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Le ballon cubique de la coupe du monde[modifier | modifier le code]

Étienne Ghys, mathématicien et vulgarisateur, a déclaré le 12 juin 2014 que le ballon de la Coupe du monde de football 2014, le brazuca, est en fait, un cube![1]

Fabrication d'un ballon de football[modifier | modifier le code]

Pour fabriquer un ballon de football, il suffit de découper un certain nombre de pièces (anciennement en cuir et maintenant en polyéthylène) et de les coudres ou des coller pour fabriquer une balle la plus sphérique possible. À l'intérieur, on gonfle une chambre à air, dont la pression améliore la rotondité du ballon. Les pièces sont découpées dans un matériau plat. Peut-être que pour la Coupe du monde de football 2018, on pourra fabriquer directement des pièces sphériques, mais cela ne semble pas encore le cas.

La première idée est de fabriquer un polyèdre, obtenu en recollant des polygones. On comprend bien que pour que le polyèdre « ait l'air le plus rond possible », il faut qu'il y ait beaucoup de faces, les plus petites possible. On comprend également que l'agencement de ces faces doit être le plus régulier possible, le plus symétrique possible. Un bon ballon, bien rond, doit paraître identique quel que soit l'endroit d'où on l'observe.

On sait depuis Platon qu'il n'y a que cinq polyèdres réguliers: le tétraèdre, le cube, l'octaèdre, le dodécaèdre et l'icosaèdre, ayant respectivement 4,6,8,12 et 20 faces.

On s'est donc initialement orienté vers celui qui a le plus de faces : l'icosaèdre avec ses 20 faces qui sont des triangles équilatéraux. Pour améliorer encore la rotondité, on peut essayer de «couper les pointes» : on dit qu'on tronque l'icosaèdre. Pour chaque sommet, imaginez les plans perpendiculaires au rayon qui le joint au centre. Lorsque ce plan est proche du sommet, il coupe l'icosaèdre sur un petit pentagone et les faces triangulaires sont devenues des hexagones (dont trois côtés sont petits). Quand le plan se rapproche progressivement du centre, les petits côtés des hexagones augmentent : il arrive un moment où les hexagones et les pentagones deviennent tous réguliers. C'est la forme traditionnelle du ballon de football : un icosaèdre tronqué avec 20 faces hexagonales et 12 faces pentagonales.

Icosaèdre tronqué

Les origamis courbes : des faces qui ne sont pas nécessairement planes[modifier | modifier le code]

Le ballon standard (icosaèdre tronqué) est formé de polygones plans que l'on recolle sans les déformer ni les tordes. Quand on gonfle les ballons, ils se tendent et prennent une forme sphérique. Pour le brazuca, les pièces à assembler sont également planes, mais seront «pliées» au moment de l'assemblage, puis à nouveau tendues au moment du gonflage.

Lorsqu'on découpe un morceau de papier, on peut le déformer dans l'espace de nombreuses manières, sans le déchirer. En géométrie, on parle de surfaces «développables».[2] En voici un exemple :


On peut donc imaginer des polyèdres dont les faces ne sont pas des polygones plans, mais des surfaces développables, qu'on peut donc découper dans du papier avant l'assemblage.

Un théorème de Alexander-Pogorelov[modifier | modifier le code]

Commençons par un exemple simple. Un domaine est convexe si le segment qui joint deux quelconques de ses points est entièrement contenu dans le domaine. Considérez maintenant deux domaines convexes dans le plan et dont les frontières ont la même longueur. Découpez les domaines dans du papier, choisissez un point sur le bord de chacun d'entre eux, et recollez ces points. Ensuite, avec une bande adhésive, ou de la colle, vous continuez à recoller les bords des deux domaines. Il a été montré dans les années 1970 que vous pouvez toujours continuer à coller et faire tout le tour, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de moment où des plis se font à la jointure, vous empêchant de continuer. Vous allez donc fabriquer un objet dans l'espace qui se trouve être convexe dans l'espace.[3] L'objet construit est constitué de deux surfaces développables recollées sur leur bord.

Encore mieux, au lieu de partir de deux domaines, vous pouvez, par exemple, partir de six domaines convexes que vous pensez comme les «faces carrées» d'un cube. Sur les bords de chacun de ces domaines, vous choisissez quatre points, que vous pensez comme les sommets du «carré». On suppose que les quatre «coins» que vous avez choisis sont en effet des coins, c'est-à-dire que les domaines présentent des angles en ces sommets.

Vous supposez que les longueurs de toutes les «arêtes courbes» sont les mêmes, vous prenez votre bande adhésive et vous recollez, comme pour faire un cube. De plus, il faut encore une hypothèse : chaque sommet d'un cube est commun à trois faces. Il faut que la somme des trois angles correspondants soit inférieure ou égale à 360 degrés.

Le théorème de Alexandrov-Pogorelov garantit que, sous ces hypothèses, ça fonctionne! Vous fabriquez une espèce de cube, dont les arêtes sont courbes,dont les six faces sont développables et non nécessairement planaires.

Encore plus fort! Il n'est pas nécessaire pour pouvoir appliquer le théorème que les domaines soient convexes. La condition importante est que lorsqu'on recolle deux points, la somme des deux courbures des deux domaines en chacun des points de contact soit positive.[4] En termes moins précis, il faut recoller une concavité avec une convexité plus forte.

Fabrication du brazuca[modifier | modifier le code]

Le brazuca est fabriqué en appliquant le théorème de Alexandrov-Pogorelov. Voici les six faces «carrées» qu'on recolle pour fabriquer un «cube sphérique».


Notez que chaque pièce a en effet quatre «coins» qu'on voit en noir. L'angle en chacun de ces coins est 120 degrés. Voici comment on assemble les six surfaces développables :


Ici on voit un «sommet» du cube : trois faces s'y rejoignent, comme il se doit dans un cube. Il y a six faces recollées et huit sommets. À noter que les trois angles de 120 degrés font un total de 360 degrés, soit un tour complet, si bien que le brazuca ne présente pas de «sommet pointu», comme c'est le cas du cube ordinaire.


William Thurston, la haute couture et l'octaèdre[modifier | modifier le code]

De manière étonnante, en même temps que les ingénieurs de Adidas concevaient le brazuca, le grand mathématicien William Thurston parvenait à la même idée, par une autre voie. Thurston, comme beaucoup de géomètres du passé, était intéressé par la manière de découper des vêtements pour recouvrir la surface du corps humain! Dans l'un de ses derniers articles, en collaboration avec Kelly Delp, une mathématicienne de l'Université Cornell, il explique ses idées et ses échecs. En bon mathématicien théoricien, il s'est amené à supposer que la surface qu'il s'agit d'habiller est parfaitement sphérique!(vache sphérique) Il part de l'octaèdre et cherche la forme à donner aux faces triangulaires pour que l'objet obtenu soit le plus sphérique possible. Voici les huit «triangles» qu'il propose.


Et voici le résultat. On peut constater que son résultat est très proche du brazuca.

  1. [1],Article sur le ballon cubique de la coupe du monde.
  2. [2]
  3. [3],Pogorelov, Extrinsic geometry of convex surfaces, 1973, malheureusement pas en accès libre sur internet.
  4. [4],On parle de la courbure d’une courbe.