir du milieu du XIXe siècle[2]. Mais dès l’abolition de l'esclavage en 1848, la colonie a recruté en Inde du Sud, principalement dans le Tamil Nadu et un peu au Kerala, des engagés. Si ces engagés étaient majoritairement hindous, une bonne part d'entre eux étaient musulmans, comme l'attestent les noms de famille dans les archives. Cependant les musulmans du Sud de l'Inde de cette première vague, du fait de leur proximité linguistique et culturelle avec leurs compatriotes hindous, furent absorbés dans la masse hindoue, et perdirent leur foi. Ces Indiens originaires du Sud de l'Inde sont appelés malbars à La Réunion.

Les musulmans indiens goujeratis (de l'État du Gujarat, à l'ouest de l'Inde) vinrent donc plus tard. Ils sont surnommés les zarabEs[3]. Les zarabes vinrent à La Réunion, de leur plein gré, établir un flux commercial régulier avec l'île Maurice et surtout La Réunion. Sur place, ils fondèrent des commerces, surtout dans le non-alimentaire (tissus, chaussures, construction, vêtements, etc). Leur entreprise connut un certain succès et le développement économique de la communauté fut rapide. Symbole de leur acceptation par le reste de la population, ils firent inaugurer dès 1905 à Saint-Denis une première mosquée appelée Noor-e-Islam, la première jamais construite sur le sol français (hormis les départements d'Algérie)[4]. L'immigration d'origine indienne cessa dans les années 1960. La Réunion fut longtemps le seul département français à posséder une médersa franco-musulmane.

Une partie des émigrés indo-musulmans, majoritairement chiite celle-là, s'est installée à Madagascar, où on les nomme Karanes[4]. Beaucoup de ses membres durent quitter la grande île quand la guerre d’indépendance éclata. Une partie de cette communauté indo-musulmane chiite s'installa à La Réunion.

En , le conseil municipal de Saint-Denis a débaptisé la rue de l’Est pour lui donner le nom d’« Issop Ravate », le fondateur de la holding du même nom décédé en 2004. Ce bâtisseur réunionnais est une des plus grandes figures contemporaines de la communauté indo-musulmane de l’île. Un choix que revendiquent fièrement le maire de Saint-Denis et tous les habitants de la ville.

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Quelques ouvrages écrits par des Zarabes réunionnais :

  • Indianités par Idriss Issop Banian, 1990. Il s'agit d'un recueil de poésies sur la nostalgie de la terre des origines et l'ancrage dans la nouvelle terre d'accueil. Il y a aussi une belle description poétique de ses souvenirs et de ses sentiments sur la réalité réunionnaise.
  • L'Unité : au cœur du soufisme indien, Centre culturel Pouya. Exposition de photographies extraites du livre d'Ousmane Lambat du au . « L'Unité nous plonge dans l'univers mystique et spirituel de l'inde musulmane à travers la quête mystique et l'itinéraire d'un homme en quête de soi. Fixant par l'objectif de son appareil l'instant de la rencontre de sanctuaires à mausolées, d'endroits célèbres ou méconnus, de visages solitaires imprégnés par la prière et la méditation, Ousmane Lambat partage un carnet de voyage rare. Une œuvre unique et insolite pour préserver la mémoire des maîtres soufis de l'Inde et nous mener dans une quête à la fois profondément personnelle et universelle. »
  • Le Rêve de Babujee, par Abbass Mulla, 2011. Babujee rêve de quitter sa terre natale indienne pour gagner un pays où il pourra mieux vivre. Il visite ainsi en songe un grand nombre de pays et de continents et se trouve fort embarrassé de choisir : « N’y a-t-il pas un pays où je retrouverais un peu de tous les paysages, de tous les climats, et des peuples de toutes les couleurs ? » Et voilà que son rêve devient réalité puisque ce pays existe vraiment : c’est La Réunion ! Un conte porteur d'espoir, et un hommage à la fraternité réunionnaise.
  • Indo-musulmans de La Réunion par Moussa Koulsoum, 1995 : sur l'intégration des Indo-musulmans de La Réunion à travers quelques familles.
  • L'Islam à l'île de La Réunion, par Marie-France Mourrégot, 2010. Une étude sur l'histoire du peuplement de La Réunion par les Zarab(es), leur intégration. Une bonne partie du livre est consacrée aux « ladi lafé » (critiques et règlements de comptes invérifiables sur les uns et les autres).
  • Les Indo-musulmans gujaratis de La Réunion par le Dr Ismaël Daoudjee : Essai sur Histoire des z'arabes de La Réunion, et implication dans la vie réunionnaise, 2004.

Artistes[modifier | modifier le code]

Un certain nombre d'artistes zarab (terme le plus usité, conforme à la graphie créole réunionnaise) émergent ces dernières années : Soleiman Badat (dessinateur, peintre), Ibrahim Mulin (photographe), Abbass Mulla (écrivain et conteur), Idriss Mourouvaye (peintre), etc.

Note[modifier | modifier le code]

  1. Les musulmans de Madagascar, chiites pour la plupart, sont désignés sous le terme spécifiquement malgache de Karanes, (de Quran, le Coran). Ils sont arrivés à La Réunion dans les années soixante. Parmi eux il y a plusieurs sous-groupes chiites (bohras, agha-khanis, khodjas, ismaëliens). Dès leur arrivée leurs relations avec les sunnites réunionnais furent courtoises mais distantes. Aujourd'hui, chiites et sunnites dialoguent plus facilement, proximité culturelle et harmonie réunionnaise aidant…
  2. Marie-France Mourregot, « Ces Réunionnais indiens que l’on appelle « Zarabes » », sur www.histoire-immigration.fr
  3. Annabelle Auberdon, « Archives d'Outre-mer : toute la lumière sur les fêtes tamoules à La Réunion », sur la1ere.francetvinfo.fr,
  4. a et b Marie-France Mourregot, « Ces Réunionnais indiens que l'on appelle « Zarabes » », sur www.persee.fr,

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]