Royaume de Dieu
Le Royaume de Dieu ou Règne de Dieu ou Royaume des cieux est un concept théologique à dimension eschatologique du judaïsme et du christianisme ainsi que, dans une moindre mesure, de l'islam. Il reprend un concept plus ancien de royauté divine que l'on trouve dans le Proche-Orient ancien.
Le concept de Royaume de Dieu et l'annonce de sa venue forment le cœur de la prédication de Jésus de Nazareth.
Judaïsme
[modifier | modifier le code]Judaïsme ancien
[modifier | modifier le code]Dans le judaïsme ancien, l'élaboration de la notion de Règne de Dieu remonte aux Livre des Psaumes au travers desquels apparaît l'idée d'une royauté permanente et éternelle du Dieu d'Israël. Cette royauté divine est associée au Temple - « Palais de Dieu » qui figure la réplique terrestre du sanctuaire céleste en même temps que le lieu de la résidence du Dieu-Roi et de son culte terrestre.
Lors de l'exil à Babylone, ce concept initial s'augmente, avec le prophète Isaïe, d'une idée de prise de pouvoir par Dieu[1] et la notion de Règne de Dieu prend la signification d'une arrivée imminente de la présence souveraine et universelle de Dieu sur Israël et les nations[2].
Les deux expressions « Royaume de Dieu » et « Règne de Dieu », traduisent les deux réalités, la première spatiale et la seconde temporelle, de cette royauté divine[1]. Le Royaume de Dieu peut être compris tantôt comme réalité immanente, tantôt comme réalité transcendante, dans une conception qui varie, selon qu'elle porte sur une transformation spirituelle ou politique. Dans l'optique immanente, la royauté de Dieu sera parfois présentée comme directe, à instaurer, ou indirecte, à restaurer[3] : dans ce dernier cas, dans une conception moins radicale que dans le premier, il s'agit d'exprimer une option politico-religieuse consistant principalement dans l'espérance de la venue d'un roi, « Fils de David ».
Judaïsme du Ier siècle
[modifier | modifier le code]Pour le judaïsme du Ier siècle, la royauté appartient à Dieu dont les souverains terrestres ne sont que des représentants[4]. L'occupation romaine était consécutive à un état de péché d'Israël qui devait se disposer à accomplir la volonté de Dieu pour que lui soit révélé le royaume. Pour les rabbis juifs d'alors, il existait deux temps — présent et à venir — du Royaume : celui du présent où Dieu régnait de jure et celui de la fin des temps, où Israël serait libéré de l'occupation et Dieu régnerait de facto, révélant le royaume à tous[5].
Dans le contexte de cette idée du Royaume, des groupes religieux remettent en question les différents pouvoirs politiques en place, hasmonéen, hérodien ou romain. Des courants radicaux comme les Zélotes mènent, dans l'espoir de précipiter la libération eschatologique d'Israël, une lutte armée contre les Romains et la souveraineté autoproclamée des Césars, dans un combat qu'ils considèrent comme un commandement divin pour établir le seul règne de Dieu[5]. Les différentes autorités voient donc d'un mauvais œil cette notion de Règne de Dieu, les individus qui s'en réclament et les groupes qui se forment autour de cette idée[4].
La notion du Règne/Royaume de Dieu est liée à l'image du prophète en tant que porte-parole de Dieu. À cette époque, comme en témoigne Flavius Josèphe, plusieurs individus charismatiques se manifestent et essaient de se faire désigner comme « nouveaux prophètes », suivant l'image de Moïse, modèle du « Maître », ou d'Élie, modèle du « Juge »[6]. Certains s'inscrivent dans la dimension politico-religieuse en contestant le pouvoir en place, à l'instar de Theudas, qui entraînera une révolte contre l'autorité romaine en 45 et sera décapité. D'autres, comme Jean le Baptiste appartiennent à la catégorie des prédicateurs itinérants qui proposent la rémission des péchés[4].
Jésus de Nazareth
[modifier | modifier le code]Pour la plupart des juifs contemporains de Jésus, la venue du Royaume devait correspondre à la libération de l'occupation romaine[5].
Jean le Baptiste, dont Jésus sera un disciple[7] avant de s'en émanciper[8], prêchait déjà l'avènement du Royaume au peuple juif et probablement au-delà. Il baptisait pour la rémission des péchés au nom d'une arrivée imminente du Royaume[9].
Jésus de Nazareth — dont la prédication s'inscrit dans le judaïsme de son temps — substitue le Royaume de Dieu au culte du Temple dans un message à teneur universaliste. Il ne définit pas cette notion de royaume qui va de soi dans le judaïsme ancien. S'il reprend l'idée rabbinique du royaume, il s'en distingue par une dimension prophétique en expliquant que non seulement la fin des temps est imminente, mais en plus que l'ère nouvelle de rédemption a déjà débuté[5]. Ainsi, il inaugure littéralement[10] le Royaume dont l'avènement est présenté comme imminent suivant une dialectique du « déjà » et du « pas encore »[2] qui préexiste dans le judaïsme[11].
La notion de royaume fait l'objet de nombreuses paraboles dans sa prédication et les miracles qu'il opère se veulent le témoignage du Royaume déjà présent[12]. On peut également penser que Jésus a fait de sa mort la condition de la venue du Royaume[13].
Notes et références
[modifier | modifier le code]- Daniel Marguerat, L'aube du christianisme, éd. Labor et Fides/Bayard, 2008, p. 48.
- Paul Mattéï, Le christianisme antique de Jésus à Constantin, éd. Armand Colin, 2008, p. 62.
- Christian Grappe, Le Royaume de Dieu : avant, avec et après Jésus, éd. Labor et Fides/Le Monde de la Bible, 2001, p. 50.
- Simon Claude Mimouni, Le christianisme des origines à Constantin, éd. PUF/Nouvelle Clio, 2006, p. 106.
- David Flüsser, R. Steven Notley, Gabriel Raphaël Veyret, Jésus, éd. de l’éclat, 2005, pp. 96-103, lire en ligne.
- Simon Claude Mimouni, Le christianisme des origines à Constantin, éd. PUF/Nouvelle Clio, 2006, p. 107.
- Albert I. Baumgarten, « Jésus de Nazareth », dans Jean-Robert Armogathe, Pascal Montaubin et Michel-Yves Perrin (dirs.), Histoire générale du christianisme des origines au XVe siècle, éd. P.u.f., 2010, p. 24.
- Claude Tassin, « Jean-Baptiste et les baptistes », dans Aux origines du christianisme, éd. Gallimard/Le Monde de la Bible, 2000, pp. 181-182.
- Paul Mattéï, Le christianisme antique de Jésus à Constantin, éd. Armand Colin, 2008, p. 73.
- Mt 12. 18, cité par Paul Mattéi, op. cit., 2008, p. 62.
- Christian Grappe, Le Royaume de Dieu : avant, avec et après Jésus, éd. Labor et Fides/Le Monde de la Bible, 2001, pp. 49-50.
- cf. Mt 12. 18, cité par Paul Mattéï, Le christianisme antique de Jésus à Constantin, éd. Armand Colin, 2008, p. 69.
- Paul Mattéï, Le christianisme antique de Jésus à Constantin, éd. Armand Colin, 2008, p. 76.
Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Oscar Cullmann, « Quand viendra le Royaume de Dieu ? : Le témoignage des écrivains chrétiens du deuxième siècle jusqu'en 150 », Revue d'Histoire et de Philosophie religieuses, vol. 18, no 2, , p. 174–186.
- Christian Grappe, Le royaume de Dieu : Avant, avec et après Jésus, Genève, Labor et Fides, coll. « Le monde de la Bible », (ISBN 978-2-8309-0994-4).
- George Eldon Ladd, L'Évangile du Royaume : Exposé sur le Royaume de Dieu, Emmaüs, coll. « Doctrine », (ISBN 978-2-8287-0081-2).
- Wolfhart Pannenberg, Théologie et royaume de Dieu, Genève, Labor et Fides, (ISBN 978-2-8309-5214-8).
- Jean Richard, « Le Royaume de Dieu dans la théologie contemporaine », Laval théologique et philosophique, vol. 38, no 2, , p. 153–171 (ISSN 0023-9054).
- Nathalie Siffe, « La proclamation du Royaume de Dieu comme marqueur de continuité entre Jésus et l'Église dans l'œuvre de Luc », Recherches de Science Religieuse, vol. 99, no 3, , p. 349 (ISSN 0034-1258).
- Benedict T. Viviano, Le royaume de Dieu dans l'histoire, Paris, Cerf, coll. « Lire la Bible » (no 96), (ISBN 978-2-204-04544-5).
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Articles connexes
[modifier | modifier le code]Liens externes
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