Utilisateur:Roland45/Brouillon31

Une page de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Procession de Neuf lieues
Type Procession religieuse

La procession de Neuf lieues est une procession religieuse qui a lieu chaque lundi de Pentecôte au départ et autour de Magnac-Laval (Haute-Vienne). Elle participe du culte de saint Maximin de Trèves sur un parcours de neuf lieues gasconnes, soit environ 54 kilomètres, traversant neuf communes et quasiment inchangé depuis la fin du XVIe siècle.

Description[modifier | modifier le code]

Parcours de la procession de Neuf lieues.

La procession des Neuf lieues a lieu à Magnac-Laval et traverse les neuf paroisses voisines depuis la fin du XVIe siècle, le lundi de Pentecôte, neuf jours après une autre procession, beaucoup plus courte, la procession de la Lieue[1].

Déroulé de l'événement[modifier | modifier le code]

Après une messe célébrée à minuit en l'église de Magnac-Laval, un cortège se met en route pour faire un circuit de neuf lieues, soit environ 54 km, qui se termine vingt heures plus tard à son point de départ. La bannière verte de saint Maximin, à laquelle est dédiée la procession, est en tête du cortège, suivie par les processionneurs, tandis que la croix et le chœur des chantres accompagnent le prêtre à l’arrière[2].

L'itinéraire comprend 48 arrêts devant des croix[3],[4], toutes parées de verdure et de fleurs. Le nombre de ces croix a varié dans le temps. A l'origine, l'itinéraire en comptait trente-deux, puis quarante-trois et enfin quarante-huit depuis 1843. Dans ce nombre vingt-neuf sont établies et entretenues par les soins des paroisses concernées[5].

La première station est la croix Billard. C'est le lieu de la première bénédiction, pour toutes les couronnes, dont celle de la croix processionnelle qui a été renouvelée avant la messe de minuit. C’est la croix qui indiquait la sortie de la ville médiévale. L’officiant à l’aide de la croix de procession, réalise un triple signe de croix, devant, à gauche et à droite. Cette bénédiction est reprise sur chacune des stations de prières suivantes. Les personnes ayant décoré la croix, gens du voisinage et bien d’autres, sont présents derrière la croix et tous observent le silence requis[6]. Deux haltes sont prévues respectivement à Faye pour le petit-déjeuner et à Sejotte pour le déjeuner, organisé par l'Association Saint-Maximin, aidée de bénévoles[7]. La troisième partie, entre Séjotte et l'arrivée à l'église, est considérée par tous comme la plus difficile, du fait qu'elle traverse des champs argileux[8]. En fin de parcours, devant la Croix de Sirvenon, située à deux kilomètres de l'église, la population attendait le retour de la procession dans une ambiance de fête foraine, aujourd’hui disparue, ainsi que les batailles rituelles de jeunes qui voyaient s’affronter les Dorachons contre les Magnachons. Le chanoine Bertrand[Note 1] aidé du chanoine Dufour[Note 2], ont fait cesser ces affrontements qui s’exprimaient au passage de la procession[9]. Depuis la fin de la procession est plus cérémoniale. La statue de saint Maximin, apportée à Sirvenon depuis l'église où elle se trouve de manière permanente, ouvre le cortège sur les épaules de quatre porteurs. Le ou les prêtres ont vêtu leurs vêtements sacerdotaux et les membres de la confrérie de Saint Maximin leur écharpe verte à liseré blanc. Le long des derniers kilomètres, une foule dense et chaleureuse accueille les processionneurs, témoignant de l’importance de cette tradition pour Magnac-Laval et les communes qui l’entourent. La Procession se termine par une bénédiction du Saint-Sacrement111, suivie de la remise des médailles d’or couronnant trente processions accomplies[10].

Faire la procession[modifier | modifier le code]

L’accomplissement total du rituel de la procession de Neuf Lieues, consiste à assister à tous les offices du week-end, de commencer et de finir le circuit de la procession en l’église paroissiale. Il est possible de composer avec ces éléments et de se limiter à ne faire qu’une portion du circuit processionnaire, d’autres commencent la procession à son passage devant leur propriété, domicile... Il n’y a pas de règle. Pour de nombreux Magnachons, faire la procession se limite à aller la voir au passage d’une croix, à l’accompagner en voiture tout du long...[11]. Les processionneurs qui ont effectué tout le parcours reçoivent symboliquement une médaille. Médaille souvenir pour la première fois, palme pour la troisième puis médailles particulières pour les cinq, vingt, trente et cinquantième processions[2]. En 2023, deux processionneurs ont atteint le nombre de 50.

Ritualité[modifier | modifier le code]

Si le droit canonique est formaliste par nature, le liturgiste Jean Évenou reprend les grandes lignes du canon et définit la procession comme « une assemblée liturgique en marche. Les éléments permanents d’une procession sont le rassemblement en un lieu de la communauté locale autour de son pasteur, un cheminement ordonné, accompagné de prières et de chants, à la suite de la croix, en direction d’un autre lieu qui en est le but spatial fixe »[12].

Dans les processions, les croix, ainsi que les bannières, sont employées dans une logique de représentation des différentes paroisses catholiques. Mais à Magnac-Laval, la croix de tête a été remplacée par une bannière[13].

Les reliques du saint manifestent la présence réelle du fondateur à l’instar de l’eucharistie manifestant la présence réelle du corps du Christ. Dans la quasi-totalité des cas, ce sont elles qui sont circumambulées, sur les épaules d’hommes ou sur un char. Dans le cas de Magnac-Laval, les reliques ont été remplacées par la statue du saint fondateur, compensant l’absence des dites reliques[13].

Les chants, font partie intégrante de la liturgie et suivent de fait le canon catholique en vigueur. Là encore des variantes sont observables. En France, l’office de la Pentecôte chanté en grégorien résiste à Magnac-Laval, alors que l’usage du latin a été remplacé depuis Vatican II par celui de la langue vernaculaire, soit le français pour la France et la Wallonie région francophone de Belgique[14].

Caractéristiques du circuit[modifier | modifier le code]

Longueur[modifier | modifier le code]

L’évaluation de la longueur du circuit varie suivant les auteurs : sept à huit myriamètres en 1842[15], soixante km en 1872 [16], quarante-six km en vers 1899[Note 3], cinquante-quatre km en 1903[17] ; cette dernière mesure, la plus juste a été effectuée à la chaîne d’arpenteur par le chanoine Dufour et le résultat de son travail est intégré dans l’édition du Recueil des prières de 1903. Les auteurs contemporains s’y sont référés systématiquement, ne tenant pas compte des « relatives » modifications du circuit entre les croix. On peut évaluer la distance totale du circuit dans une fourchette pouvant varier de 50 à 54 km, ce qui nous donne une valeur approximative de la lieue magnachonne entre 5,55 et 6 km. Cette valeur de lieue correspond en fait à la lieue marine de 5,556 km, 3’ de longitude terrestre[18].

Forme du tracé et alignements remarquables[modifier | modifier le code]

Limaçon de Pascal[modifier | modifier le code]

Le circuit de la procession de Neuf Lieues est particulièrement singulier, tant par sa longueur exceptionnelle d’une cinquantaine de kilomètres effectués en moins d'une journée, par son important nombre de stations de prière que par la forme de son circuit circumambulatoire en forme de limaçon de Pascal, une courbe plane fermée présentant éventuellement un point double, obtenue en traçant le mouvement décrit par un point d'un disque roulant (sans glisser) sur un cercle. La courbe a été étudiée par Gilles Personne de Roberval vers 1640-1650, donc postérieurement à la date porésupposée de la procession. De même le circuit s'écarte sensiblement du tracé formel de la figure géométrique, néanmoins il possède un axe orthonormé ayant pour centre l’église de Magnac-Laval et pour axe horizontal les deux croix de paroisse du Dorat (Montgomard) et de Dompierre (Ayres) dédiées à saint Pierre, fêté le 29 juin, et pour axe vertical les deux croix de paroisse de Droux (Martyrs) et Lussac-les-Églises (Graulde) dédiées à saint Martial, fêté le 30 juin[19].

Alignements remarquables[modifier | modifier le code]

Lors de la rentrée en ville, le soleil couchant accompagne la fin de la procession, la statue dorée du saint apparaissant alors nimbée d'un halo solaire pour les spectateurs attendant près de l’église. Ceci est dû à la conjonction de l'orientation est-ouest de l'église et de la voie qui y accède avec la date de l'événement. À la date du lundi de Pentecôte, soit la période du 12 mai au 15 juin, le Soleil se couche dans l’axe ouest de l’église, recoupant Chercorat au croisement du circuit[20].

Circumambulation sénestrogyre[modifier | modifier le code]

Le circuit est parcouru dans le sens contraire aux aiguilles d'une montre, une disposition exceptionnelle dans le monde indo-européen, sauf peut-être dans le Limousin, où de nombreuses Ostensions et dévotions aux saints se font le plus souvent à main gauche[20]. Cette circumambulation sénestrogyre est vécue comme normale, sans valeur négative ou positive, alors qu’elle est généralement associée dans la Bible à une bipolarité positif-négatif induisant un monde dual ; une dualité omniprésente dans les pratiques populaires[21].

Hypothèses sur l’origine de la procession[modifier | modifier le code]

Dans les différents essais historiques sur l’origine de la procession de Neuf Lieues les théories savantes ont évolué, se démarquant de la tradition orale, populaire.

Date originelle[modifier | modifier le code]

Le rédacteur, anonyme, de l'introduction du Recueil des prières qui se chantent pendant la procession de Neuf Lieues que l’on fait tous les ans Le Lundy de la Pentecôte à Magnac-Laval en Basse-Marche de 1753, remarque juste que « Cette procession dont l’établissement est très ancien, & que Monseigneur l’Évêque247, qui en a si sagement aboli tant d’autres, dans les cours de ses Visites, n’a point désapprouvée, se fait régulièrement le Lundi de la Pentecôte »[22]. Le chanoine Bertrand et Pierre Charrier ignorent quant à eux la tradition orale et proposent dans leur opuscule de 1956 une origine historique avec une date proche de la création des Ostensions limousines (1517-Limoges ; 1652-Le Dorat) à la fin du Moyen Âge, retenant 1591, année de la création d'une cure communautaire à Magnac[23],[24].

Tradition orale : culte de Saint-Maximin[modifier | modifier le code]

La tradition orale retient un récit relativement classique présentant l’affrontement de deux saints patrons pour la création de leur paroisse : Saint Maximin pour la paroisse de Magnac et Saint Martin pour la paroisse de Dinsac. Ce motif sert à expliquer des paroisses contiguës de tailles différentes[25].

Récit fondateur[modifier | modifier le code]

On doit à René d’Abadie la plus ancienne transcription en 1956 de la tradition orale locale de saint Maximin. Saint Martin et saint Maximin passent la nuit près d’un « très vieux chêne au pied duquel sourd un filet d’eau qui forme une petite mare entourée d’herbe. Cet arbre est connu sous le nom de Chêne de saint Maximin »[26].

« Ils avaient même décidé de consacrer la journée suivante à parcourir cette riante contrée qui leur plaisait à tous deux pour s’y délimiter chacun une paroisse dont ils deviendraient les patrons protecteurs.
Or, il arriva que saint Maximin, s'étant éveillé bien avant que le jour parût et sans doute d’heureuse humeur, emplit à la petite source les sabots […] de saint Martin ; puis le laissant endormi, il partit d’un pas alerte délimiter sa paroisse. Saint Martin, recru de fatigue, prolonge son sommeil sans se douter du tour que vient de lui jouer son ami. Lorsque tard dans la soirée saint Maximin, après avoir parcouru le long trajet que nous faisons chaque lundi de Pentecôte, revint à son point de départ, il ne trouva pas son compagnon sous le vieux chêne. Le pauvre, éveillé vers midi seulement, contraint de porter à la main ses sabots tout pleins d’eau, n’avait pu se tracer que les limites d’une toute petite paroisse : Dinsac, limitrophe de Magnac-Laval. C’est à Dinsac, ajoute la légende, que saint Martin finit d’égoutter ses sabots et aussitôt de la terre imprégnée une source jaillit miraculeusement. »

Bien que le légendaire arbre de saint Maximin ait disparu sans susciter d’émoi, le contournement imposé de la maison de Pézard, à cet endroit, a généré une rumeur collective, témoignant par là l'appropriation populaire sélective des éléments légendaires du circuit[27].

Saint Maximin[modifier | modifier le code]

Saint Maximin a été, de 330 à 346, évêque de Trèves, l’une des capitales de l’Empire romain et l’un des lieux de résidence de l’empereur Constantin puis de ses fils. Au-delà de sa charge à la tête de cet important diocèse, il s’est illustré dans la lutte contre l’arianisme, doctrine hérétique fondée par le théologien Arius remettant en cause la nature divine du Christ. Les partisans de cette doctrine connurent de nombreuses victoires, comme l’éviction de l’évêque Athanase de son diocèse d’Alexandrie, autre capitale de l’Empire. Maximin accueillit Athanase à Trèves, témoignant ainsi de sa loyauté, son courage et son sens de la charité. Il co-préside avec Ossius de Cordoue le concile de Sardique en 343, qui marquera le début du déclin de l’arianisme[28]. Il meurt en 352.

Des documents authentiques confirment que c’est sous le règne de Charlemagne, en 770, qu’est institué le Prieuré de Magnac dédié à Saint Maximin. Dans un diplôme de Louis et Lothaire son fils, il est dit que l’église de Saint-Mesmin d'Orléans a dans le pays du Limousin, l’église Magniacus (Magnac). L’acte est daté vers 827, indication 14 des calendes de mars, la 24e année de l’empire de Louis le Débonnaire. En 1022 Magnac ne dépendait plus de Saint-Mesmin de Meung, du moins il n’en est fait nulle mention dans l’énumération des possessions de ce monastère, ni dans la bulle de 1258 où en sont détaillés tous les bénéfices. En 1011 l’église de Magnac dépendait de l’abbaye de Charroux. Le patron qui est Saint Mesmin est celui du monastère de Meung. Dans la suite SaintnbMesmin est remplacé par Saint Maximin de Trêves, son frère. On a donc la certitude que ce n’est qu’après l’année 1011 que l’église de Magnac est donnée à l’abbaye de Charroux[29].

Hypothèse fonctionnaliste : culte au Saint-Esprit ?[modifier | modifier le code]

René d’Abadie, biologiste de formation, propose une hypothèse fonctionnaliste de la genèse de la procession. Il ne voit dans les ressemblances avec le rituel et les prières des Rogations qu’une analogie ; la date du lundi de Pentecôte lui suggère l’influence du culte au Saint-Esprit, par la lutte historique de saint Maximin contre l’arianisme250 et par l’étymologie de Pentecôte qui était la fête juive de la moisson « on arrive à concevoir plusieurs raisons d’être de la procession de Neuf Lieues à cette date du Lundi de la Pentecôte ».

Hypothèse de la neuvaine[modifier | modifier le code]

Louis Bonnaud soutient que « la procession de Neuf Lieues, pourrait sous-entendre l’idée d’une neuvaine, prières et actes de dévotion renouvelés pendant neuf jours pour l’obtention d’une grâce particulière. La distance exceptionnelle à couvrir en une journée équivaudrait alors à neuf trajets limités »[24]. La récurrence du chiffre neuf, dans la titulature, le nombre de lieues, le nombre de jours la séparant de la procession de la Lieue est facilement visible. Le chiffre neuf représente le cycle parfait du nombre trois multiplié par lui-même, c’est un chiffre divin. Il est présent également dans la triple bénédiction épiscopale des croix fleuries : 3 x 3. Il est aussi associé à la gestation humaine des neuf mois de la grossesse, symboliquement réduit aux neuf jours d’errance de la déesse grecque des moissons Déméter à la recherche de sa fille Perséphone enlevée par Hadès. Selon Hascouët, il est apparent dans les trois périodes et trois étapes de la procession : la première entièrement de nuit, les deux autres de jour. Les liens symboliques du neuf avec les gestations humaine et végétale sont nombreux, suggérant leur implication primitive lors du développement du rituel[30].

Hypothèse d’un héritage de l’Antiquité[modifier | modifier le code]

La région de Magnac-Laval possède un riche passé archéologique gallo-romain, dont de nombreux éléments sont visibles au musée lapidaire situé dans l'enceinte de l’ancien hôpital de Magnac-Laval. S’y trouvent de nombreuses urnes cinéraires antiques, ainsi qu’une petite statue, d’un mètre de haut, d’un Jupiter ou Taranis, dieu debout tenant une roue découverte dans la commune de Dompierre-les-Églises[24].

Dans l’antiquité gallo-romaine et romaine, au printemps, durant la floraison végétale, plusieurs Fêtes étaient associées au développement et à la protection des cultures : les Cerealia le 19 avril, en l'honneur de Cérès et destinées à activer les forces créatrices de la Terre, repoussant la rouille des céréales, que l’on conjure le 25 avril lors des Robigalia. Ces fêtes agraires pouvaient varier suivant les régions en lien avec la date de floraison. À ces cérémonies spécifiques se déroulait le rituel processionnaire des Ambarualia, lustrations autour des terres cultivées. Comme pour toute fête agraire, elle se déroulait à la fin du Printemps, le 29 mai,lui donnant l’orientation liturgique, proche de celle des Rogations chrétiennes, au moins pour les bénédictions « Aux fruits de la Terre » accomplies aux croix.

Dans les Géorgiques de Virgile, évoquant le culte rustique de Cérès, lors des Cerealia et des lustrations des Ambarualia, de nombreux détails étonnamment proches de la manifestation contemporaine des Neuf Lieues peuvent être constatés.

Lustration des Ambarualia Procession de Neuf Lieues
Les couronnes de chênes Les couronnes, en forme de colliers, de fl eurs de la procession.
Cris de joie et clameurs invoquant Cérès Clameurs Sante Maximine Ora Pro Nobis.
Lait et vin doux de Bacchus Consommation de mijot, soupe froide sucrée à base de vin, revigorante.
Déroulement après les Robigalia Déroulement après les Rogations. Le lundi de la Pentecôte, cérémonie agraire dans l’Ancien Testament.
Célébration des rites au milieu du blé en herbe Passage de la procession dans les blés en herbe ayant valant comme bénédiction du saint protecteur.

Historique[modifier | modifier le code]

Le chanoine J. Bertrand, doyen de la paroisse de 1930 à 1950 puis aumônier de l’Hôpital Beauséjour de la ville, a conduit des recherches minutieuses sur l'histoire de la procession et la riche vie de saint Maximin.

Alors que les processions dans la région remontent au Ve siècle, compte tenu de la prééminence de la dévotion à saint Maximin et du rayonnement du Prieuré Saint Maximin institué en 770 à Magnac (nom de la ville jusqu’en 1758), il y a tout lieu de penser qu’une procession lui était alors consacrée. Le chanoine Bertrand retient, pour l’institution de la Procession dans son parcours actuel, l’année 1591, « entre la reconstruction de l’église marquant l’institution de la Cure communaliste Saint Maximin en 1589 » et « la cessation des guerres de religion en 1598 ». Il établit en effet le lien entre la mission de la Cure de Magnac de porter assistance aux paroisses voisines, plus fragiles devant l’« hérésie », et l’itinéraire de la Procession qui les traverse[31].

Depuis cette date, elle a eu lieu tous les ans sans aucune exception, y compris dans les périodes les plus difficiles. Pendant la Révolution notamment, où les églises étaient fermées, les processionneurs ont maintenu la tradition en commençant le trajet devant le porche de l’église. Selon certains témoins, seuls deux ou trois processionneurs étaient présents certaines fois entre 1914 et 1918. Plus près de nous, en 2021 en raison du couvre-feu auquel aucune dérogation n’a été possible, la première partie, qui se déroule la nuit et prend normalement fin au petit-déjeuner, a été avancée au dimanche de la Pentecôte afin qu’il n’y ait pas de marche de nuit, la deuxième partie ayant eu lieu aux heures habituelles le lundi.

L’itinéraire, peu modifié depuis que des cartes existent, est proche du périmètre de la commune de Magnac-Laval.

Il suit par endroits d'anciennes voies gallo-romaines invisibles aujourd'hui parce que situées dans des parcelles agricoles et des résidences que les agriculteurs et habitants ont à cœur de dégager pour la circonstance.

Sociologie[modifier | modifier le code]

L'étude de processions bretonnes étendue à d'autres processions [32]apporte plusieurs éclairages sur la procession de Neuf lieues.

  • Le parcours est renforcé par les repères mytho-géographiques que sont l'arbre (disparu) et le trou de Saint Maximin ainsi que la pierre du Diable,
  • Son orientation géométrique, vraisemblablement héritée de l'époque gallo-romaine, fait que le coucher du soleil dans la période de la Pentecôte est synchronisé avec la rentrée de la statue dorée du saint dans l’église en fin de procession,
  • Les marqueurs, à savoir les croix fleuries, la bannière, la croix proche du prêtre, les couronnes portées par les processionneurs sont autant de signes d'identification qui rassemblent,
  • La procession est une des rares à inclure une partie nocturne,
  • Cette partie nocturne a donné lieu à des abus d'alcool, comme en 1811 où le curé-doyen de Magnac-Laval Pierre du Puy-Ferrat dut prendre des mesures,
  • La vitalité de la procession bénéficie de celle de la confrérie de saint Maximin.

Saint Maximin[modifier | modifier le code]

Biographie[modifier | modifier le code]

Saint Maximin a été, de 330 à 346, évêque de Trèves, l’une des capitales de l’Empire romain et l’un des lieux de résidence de l’empereur Constantin puis de ses fils. Au-delà de sa charge à la tête de cet important diocèse, il s’est illustré dans la lutte contre l’arianisme, doctrine hérétique fondée par le théologien Arius remettant en cause la nature divine du Christ. Les partisans de cette doctrine connurent de nombreuses victoires, comme l’éviction de l’évêque Athanase de son diocèse d’Alexandrie, autre capitale de l’Empire. Maximin accueillit Athanase à Trèves, témoignant ainsi de sa loyauté, son courage et son sens de la charité. Il co-présidera avec Ossius de Cordoue le concile de Sardique en 343, qui marquera le début du déclin de l’arianisme[33].

Sa première biographie, écrite plusieurs siècles après sa mort et ne recueillant pas l’unanimité chez les historiens, le voit naître dans une famille aristocrate de Mouterre-Silly (Poitou). Brillant et aisé, Maximin va étudier les lettres dans une des meilleures écoles publiques de l’Empire romain : celle de Trèves. Alors que son niveau d’instruction aurait pu le mener à de hautes fonctions dans l’administration, il choisit d’entrer dans les ordres. Remarqué par l’évêque Agrice de Trèves (de), il lui succède à son décès en 330. Il mourut en 346 dans le Poitou. Son successeur fut saint Paulin, qu’il avait lui-même ordonné prêtre[34].

Saint Maximin et Magnac-Laval[modifier | modifier le code]

Selon l’hagiographe de saint Maximin, en apprenant la mort de leur évêque, les fidèles de Trèves décidèrent d’aller chercher sa dépouille en Poitou, ce qu’ils firent à l’insu de ceux qui en avaient la garde. Les Poitevins, mécontents de cet enlèvement, les ont poursuivis et rejoints « après trois jours de marche » à Magnac.

Un miracle a alors permis un accord entre les deux groupes et la décision divine du retour du corps à Trèves, où il fut inhumé cérémonieusement.

Les reliques connurent ensuite une histoire mouvementée. L’église de Magnac en reçut plusieurs au XIVe siècle. Elles furent « élevées » (c'est-à-dire présentées au cours d’une cérémonie) en 1659. Depuis 1897, elles reposent dans un reliquaire exposé en tête de cortège de la courte procession des Remparts qui a lieu après la grand-messe de la Pentecôte.

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Le chanoine Bertrand a été curé-doyen de Magnac-Laval de 1930 à 1950.
  2. Le chanoine Dufour, originaire de Magnac-Laval, a été aumônier des soeurs Marie-Joseph au Dorat de 1896 à 1952.
  3. Paroisse de Magnac-Laval (Haute-Vienne) - Itinéraire de la procession de Neuf Lieues en l’honneur de Saint Maximin, Patron de la Paroisse, Pamiers Impr.Ve Galy, s.d. [vers 1899] ; Pierre-Eugène Rougerie né en 1892, curé-doyen de Magnac-Laval de 1872 à 1877. ADHV BR3085. Les distances proposées sont fantaisistes et irrégulières suggérant une mesure au nombre de pas.

Références[modifier | modifier le code]

  1. Les troménies bretonnes... - Tome I, p. 258
  2. a et b Michelle Majorelle, « Les marcheurs de saint Maximin », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  3. La Procession de Neuf lieues, p. de couverture
  4. Les troménies bretonnes... - Tome III, p. 810
  5. Saint Maximin et son culte, p. 20.
  6. Les troménies bretonnes... - Tome I, p. 260
  7. Les troménies bretonnes... - Tome I, p. 261
  8. Les troménies bretonnes... - Tome I, p. 262
  9. Les troménies bretonnes... - Tome I, p. 263
  10. Les troménies bretonnes... - Tome I, p. 264-265
  11. Les troménies bretonnes... - Tome I, p. 261
  12. Les troménies bretonnes... - Tome II, p. 500
  13. a et b Les troménies bretonnes... - Tome II, p. 529
  14. Les troménies bretonnes... - Tome II, p. 711
  15. Étienne Boulgon 1842
  16. Saint Maximin et son culte, p. 21.
  17. Gaumy 1903:259-260
  18. Les troménies bretonnes... - Tome I, p. 288
  19. Les troménies bretonnes... - Tome I, p. 287
  20. a et b Les troménies bretonnes... - Tome I, p. 296
  21. Les troménies bretonnes... - Tome II, p. 458
  22. S.n., 1753, Recueil des prières qui se chantent pendant la procession de Neuf Lieues que l’on fait tous les ans Le Lundy de la Pentecôte à Magnac-Laval en Basse-Marche, 2e édition, p. 6.
  23. Saint Maximin et son culte, p. 4.
  24. a b et c Les troménies bretonnes... - Tome I, p. 291
  25. Les troménies bretonnes... - Tome II, p. 600
  26. Les troménies bretonnes... - Tome I, p. 249
  27. Les troménies bretonnes... - Tome II, p. 464
  28. Saint Maximin et son culte, p. 8 et 9
  29. Saint Maximin et son culte, p. 17.
  30. Les troménies bretonnes... - Tome I, p. 287
  31. Saint Maximin et son culte, p. 29
  32. Joël Hascoët, Les troménies bretonnes. Un mode d’anthropisation de l’espace à l’examen des processions giratoires françaises et belges. Mémoire de DEA d’ethnologie, Brest, Université de Bretagne Occidentale
  33. Saint Maximin et son culte, p. 8 et 9
  34. Saint Maximin et son culte, p. 6 et 7

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • René d’Abadie, La Procession de Neuf lieues, Limoges, Imprimerie A. Bontemps, , 30 p.
  • Joseph Henri Normand, Histoire de Magnac-Laval des origines à 1870, Joseph-Henry Pigalle éd.,
  • J. Bertrand et Pierre Charrier, Saint Maximin et son culte, Lescuyer et Fils, , 30 p.
  • Joël Hascoët, Les troménies bretonnes. Un mode d'anthropisation de l'espace à l'examen des processions giratoires françaises et belges - Tome_I_Corpus_historique_et_ethnographique, vol. 1, Brest, UBO sous la direction de Donatien Laurent & Jean-François Simon, , 422 p. (lire en ligne [PDF])
  • Joël Hascoët, Les troménies bretonnes. Un mode d’anthropisation de l’espace à l’examen des processions giratoires françaises et belges - Tome II - Études et analyses, vol. 2, Brest, UBO sous la direction de Donatien Laurent & Jean-François Simon, , 134 p. (lire en ligne [PDF])
  • Joël Hascoët, Les troménies bretonnes. Un mode d’anthropisation de l’espace à l’examen des processions giratoires françaises et belges - Annexes, vol. 3, Brest, UBO sous la direction de Donatien Laurent & Jean-François Simon, , 1081 p. (lire en ligne)
  • Confrérie de Saint Maximin, Recueil des prières et livret d’accompagnement du processionneur, Magnac-Laval, Impression Confrérie de Saint Maximin, , 186 p.

Filmographie[modifier | modifier le code]