Aller au contenu

Diarrhée du voyageur

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
(Redirigé depuis Turista)
Germe entéro-toxinogène de la diarrhée du voyageur

La diarrhée du voyageur, appelée également tourista ou encore turista, est une gastro-entérite aiguë qui se manifeste par une diarrhée associée à des symptômes tels que fatigue, douleurs et crampes abdominales, nausées, vomissements ou malaises, survenant chez le voyageur à destination d'un pays à faible niveau d'hygiène alimentaire ou hydrique. En moyenne un vacancier sur trois peut souffrir de cette infection aiguë, souvent autorésolutive. La tourista peut se chroniciser si elle est due à une bactérie capable de coloniser durablement le colon comme Brachyspira spp.

Description

[modifier | modifier le code]

La diarrhée, définie par la survenue de plus de 3 selles non moulées par jour (ou plus de 250 grammes par jour), est le plus souvent hydrique sécrétoire due à une infection par un germe entéro-toxinogène, plus rarement sanglante et fébrile liée à des infections par des germes entéro-invasifs ou à l'amibiase. La turista peut être expliquée par une infection bactérienne (colibacilles, campylobacter, salmonelles, shigelles…), parasitaire (cryptosporidium, lamblias, amibes…) ou encore virale (rotavirus…).

C'est une maladie généralement bénigne et d'évolution favorable même sans traitement mais des complications sérieuses peuvent apparaitre chez les enfants, les personnes âgées ou fragiles - présentant des affections telles que maladies cardiaques, diabète, immunodéficience.

Épidémiologie

[modifier | modifier le code]

La tourista est le trouble sanitaire le plus fréquent chez les voyageurs, et touche près de 20 à 50 % des voyages de courte durée[1]. Elle survient en général une semaine après l'arrivée et dure habituellement quelques jours. Elle peut, cependant, devenir suffisamment gênante pour modifier le programme du voyage dans presque un quart des cas[2]. La turista s’attaque aux vacanciers au cours des trois premiers jours du voyage[3].

Autres appellations

[modifier | modifier le code]

Selon les pays, la diarrhée du voyageur porte différents noms[4],[5] :

Tourista ou turista - flux cœliaque - Aden gut - Bali belly - Barsa belly - Belette espagnole - boyaux d’Aden - Casablanca crud - complainte de l’été - course de Rangoon - course de Rome - course de Tokyo - course du touriste - course de Turquie - course du voyageur - danse aztèque - Delhi belly - ventre de Delhi - djerblenne ou djerbienne - gallop grec - gastro-entérale emporiatrique - Gl’s - maladie de la mer Rouge - maladie des Canaries - passion - Poonah pooh - revanche de Moctezuma (en référence à Moctezuma II) - San-Francisquite - squitter - TG tract - toilette de Hong-Kong - Hong-Kong dog - toilette de Malte - Troskyste - Turkey trot - ventre de Bassa - ventre égyptien - Zermatite.

Mexique : Vengeance de Moctezuma

[modifier | modifier le code]

L'expression fait référence au roi Moctezuma II qui selon la légende partageait des banquets avec les conquistadores espagnols[6].

Bien qu'il ne fut pas très à leur goût, le maïs était exempt de taxes imposées par le gouvernement espagnol et l'Église, il était donc plus économique et devint la nourriture idéale pour les personnes aux ressources limitées. Cependant, lorsque les Espagnols essayèrent de le transformer, ils le traitèrent comme s'il s'agissait de blé, abandonnant le processus de nixtamalisation utilisé par les indigènes mésoaméricains. Sans nixtamalisation, le maïs ne libère pas de niacine (ou vitamine B3), élément essentiel à l'alimentation humaine[6].

Germes en cause

[modifier | modifier le code]

La diarrhée du voyageur est d'origine infectieuse. Elle est le plus souvent d'origine bactérienne, parfois virale et beaucoup plus rarement parasitaire[4],[7].

Elle est d'origine bactérienne dans environ 80 % des cas :

  • Escherichia coli entéro-toxinogène est de loin le germe le plus fréquent (20-75 %) ;
  • Shigelles (15 %), agent de la shigellose ;
  • Salmonelles (7-10 %), agent de la salmonellose ;
  • Campylobacter jejuni (3 %), plus fréquent dans le sous-continent indien[8] ;
  • Aeromonas spécialement en Thaïlande ;
  • Vibrion non cholérique et vibrion cholérique.
  • Brachyspira pilosicoli[9] lorsque les diarrhées deviennent aqueuses intermittentes chroniques et s'il y a eu contact avec des selles d'oiseaux. Les laboratoires de microbiologie médicale ne détectent pas Brachyspira à ce jour (2020) ni en coproculture ni par PCR sur selles. Le diagnostic repose sur la biopsie colique et l'identification du false brush border en microscopie optique après coloration HE classique ou idéalement de Warthin argentique.

L'origine est virale dans environ 10 à 20 % des cas : Rotavirus, Virus de Norwalk, Adénovirus, Astrovirus, Entérovirus.

Plus rarement sa cause est parasitaire : Giardia intestinalis (3 %), agent de la lambliase, Entamoeba histolytica (1 %), agent de la dysenterie amibienne ou amibiase, Cryptosporidium parvum, agent de la cryptosporidiose, Cyclospora sp. agent de la cyclosporose.

Traitement possible

[modifier | modifier le code]

La réhydratation est recommandée pour traiter cette maladie. Des anti-diarrhéiques de la classe des inhibiteurs du péristaltisme intestinal peuvent être prescrits initialement en l'absence de germes invasifs. Le traitement antibiotique devrait être réservé aux cas sévères. Dans ces cas, les quinolones sont le traitement antibiotique de premier choix.

Réhydratation

[modifier | modifier le code]

Par voie orale, elle est le pilier du traitement de la diarrhée et permet de réduire les complications liées à la déshydratation. Elle peut se faire avec un soluté de réhydratation orale (SRO - sels de réhydratation orale, UNICEF-Oralyte, Gallialite…) commercialisés et apportant un apport hydrosalin équilibré. En l'absence de ces produits, tout apport hydrique contenant du glucose, du potassium et du sel est une bonne alternative, comme de l'eau en bouteille, des jus de fruit, des boissons gazeuses douces, associées à des biscuits salés, du bouillon... Une version légèrement modifiée de ce soluté de réhydratation n'a pas démontré de supériorité chez l'adulte dans une étude par rapport à une réhydratation simple lors de la prise de lopéramide[10].

Cette réhydratation est classiquement associée à une diète de quelques jours.

Traitement médicamenteux à visée intestinale

[modifier | modifier le code]

La réduction de la motilité ou de la sécrétion intestinale est due à des dérivés opiacés. Ils sont contre-indiqués en cas de diarrhée invasive se manifestant par une dysenterie avec diarrhée glairo-sanglante car ils risquent alors d'aggraver l'infection, en empêchant l'élimination du germe invasif. Le lopéramide est néanmoins contre-indiqué chez les enfants de moins de 2 ans[11]. Le lopéramide ne doit pas être utilisé pour la diarrhée du voyageur car il y a un risque de favoriser la pullulation microbienne du fait de l’effet ralentisseur sur le transit intestinal[11].

Antibiothérapie

[modifier | modifier le code]

L'usage d'un antibiotique chez le sujet sain n'est pas indiqué étant donné la nature bénigne de l'affection. Son emploi doit être réservé aux situations sévères avec plus de 3 selles liquides par jour, présence de douleurs abdominales, de fièvre et/ou dysenterie et symptomatologie récidivante lors de l'interruption du traitement symptomatique, ou chez la personne fragile.

Les fluoroquinolones, en traitement de 3 à 5 jours, voire en monodose, représentent le traitement antibiotique de première intention au cours de la diarrhée du voyageur. Des résistances apparaissent notamment sur certaines souches de Campylobacter dans le Sud-est asiatique ; dans ce cas l’azithromycine (500 mg/jour pendant 3 jours) est une alternative efficace.

Les traitements purement symptomatiques ne dispensent pas d'un avis médical en cas d'aggravation et ne doivent pas être utilisé plus de 4 jours.

Lorsqu'un diarrhée chronique à Brachyspira est soupçonnée, un traitement de coamoxicilline (1g 2x/j) et de metronidazole (500 mg 3x/j) pendant 10 jours est requis[12].

Prévention

[modifier | modifier le code]

La prévention consiste essentiellement à surveiller son alimentation : peler les fruits et légumes, éviter les crudités et la viande insuffisamment cuite, cuire les aliments à plus de 65 °C, ne boire que des boissons encapsulées, éviter les glaçons. Vous pouvez également adopter certains réflexes anti-infectieux de base comme vous laver les mains fréquemment, particulièrement avant les repas et en sortant des toilettes. Dans les restaurants, évitez de vous essuyer les mains avec la serviette utilisée par tout le monde, gardez un gel hydro-alcoolique dans votre sac. Son efficacité n'est cependant pas démontrée car la moindre erreur peut la faire échouer[13].

Il n'existe pas de vaccin universel permettant de prévenir l'ensemble des turistas, même s'il en existe qui sont ciblés sur des germes potentiellement responsables, dont le rotavirus.

Certains médicaments ont été utilisés à titre préventif : le bismuth a une certaine efficacité mais comporte des effets secondaires non négligeables[14]. La prise de probiotiques ne diminue que de peu l'incidence de la turista[15].

Notes et références

[modifier | modifier le code]
  1. F. Castelli, A. Beltrame & G. Carosi, « Principes et pratiques du traitement ambulatoire de la turista : Congrès Péril fécal. Journée, FRANCE (15/10/1997) », Bulletin de la Société de pathologie exotique, vol. 91 « 5BIS »,‎ , p. 397-449 ; 452-455 (ISSN 0037-9085, résumé, lire en ligne)
  2. Hill DR, Occurrence and self-treatment of diarrhea in a large cohort of Americans traveling to developing countries, Am J Trop Med Hyg, 2000;62:585-9
  3. « Turista (diarrhée du voyageur) », Doctissimo,‎ (lire en ligne, consulté le )
  4. a et b « La diarrhée du voyageur », sur chu-rouen.fr (consulté le )
  5. « Turista (diarrhée du voyageur) », sur doctissimo.fr (consulté le )
  6. a et b (es) Álvaro Van den Brule, « La venganza de Moctezuma: la escatológica amenaza que casi acaba con los españoles », sur elconfidencial.com, (consulté le )
  7. William Berrebi, Hépatologie, gastro-entérologie. DCEM, préparation aux épreuves classantes nationales, Issy-les-Moulineaux, Estem, , 470 p. (ISBN 978-2-84371-368-2, lire en ligne)
  8. Ekdahl K, Andersson Y, Regional risks and seasonality in travel-associated campylobacteriosis, BMC Infect Dis, 2004;4:54
  9. (en) David J. Hampson, « The Spirochete Brachyspira pilosicoli, Enteric Pathogen of Animals and Humans », Clinical Microbiology Reviews, vol. 31, no 1,‎ (ISSN 0893-8512, PMID 29187397, PMCID 5740978, DOI 10.1128/CMR.00087-17, lire en ligne, consulté le )
  10. (en) Juan Pablo Caeiro, Herbert L. DuPont, Helmut Albrecht et Charles D. Ericsson, « Oral Rehydration Therapy Plus Loperamide Versus Loperamide Alone in the Treatment of Traveler's Diarrhea », Clinical Infectious Diseases, vol. 28, no 6,‎ , p. 1286–1289 (ISSN 1058-4838, DOI 10.1086/514786, lire en ligne, consulté le )
  11. a et b Becquemont Laurent, « *Antidiarrhéiques : Les points essentiels », sur pharmacomedicale.org (consulté le )
  12. (en) Rossana Helbling, Maria-Chiara Osterheld, Bernard Vaudaux et Katia Jaton, « Intestinal Spirochetosis mimicking inflammatory bowel disease in children », BMC Pediatrics, vol. 12,‎ , p. 163 (ISSN 1471-2431, PMID 23066991, PMCID 3480841, DOI 10.1186/1471-2431-12-163, lire en ligne, consulté le )
  13. Shlim DR, Looking for evidence that personal hygiene precautions prevent traveler’s diarrhea, Clin Infect Dis, 2005;41(suppl 8):S531-5
  14. DuPont HL, Ericsson CD, Johnson PC, Bitsura JAM, DuPont MW, de la Cabada FJ, Prevention of travelers’ diarrhea by the tablet formulation of bismuth subsalicylate, JAMA, 1987;257:1347-50
  15. Sazawal S, Hiremath G, Dhingra U, Malik P, Deb S, Black RE, Efficacy of probiotics in prevention of acute diarrhoea: a meta-analysis of masked, randomised, placebo-controlled trials, Lancet Infect Dis, 2006;6:374-82

Articles connexes

[modifier | modifier le code]

Liens externes

[modifier | modifier le code]