Villa Ahmet-Kapandji

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Villa Ahmet-Kapandji
Présentation
Destination actuelle
Résidence privée
Architecte
Construction
vers 1905
Commanditaire
Ahmet Kapandji
Propriétaire
Iván Savvídis (en) (depuis 2014)
Patrimonialité
Bâtiment protégé en Grèce (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Localisation
Pays
Périphérie
District régional
Dème
Adresse
Coordonnées
Carte

La villa Ahmet-Kapandji (en grec moderne : Βίλα Αχμέτ Καπαντζή) est une villa historique construite au tournant du XXe siècle à Thessalonique, en Grèce. Elle est située au 105 avenue de la Reine Olga (el), dans l'ancien quartier des Campagnes, et appartient actuellement à l'homme d'affaires gréco-russe Iván Savvídis (en).

Histoire[modifier | modifier le code]

L'une des résidences familiales des Kapandji[modifier | modifier le code]

À la fin du XIXe siècle, la grande famille Kapandji a fait fortune dans la banque[1],[2] et l'industrie du textile[3],[4]. Membres de la communauté Dönme, des Juifs convertis à l'Islam au XVIIe siècle, les frères Kapandji sont parmi les fers de lance de l'activité économique, sociale et politique de Thessalonique[5] et les musulmans les plus riches de la ville en 1906[6]. L'aîné, Mehmet (1839-1924)[7], a notamment exercé les fonctions de président de la Chambre de commerce de Thessalonique (el), tandis que le cadet, Ahmet, fut maire de la ville (en) de 1907 à 1908[8],[9].

Au début du XXe siècle[10],[note 1], Ahmet Kapandji commandite une villa dans le quartier prisé d'Hamidiye, alors en pleine expansion, situé hors les murs au sud-est du centre-ville[note 2]. L'édifice est signé par l'architecte italien Pietro Arrigoni (en), qui a réalisé quelques années auparavant une imposante villa (en) 300 mètres plus au sud de l'avenue pour le compte de Mehmet[13],[14]. Yusuf, troisième et dernier garçon de la fratrie de huit enfants, acquiert des parts dans la nouvelle propriété[15],[16].

À la mort d'Ahmet, la propriété revient à son fils Mehmed, commerçant dans le textile et vice-président de l'Association des propriétaires de Thessalonique en 1915[1].

Le partage de la propriété et la mixité des usages[modifier | modifier le code]

En 1926, dans le cadre des échanges de biens entre la Grèce et la Turquie, l'État grec acquiert 65 % de la propriété, tandis que les 35 % restants demeurent entre les mains de Mehmed jusqu'à son décès en 1934[17]. La nationalité serbe de Mehmed[18] permet en effet à ce dernier de ne pas voir ses parts expropriées, stratagème qui ne manque pas de susciter l'indignation dans la presse grecque de l'époque[19]. Entre 1924 et 1934, alors que le premier étage est habité par la famille de Mehmed Kapandji, le deuxième étage abrite un temps le consulat espagnol (1924–1927), tandis que des familles de réfugiés chrétiens d'Anatolie occupent le niveau supérieur[18],[20].

Du rachat par l'État grec à la résidence privée[modifier | modifier le code]

En 1938, l'ensemble de la villa devient propriété de l'État grec, qui la met à disposition de la Croix-Rouge l'année suivante afin d'y installer une école d'infirmières. Durant l'occupation allemande de la Grèce, le bâtiment est utilisé par la Gestapo[17],[20]. À l'issue de la guerre, le bâtiment est à nouveau utilisé par la Croix-Rouge, qui y installe son siège local de 1947 à 1954, avant de se porter acquéreur de l'édifice en 1967[20]. Des services de l'OTAN sont hébergés dans la villa pendant près de vingt ans, de 1954 à 1973[17],[20]. Au cours des cinq années suivantes, le premier étage sert d'entrepôt de la Croix-Rouge, alors que prend place dans les étages une maison de retraite[17].

La demeure est classée monument historique en 1977[21]. L'année suivante, à la suite d'un tremblement de terre (en), le bâtiment endommagé par les secousses est abandonné et occupé par des anarchistes[20]. Entre 1982 et 1985, la bâtisse est partiellement réhabilitée, mais il faut attendre la désignation de Thessalonique comme capitale européenne de la culture en 1997 pour une restauration d'envergure, qui voit les services d'organisation de ce grand événement culturel investir l'édifice. Jusqu'en 2013, la villa abrite l'Organisation pour la réglementation et la protection de l'environnement à Thessalonique, avant d'être vendue à Iván Savvídis (en) l'année suivante[17].

Architecture[modifier | modifier le code]

La villa Ahmet-Kapandji est un exemple du style baroque ottoman et de la tendance éclectique en vogue à Thessalonique à la fin du XIXe siècle[22], comme en témoignent d'autres réalisations environnantes de Pietro Arrigoni, parmi lesquelles la villa Bianca et la villa Modiano (en)[23]. Le monument combine des éléments de l'architecture viennoise de l'époque, mais également Art nouveau, néo-gothiques et néo-arabes[20], avec ses arches mauresques, ses carreaux vernissés espagnols et ses chapiteaux corinthiens[24]. Le traitement du bois dans les parties sommitales et les balcons renvoie aussi à l'architecture des chalets[25]. Le monogramme « AK » (Ahmet Kapandji) est visible sur la façade principale de l'édifice[26].

La bâtisse est composée d'un sous-sol, d'un premier étage de réception et d'un deuxième étage destiné à la vie familiale[27], surmontés d'un grenier[20]. L'intérieur est caractérisé par un riche décor floral et bucolique de fresques et de boiseries[28].

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. La date de construction diffère selon les sources, entre 1893 (soit un an après l'arrivée de Pietro Arrigoni en Grèce[11]) et 1907[12]. Ces divergences trouvent en partie leur explication dans la confusion fréquente entre les villas de Mehmet et d'Ahmet Kapandji.
  2. Le quartier prit le nom populaire de Campagnes (Εξοχές) (Vassilis Colonas 1994, p. 74). L'axe principal, anciennement boulevard Hamidiye, est l'actuelle avenue de la Reine Olga (el).

Références[modifier | modifier le code]

  1. a et b Marc Baer 2010, p. 113.
  2. Costas Lapavitsas et Pinar Cakiroglu 2019, p. 123.
  3. (el) Giánnis Mégas, Vassílis Vassilikós et Dínos Christianopoúlos, Ενθύμιο: από τη ζωή της Εβραϊκής Κοινότητας [« Souvenir : de la vie de la communauté juive »], Athènes, Éditions Kapon,‎ , 192 p. (ISBN 978-960-7254-02-3), p. 79.
  4. Costas Lapavitsas et Pinar Cakiroglu 2019, p. 120.
  5. Marc Baer 2010, p. 35–36.
  6. Costas Lapavitsas et Pinar Cakiroglu 2019, p. 134–135.
  7. Cengiz Sisman 2017, p. 195.
  8. Chrístos Zafíris 2016, p. 165–169.
  9. (el) Déspina Balíta, Ένα κτήριο διηγείται την ιστορία του: Εκπαιδευτικό πρόγραμμα για παιδιά πρώτης σχολικής και σχολικής ηλικίας στη Βίλα Καπαντζή [« Un bâtiment raconte son histoire : Programme éducatif pour les enfants des écoles primaires et secondaires à la villa Kapandji »] (mémoire de diplôme d'enseignant de l'université Aristote),‎ , 92 p. (lire en ligne), p. 27.
  10. Chrístos Zafíris 2016, p. 167.
  11. Vassilis Colonas 2019, p. 153–154.
  12. Michailídou 2018, p. 87.
  13. Vassilis Colonas 2019, p. 154.
  14. (el) Giánnis Epaminóndas, « Βίλα Καπαντζή – ΜΙΕΤ: 120 χρόνια ζωής » [« Villa Kapantzi - MIET : 120 ans d'existence »], Le magazine de la ville de Thessalonique, vol. 23, no 46,‎ , p. 18–25 (ISSN 1108-5452).
  15. Cengiz Sisman 2017, p. 195 et 257.
  16. Marc Baer 2010, p. 114.
  17. a b c d et e (el) Néna Kazantzídou, « Ο Χάρτης της πόλης: Πρώην Έπαυλη Αχμέτ Καπαντζή (νυν Ιβάν Σαββίδη) » [« Le plan de la ville : ancienne villa Kapandji (aujourd'hui Iván Savvídis) »], sur Parallaxi Magazine,‎ (consulté le ).
  18. a et b Cengiz Sisman 2017, p. 257.
  19. Marc Baer 2010, p. 113 et 114.
  20. a b c d e f et g Méropi Anastassiadou, Salonique, 1830-1912 : une ville ottomane à l'âge des Réformes, Brill, , 465 p. (ISBN 978-90-04-10798-4, lire en ligne), p. 131.
  21. (el) « Διαρκής Κατάλογος Κηρυγμένων Αρχαιολογικών Χώρων και Μνημείων της Ελλάδας » [« Liste permanente des sites et monuments archéologiques déclarés de Grèce »], sur listedmonuments.culture.gr,‎ (consulté le ).
  22. Vassilis Colonas 1994, p. 79.
  23. (en) Vasiliki Pachta et Ioanna Papayianni, « The Study of the Historic Buildings of Eclecticism in Thessaloniki Under the Prism of Sustainability », Procedia Environmental Sciences, vol. 38,‎ , p. 283–289 (ISSN 1878-0296, lire en ligne, consulté le ).
  24. Marc Baer 2010, p. 36–37.
  25. Vassilis Colonas 1994, p. 82.
  26. Marc Baer 2010, p. 36.
  27. Vassilis Colonas 1994, p. 75–76.
  28. Chrístos Zafíris 2016, p. 168.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • (en) Marc Baer, The Dönme: Jewish converts, Muslim revolutionaries, and secular Turks, Palo Alto, Stanford University Press, , 332 p. (ISBN 978-0-8047-6867-2, lire en ligne). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • (en) Ersí Brouskarí, Ottoman architecture in Greece, Athènes, Hellenic Ministry of Culture, Directorate of Byzantine and Post-Byzantine Antiquities, , 494 p. (ISBN 978-960-214-793-1), p. 255.
  • (en) Vassilis Colonas, « Italian architects in Thessaloniki: new elements about the work of Vitaliano Poselli and Pietro Arrigoni », dans Paolo Girardelli et Ezio Godoli, Italian architects and builders in the Ottoman empire and modern Turkey: Design across borders, Newcastle upon Tyne, Cambridge Scholars Publishing, , 284 p. (ISBN 978-1-5275-2723-2, lire en ligne), p. 149–160. Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • Vassilis Colonas, « L'architecture résidentielle de Thessalonique (1885-1912) », Environmental Design: Journal of the Islamic Environmental Design Research Centre, Rome, Dell’oca, nos 1-2,‎ , p. 74–83 (ISSN 0393-5183, lire en ligne). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • (en) Costas Lapavitsas et Pinar Cakiroglu, Capitalism in the Ottoman Balkans: Industrialisation and modernity in Macedonia, Londres, Bloomsbury Publishing, , 312 p. (ISBN 978-1-78831-659-0, lire en ligne). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • (el) Ioánna-Kleanthoúla Michailídou, Δημιουργία δικτυακού τόπου για τα ιστορικά κτήρια της Θεσσαλονίκης [« Création d'un site internet pour les bâtiments historiques de Thessalonique »] (mémoire de licence de l'université Aristote),‎ , 113 p. (lire en ligne [PDF]), p. 87. Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • (de) Rena Molho et Vilma Hastaoglou-Martinidis (trad. de l'anglais par Philipp Haugwitz), Jüdische Orte in Thessaloniki : ein historischer Rundgang, Cologne, Romiosini, , 88 p. (ISBN 978-3-929889-90-1), p. 49.
  • (en) Cengiz Sisman, The Burden of silence: Sabbatai Sevi and the evolution of the Ottoman-Turkish Dönmes, Oxford University Press, , 430 p. (ISBN 978-0-19-069856-0, lire en ligne). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • (el) Chrístos Zafíris, Η Θεσσαλονίκη των Εβραίων. Ιστορία, κοινωνία, μνημεία [« La Thessalonique des Juifs. Histoire, société, monuments »], Musée juif de Thessalonique, Épicentre,‎ , 212 p. (ISBN 978-960-458-670-7), p. 165–169.

Articles connexes[modifier | modifier le code]

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