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Roger Piedvache, né à Nixeville (Meuse) le et décédé au Chesnay (Yvelines) le est un normalien (Ulm), résistant, et professeur de mathématiques français. Il s'engage dès l'automne 1940 dans la résistance aux côtés de Louis Renard, puis des F.F.L.. A la libération il se consacre essentiellement à l'enseignement.

Biographie[modifier | modifier le code]

La façade de l'ENS, au 45 rue d'Ulm.

Troisième fils de Bernard Piedvache et d'Anne Deguillard, d'origine bretonne[1]. Après des études secondaires au lycée de Nancy il vient à Paris en 1921 au lycée Louis le Grand pour préparer la seule École Normale Supérieure (sciences) de la rue d'Ulm qu'il intègre en 1923, dans une promotion de 21 éléves dont Henri Cartan (lycée Hoche de Versailles), Jean Coulomb et René de Possel (lycée Thiers de Marseille), Paul Dubreil (le cacique de la promotion) et Jean Wyart (lycée St Louis de Paris). Les seuls professeurs qui l'impressionnent sont le « jeune » Gaston Julia (promo 1911), l'un des rares rescapés de l'hécatombe de Normaliens de la Grande Guerre, et surtout Élie Cartan (promo 1888). Comme tous ses camarades il est subjugué par la précocité étincellante d'André Weil (promo 1922) et les excentricités canularesques de deux inséparables littéraires, Jean-Paul Sartre et Paul Nizan (promo 1922). Profondément républicain et laïc, il est très influencé par le bibliothécaire de l'École, Lucien Herr (promo 1883). En 1926 il passe l'agrégation de mathématiques.

Université de Tokyo

Après une année de service militaire, qu'il effectue à Metz, puis à Trêves, avec De Possel, il obtient une bourse d'un an à l'Université de Princeton. En 1929 il part pour le Japon où il est résident à la Maison Franco-Japonaise de Tokyo de Juin 1929 à Août 1932[2], Joseph Hackin en étant le directeur. Il y donne des cours de mathématiques[3] et entreprend en 1932 de faire une thèse de sismologie dans le laboratoire du professeur Mishio Ishimoto à l'Institut de Recherche sur les Tremblements de Terre de l'Université Impériale de Tokyo. Il s'y marie le 22 mars 1930 avec Jeanne Desoche[4], une française secrétaire-lectrice à l'Institut Franco-Japonais de Kyoto.

De retour en France pour la rentrée 1932 il est nommé au lycée de Colmar, son but étant d'être proche de l'Université de Stasbourg où il lui serait possible de poursuivre sa thèse de sismologie. Un imbroglio administratif fait qu'il est alors définitivement nommé en Math-Elem au lycée d'Angoulême; il renonce alors à ce projet de thèse. En 1933 il est nommé en Math-Sup au Lycée Henri IV de Poitiers. Il fait alors une nouvelle tentative de thèse qui échoue[5] et se consacre définitivement à l'enseignement[6].

En septembre 1939 il est mobilisé comme lieutenant; démobilisé le 24 juillet 1940 il reprend ses cours à Poitiers en septembre. Fin novembre 1940 il est mis au courant des prises de position de Joseph Hackin en faveur du Général de Gaulle à la radio de Londres. Il entre alors en contact avec le petit groupe de résistance qui se forme autour de Louis Renard[7] et du journal clandestin Le Libre Poitou; un groupe qui progressivement va donner naissance au réseau Renard. Il introduit dans ce groupe le physicienLouis Cartan[8], le frère de son camarade Henri, dont il devient très proche[9]. En avril 1941 sa femme et lui apprennent la mort de leurs amis Ria[10] et Joseph Hackin à la suite du torpillage de leur bateau au large du Cap Finistère, le 24 février alors qu'ils gagnaient les Indes en mission pour le Général de Gaulle.

Ne voulant pas rester en zone occupée, en novembre 1941 il obtient sa mutation au lycée d'Alger. Là il retrouve son ami De Possel. Après le débarquement des Américains en Afrique du Nord en novembre 1942 il est mobilisé sur place au Fort des Arcades et arrive avec beaucoup de difficultés à être intégré dans les Forces Françaises Libres, la 1ère D.F.L du général Diego Brosset qu'il rejoint en Tunisie, en novembre 1943; sa femme rejoint le groupe « Combat »[11] et rentre alors dans les services de la Direction générale des services secrets (DGSS)[12] de Jacques Soustelle où sa connaissance du japonais est mise à contribution.

Avec la 1ère D.F.L qu'il rejoint en Tunisie dans le 1er bataillon de DCA sous les ordres du commandant Jules de Koenigswarter[13], il fait la campagne d'Italie, débarque à Cavalaire le 17 août 1944 et remonte jusqu'en Alsace. En juin 1945 il dirige le centre El Alamein installé dans le château d'Abondant[14]. Il est démobilisé le 20 juillet 1945.

En septembre il regagne l'Algérie et reprend ses cours au lycée d'Alger. En 1946-48 il est pendant deux années professeur de Mathématiques-Spéciales au Lycée Thiers de Marseille. Cherchant à se rapprocher de la famille de sa femme il est alors nommé au lycée Henri IV de Poitiers où il va rester jusqu'en 1957. Membre de la SMF en 1953[15], il finit sa carrière au lycée Hoche à Versailles en 1968. Pendant quelques années il fait alors des recherches en arithmétique au sujet desquelles il entretient une correspondance avec Charles Pisot (de la promotion 1929). Son ami le plus proche est son ancien camarade Jean Coulomb. En 1977 sa femme, Jeanne, meurt. N'ayant pas eu d'enfant, mais un neveu qu'il considère comme son fils, il passe les vingt dernières années de sa vie avec bonheur auprès d'une très grande amie qui disparaît à son tour en 2000.

Piedvache qui depuis son adolescence n'avait jamais envisagé d'être autre chose qu'un enseignant[16] a sans relâche, pendant plus de vingt ans, peaufiné un cours de Mathématiques Spéciales que tapait avec abnégation sa femme. Il avait le projet de le publier, mais son perfectionnisme l'empêcha toujours de le réaliser : « Quand vous avez trouvé une démonstration, soyez persuadé qu'il en existe une plus simple et plus évidente »[17]. Il était extrêmement flegmatique, d'une grande rigueur et d'une grande clarté. « Dans un numéro spécial de mai 2000, consacré à Bourbaki, Pour la Science a publié une photo des élèves de l'École en 1924. À coté de ceux dont l'histoire retiendra les noms et qu'évoque l'article, on y voit le jeune Piedvache et avec lui bien d'autres encore, des inconnus, qui pourtant durant des années, par leur travail quotidien, s'ils n'ont pas fait progresser la Science, n'en ont pas moins œuvré pour elle en l'enseignant et en formant des générations de professeurs et de chercheurs, de découvreurs même »[18].

Source, notes et bibliographie[modifier | modifier le code]

Références[modifier | modifier le code]

  1. Voir l'article d'André Julg
  2. Roger Piedvache parmi les équipes de chercheurs de l'institut franco-Japonais.
  3. « je faisais du Cartan » (Élie Cartan) Interview de Roger Piedvache en 1999
  4. Jeanne Desoche est née le 6 octobre 1900 à Chatellerault (Vienne) et décédée à Versailles (Yvelines) le 25 mars 1977.
  5. Bouligand, qui est alors professeur à la Faculté des sciences de Poitiers, lui propose de développer un résultat qu'il vient de trouver; Piedvache démontre que ce résultat est faux... ce qui ne facilite pas les rapports entre le maître et l'élève.
  6. À De Possel, qui passe quelques jours chez lui en 1936 à Poitiers en revenant de Chancay chez Claude Chevalley où Bourbaki vient de tenir son deuxième congrès, il confie que le style « Bourbaki » lui est incompréhensible. Pour lui, les mathématiques ont besoin de s'appuyer sur des exemples
  7. Louis Renard, avoué à Poitiers et ancien combattant, grand mutilé, de la guerre de 14-18.
  8. Voir à ce sujet l'article de Louis Genevois sur Abeloos dans le Bulletin de l'Association Amicale des anciens éléves de l'École Normale Supérieure, 1978, p.73
  9. Louis Cartan est arrêté en septembre 1942 et décapité avec 9 autres membres du réseau le 3 décembre 1943 à Wolfenbüttel.
  10. Marie Hackin (Ria) est la première femme faite Compagnon de la libération (13 mai 1941); il n'y en a que 5 autres sur 1038 Compagnons.
  11. Le groupe « Combat » accueille le 30 mai le général de Gaulle à Alger en portant une gerbe au Monument aux Morts. Voir : Michèle Cointet De Gaulle et Giraud : l'affrontement, Perrin, 2005, pp.375-382.
  12. Direction Générale des Services Secrets
  13. Si Koenigswarter, baron et marié avec Pannonica de Rotschild, n'était pas du tout du même monde que Piedvache, ses études d'ingénieur des mines le rendaient plus proche
  14. Ce domaine situé à coté de Dreux est alors la propriété du commandant Koenigswarter.
  15. Journal de la SMF
  16. À Louis le Grand en 1923, il ne se présente qu'au seul concours de Normale- Sup.
  17. Cité par André Julg dans son article.
  18. André Julg, p.34

Publications[modifier | modifier le code]

  • Sur la forme quadratique fondamentale d'un espace de Riemann en coordonnées normales, The Annals of Mathematics, Vol 30, No 1/4, pp. 272-280, 1928-29. [1]
  • Sur le calcul des polynomes cyclotomiques, dans la Revue de Mathématiques Speciales Numéro 91. cité par Naudin P. et Quitte C dans Theoretical Computer Science Univariate polynomial factorization over finite fields Publisher: Elsevier (ISSN 0304-3975)
  • Sur le développement de Clebsch-Gordan, The Annals of Mathematics, Vol 30, No 1/4, pp. 281-284, 1928-29. [2]

Sources[modifier | modifier le code]

  • André Julg, « Roger Piedvache », Bulletin 2003 de L'Association Amicale de secours des anciens éléves de l'École Normale Supérieure, pp 32-34. [3]
  • Norbert Meusnier, Interviews inédites de Roger Piedvache, 1983/1990/1999.
  • Jeanne Piedvache, Carnets inédits, 1939-1945.