Position de la France sur la charte européenne des langues régionales ou minoritaires

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La France a signé la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires le . Le Conseil économique et social des Nations unies a, en 2008, « suggéré » et « recommandé » à la France d'« envisager » la ratification de cette Charte[1].

L'Assemblée nationale a adopté en un amendement constitutionnel permettant la ratification du traité, ce qui est une promesse de campagne de François Hollande, devenu Président de la République en 2012[2]. Le Sénat devait débattre de l’amendement proposé entre le et le . Ce « possible » traité concernait uniquement les langues qui sont encore parlées et non celles qui ont disparu. Étaient concernées : « le basque, le breton, le catalan, le corse, le néerlandais (flamand occidental et néerlandais standard), l'allemand (dialectes de l’allemand et allemand standard, langue régionale d’Alsace-Moselle) et l'occitan »[3]. Le texte est finalement rejeté par le Sénat le [4].

Engagements de la France[modifier | modifier le code]

La Charte ayant été signée mais pas ratifiée, la France n'a mis en vigueur aucun engagement.

Lors de la signature de la Charte, le , la France « envisage [...] de s'engager à appliquer certains ou tous les paragraphes ou alinéas suivants de la partie III de la Charte » (39 sur les 98 que compte la Charte)[5] :

  • En matière d'enseignement en ce qui concerne le territoire sur lequel ces langues sont pratiquées, selon la situation de chacune de ces langues et sans préjudice de l'enseignement du français, la France s'engage :
    • à prévoir une éducation préscolaire totale ou substantielle dans les langues concernées au moins aux élèves dont les familles le souhaitent et dont le nombre est jugé suffisant ;
    • à prévoir un enseignement primaire total ou substantiel dans les langues concernées au moins aux élèves dont les familles le souhaitent et dont le nombre est jugé suffisant ;
    • à prévoir un enseignement secondaire total ou substantiel dans les langues concernées au moins aux élèves dont les familles le souhaitent et dont le nombre est jugé suffisant ;
    • à prévoir un enseignement technique et professionnel total ou substantiel dans les langues concernées au moins aux élèves dont les familles le souhaitent et dont le nombre est jugé suffisant ;
    • à prévoir un enseignement universitaire et d'autres formes d'enseignement supérieur dans les langues concernées ;
    • à proposer ces langues comme disciplines de l'éducation des adultes et de l'éducation permanente ;
    • à assurer l'enseignement de l'histoire et de la culture dont ces langues sont l'expression ;
    • à assurer la formation des enseignants nécessaires ;
    • à créer un organe de contrôle chargé de suivre les mesures prises et les progrès réalisés, et à établir sur des rapports périodiques publics.
  • En matière d'enseignement en ce qui concerne les territoires autres que ceux sur lesquels ces langues sont traditionnellement pratiquées, la France s'engage à autoriser, à encourager ou à mettre en place, si le nombre des locuteurs d'une langue le justifie, un enseignement dans la langue.
  • La France s'engage à rendre accessibles, dans les langues concernées, les textes législatifs nationaux les plus importants et ceux qui concernent particulièrement les utilisateurs de ces langues.
  • En ce qui concerne les collectivités locales où réside un nombre de locuteurs des langues concernées qui justifie les mesures ci-après, la France s'engage à permettre et/ou à encourager :
    • la publication par les collectivités régionales des textes officiels dont elles sont à l'origine également dans les langues concernées ;
    • la publication par les collectivités locales de leurs textes officiels également dans les langues concernées ;
    • l'emploi ou l'adoption, le cas échéant conjointement avec la dénomination en français, des formes traditionnelles et correctes de la toponymie dans les langues concernées.
  • La France s'engage, pour les locuteurs des langues concernées, sur les territoires où ces langues sont pratiquées, selon la situation de chaque langue, dans la mesure où les autorités publiques ont, de façon directe ou indirecte, une compétence, des pouvoirs ou un rôle dans ce domaine, en respectant les principes d'indépendance et d'autonomie des médias :
    • à prendre les dispositions appropriées pour que les radios et télévisions programment des émissions dans les langues concernées ;
    • à encourager et/ou à faciliter l'émission de programmes de radio dans les langues concernées, de façon régulière ;
    • à encourager et/ou à faciliter la diffusion de programmes de télévision dans les langues concernées, de façon régulière ;
    • à encourager et/ou à faciliter la production et la diffusion d'œuvres audio et audiovisuelles dans les langues concernées ;
    • à encourager et/ou à faciliter la publication d'articles de presse dans les langues concernées, de façon régulière ;
    • à étendre les mesures existantes d'assistance financière aux productions audiovisuelles pour les langues concernées ;
    • à soutenir la formation de journalistes et autres personnels pour les médias employant les langues régionales ou minoritaires.
  • En matière d'activités et d'équipements culturels – en particulier de bibliothèques, de vidéothèques, de centres culturels, de musées, d'archives, d'académies, de théâtres et de cinémas, ainsi que de travaux littéraires et de production cinématographique, d'expression culturelle populaire, de festivals, d'industries culturelles, incluant notamment l'utilisation des technologies nouvelles – la France s'engage, en ce qui concerne le territoire sur lequel de telles langues sont pratiquées et dans la mesure où les autorités publiques ont une compétence, des pouvoirs ou un rôle dans ce domaine :
    • à encourager l'expression et les initiatives propres aux langues concernées, et à favoriser les différents moyens d'accès aux œuvres produites dans ces langues ;
    • à favoriser les différents moyens d'accès dans d'autres langues aux œuvres produites dans les langues concernées, en aidant et en développant les activités de traduction, de doublage, de post-synchronisation et de sous-titrage ;
    • à favoriser l'accès dans ces langues à des œuvres produites dans d'autres langues, en aidant et en développant les activités de traduction, de doublage, de post-synchronisation et de sous-titrage ;
    • à veiller à ce que les organismes chargés d'entreprendre ou de soutenir diverses formes d'activités culturelles intègrent dans une mesure appropriée la connaissance et la pratique des langues et des cultures régionales ou minoritaires dans les opérations dont ils ont l'initiative ou auxquelles ils apportent un soutien ;
    • à favoriser la mise à la disposition des organismes chargés d'entreprendre ou de soutenir des activités culturelles d'un personnel maîtrisant la langue régionale ou minoritaire, en plus du français ;
    • à encourager et/ou à faciliter la création d'un ou de plusieurs organismes chargés de collecter, de recevoir en dépôt et de présenter ou publier les œuvres produites dans les langues concernées.
  • En ce qui concerne les territoires autres que ceux sur lesquels les langues concernées sont traditionnellement pratiquées, la France s'engage à autoriser, à encourager et/ou à prévoir, si le nombre des locuteurs le justifie, des activités ou équipements culturels appropriés.
  • La France s'engage, dans sa politique culturelle à l'étranger, à donner une place appropriée aux langues régionales ou minoritaires et à la culture dont elles sont l'expression.
  • En ce qui concerne les activités économiques et sociales, la France s'engage :
    • à interdire l'exclusion ou la limitation de l'usage des langues concernées dans les règlements internes des entreprises ;
    • à s'opposer aux pratiques tendant à décourager l'usage des langues régionales ou minoritaires dans le cadre des activités économiques ou sociales ;
    • à faciliter et/ou à encourager l'usage de ces langues.
  • En matière d'activités économiques et sociales, la France s'engage :
    • dans le secteur public, à réaliser des actions encourageant l'emploi des langues concernées ;
    • à rendre accessibles dans les langues régionales ou minoritaires les informations fournies par les autorités compétentes concernant les droits des consommateurs.
  • La France s'engage :
    • à appliquer les accords bilatéraux et multilatéraux existants qui les lient aux États où la même langue est pratiquée de façon identique ou proche, ou à s'efforcer d'en conclure, si nécessaire, de façon à favoriser les contacts entre les locuteurs de la même langue dans les États concernés, dans les domaines de la culture, de l'enseignement, de l'information, de la formation professionnelle et de l'éducation permanente ;
    • dans l'intérêt des langues régionales ou minoritaires, à faciliter et/ou à promouvoir la coopération à travers les frontières, notamment entre collectivités régionales ou locales sur le territoire desquelles la même langue est pratiquée.

Processus de ratification de la Charte par la France[modifier | modifier le code]

Le processus de ratification a débuté, en 1999, sous la présidence de Jacques Chirac qui, après la signature, le , à Budapest, a saisi le Conseil constitutionnel afin de savoir si la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires devait être précédée, compte tenu de la déclaration interprétative faite par la France et des engagements qu'elle entend souscrire dans la partie III de cette convention, d'une révision de la Constitution, la commission chargée de préparer cette ratification ayant préparé, en ce sens, une liste de langues régionales ou minoritaires de France auxquelles s'appliqueraient des articles de la charte. Dans sa décision du [6], le Conseil, s'appuyant sur l'article 2 de la Constitution française qui dispose que « la langue de la République est le français », a décidé que la dite Charte comportait des clauses contraires à la Constitution. Au sujet des problèmes que pose la Charte, un dossier de synthèse est disponible.[réf. nécessaire]

Le Conseil constitutionnel a jugé dans sa décision no 99-412 DC du [7] qu’en adhérant à la Charte, la France méconnaîtrait les principes constitutionnels d’indivisibilité de la République, d’égalité devant la loi, d’unicité du peuple français et d’usage officiel de la langue française.

Le Conseil d'État a confirmé en 2013 ce jugement[8]. De même, le Conseil d’État a opposé un avis négatif à une telle ratification le [9].

Néanmoins le Conseil constitutionnel a jugé que cette ratification nécessitait une révision des principes les plus fondamentaux de la constitution, particulièrement son article 2[10]. Dans un considérant final, le Conseil constitutionnel décide que « n'est contraire à la Constitution, eu égard à leur nature, aucun des autres engagements souscrits par la France, dont la plupart, au demeurant, se bornent à reconnaître des pratiques déjà mises en œuvre par la France en faveur des langues régionales »[11], ce qui signifie que seuls les objectifs et les principes de la Charte sont contraires à la Constitution, tandis que ses modalités pratiques y sont conformes[12]. Il aurait donc fallu procéder à une modification de la Constitution pour procéder à la ratification de l'ensemble de ce traité international, non seulement en modifiant l'article 2, mais aussi en modifiant son article premier, car cette Charte porte également atteinte, selon le Conseil constitutionnel, « aux principes d'indivisibilité de la République, d'égalité devant la loi et d'unicité du peuple français »[13]. Cette révision n'a jamais eu lieu, au vu du caractère fondamental de ces dispositions constitutionnelles[14]. Par ailleurs il a été envisagé, pour assurer la compatibilité avec la Constitution, de faire précéder la ratification d'un texte préliminaire, bien que ce texte ne soit pas valide, la Charte n'admettant pas de réserve.

En , sous la présidence de Nicolas Sarkozy, la Loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République a ajouté l'article 75-1 à la Constitution qui dispose que « les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France » s'appuyant sur l'article 11 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789 : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi. »

Le , une proposition de loi constitutionnelle est adoptée par l’Assemblée nationale pour ratifier la Charte[15]. Le , un projet de loi constitutionnelle est présenté en Conseil des ministres, afin de modifier la Constitution pour que la France puisse ratifier la charte. Le texte est rejeté par le Sénat le [16].

En 2014 et 2015, la Région Alsace, les départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin et plusieurs villes et municipalités alsaciennes ont adopté des versions locales de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, qui contiennent toute la définition suivante de la langue régionale : « Par l’expression « langue régionale », on entend la langue allemande dans ses formes dialectales (dialectes alémaniques et franciques parlés en Alsace et en Moselle) et dans sa forme standard (Hochdeutsch). » / „Im Sinne dieser Charta bezeichnet der Ausdruck „Regionalsprache“ die deutsche Sprache in ihren Mundartformen (die in Elsass-Lothringen gesprochenen alemannischen und fränkischen Mundarten) und in ihrer Standardform (Hochdeutsch).“[17]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. "Observations faites à la France par le Comité des Droits écocomiques et sociaux, quarantième session, 28 avril-16 mai 2008.
  2. Lui Président, « Engagement 56. Faire ratifier de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires », sur luipresident.fr (consulté le )
  3. « Charte européenne des langues régionales ou minoritaires », sur www.coe.int (consulté le )
  4. « Le Sénat dit non à la Charte européenne des langues régionales », sur francetvinfo.fr, (consulté le )
  5. Liste des déclarations formulées au titre du traité no 148, sur le site du Conseil de l'Europe
  6. Décision no 99-412 DC du 15 juin 1999 - Charte européenne des langues régionales ou minoritaires - Non conformité partielle
  7. NEXINT, « Conseil Constitutionnel », sur www.conseil-constitutionnel.fr, (consulté le )
  8. € Monde : Le Conseil d'État défend l'unicité du peuple français
  9. « Ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires », sur www.conseil-etat.fr (consulté le )
  10. Conseil constitutionnel : Décision no 99-412 DC du 15 juin 1999
  11. ibidem, c. 13
  12. Commentaire aux Cahiers du Conseil constitutionnel, janvier à septembre 1999, no7, Jurisprudence, [lire en ligne]
  13. ibidem, c. 10
  14. Revue de l'actualité juridique française, « La révision de la constitution : les paradoxes d'une évolution », Raymond Ferreti [lire en ligne]
  15. Proposition de loi constitutionnelle visant à ratifier la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires sur Légifrance
  16. Projet de loi constitutionnelle autorisant la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires sur Légifrance
  17. Charte de la Région Alsace, du Département du Bas-Rhin et du Département du Haut-Rhin pour la promotion de la langue régionale sur la base de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires du 19 juin 2014, article 1 / Charta der Region Elsass, des Departements Unterelsass und des Departements Oberelsass zur Förderung der Regionalsprache auf der Grundlage der Europäischen Charta der Regional- oder Minderheitensprachen vom 19. Juni 2014, Artikel 1

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]