Peridexion

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Représentation d'un peridexion du Bestiaire d'Aberdeen.

Le peridexion (ou perindens) est un arbre légendaire décrit dans le Physiologus, bestiaire chrétien du IIe ou IVe siècle apr. J.-C.[1], et populaire dans les bestiaires médiévaux. Il est décrit comme poussant en Inde, attirant les colombes et dissuadant les serpents, ce qui en fait un symbole du le salut chrétien.

Étymologie[modifier | modifier le code]

Le nom vient du grec δένδρον περιδέξιον (déndron peridéxion), peridéxion signifiant ambidextre, adroit ou pratique[2]. Les manuscrits en latin, comme le Bestiaire d'Aberdeen, l'appellent « perindens »[3].

Description[modifier | modifier le code]

Le Physiologus décrit l'arbre comme poussant en Inde et ayant un fruit sucré que les colombes aiment manger. Un serpent qui cherche à dévorer les colombes a peur de l'arbre et de son ombre ; il attend donc que les colombes s'écartent de la protection de l'arbre pour les attaquer. Il s'agit d'un rappel du salut au public chrétien du texte, où l'arbre représente la foi chrétienne et le serpent est le diable attendant de prendre ceux qui quittent l'église, établissant une comparaison avec Judas Iscariote[4]. Les fruits sont décrits par le texte comme « la sagesse céleste » et les colombes comme le Saint-Esprit[5].

L'arbre est également présenté dans le Bestiaire de Zirc (en), bestiaire enluminé hongrois du XVe siècle. Il est décrit avec les serpents dans le Folio 292r.

Autre représentation d'un peridexion du Bestiaire d'Aberdeen.

Origines[modifier | modifier le code]

Le Physiologus fournit la description attestée la plus ancienne de l'arbre. Le texte a été écrit au IIe ou IVe siècle par un auteur grec anonyme qui avait accès aux classiques grecs, à la Bible, aux œuvres des premiers auteurs chrétiens et aux fables. Il devint ensuite un livre populaire et a été traduit dans de nombreuses langues, dont le latin ; il était répandu en Europe occidentale au IXe siècle. Aucun original n'est connu ; mais en raison de sa popularité, il existe de nombreux manuscrits ultérieurs qui incluent le texte[6]. Le philologue allemand Otto Schönberger avait suggéré que l'arbre pourrait provenir de l'Histoire naturelle de Pline l'Ancien, qui rapporte comment le frêne est un moyen de dissuasion pour les serpents, combiné avec l'histoire biblique de l'Arbre de Vie[7]. Les serpents et les dragons gardant les arbres sont un élément bien attesté dans la littérature et l’iconographie hellénistique. Dans la mythologie grecque, le dragon à cent têtes Ladon gardait les pommes d'or des Hespérides. Hérodote dans ses Histoires faisait référence à des serpents ailés gardant les arbres à épices en Arabie[a],[8].

Représentations dans l'art[modifier | modifier le code]

Représentation d'un peridexion du manuscrit Harley.

L'arbre péridexion est représenté dans les manuscrits enluminés de la période médiévale. C'est le cas d'un bestiaire, le « Houghton Library, MS Typ 101 (cat. n° 28) », conservé à la Houghton Library à Cambridge (Massachusetts, États-Unis). Ce manuscrit a été copié directement à partir d'un manuscrit antérieur de la Bibliothèque nationale de Russie, « Lat. Q.v.III. 1 », où le Péridexion apparaît en marginalia. C'est la seule dans tout le manuscrit, car aucun espace n'a été laissé pour une miniature après la rédaction du texte[9]. Les représentations ultérieures dans les bestiaires montrent le serpent comme se faufilant à travers le tronc ou sifflant sous l'arbre. Ce dernier se trouve dans le Physiologus de Berne. D'autres représentations figurent deux dragons, posés symétriquement, les colombes étant également symétriques dans l'arbre[4]. Il est également présent dans l'architecture européenne, notamment dans un chapiteau issu de la basilique Saint-Urbain de Troyes, conservée au Louvre[10].

Son imagerie est référencée sur les portes de la cathédrale de Gniezno (Pologne), où des colombes s'abritant dans l'arbre sont mises en parallèle avec Saint Adalbert de Prague se réfugiant dans un monastère de Rome. Cette représentation diffère des représentations médiévales typiques. Ici, le dragon n'est pas Satan, mais les Prussiens qu'Adalbert a voulu convertir au christianisme et qui l'ont exécuté. L'arbre est surmonté d'un coq dans une allusion au Reniement de Pierre. Ici, le futur saint doit quitter la sécurité de l'arbre pour sa mission, ce qui est à l'opposé du sens originel de la fable[11].

Notes et Références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Hérodote Histoires, Livre II. Euterpe, LXXV. (75) "Il y a, dans l'Arabie, assez près de la ville de Buto, un lieu où je me rendis pour m'informer des serpents ailés. Je vis à mon arrivée une quantité prodigieuse d'os et d'épines du dos de ces serpents. Il y en avait des tas épars de tous les côtés, de grands, de moyens et de petits. Le lieu où sont ces os amoncelés se trouve à l'endroit où une gorge resserrée entre des montagnes débouche dans une vaste plaine qui touche à celle de l'Égypte. On dit que ces serpents ailés volent d'Arabie en Égypte dès le commencement du printemps ; mais que les ibis, allant à leur rencontre à l'endroit où ce défilé aboutit à la plaine, les empêchent de passer, et les tuent. Les Arabes assurent que c'est en reconnaissance de ce service que les Égyptiens ont une grande vénération pour l'ibis ; et les Égyptiens conviennent eux-mêmes que c'est la raison pour laquelle ils honorent ces oiseaux." (lire en ligne) Livre III. Thalie, CVII. & CIX. (107 & 109) "Du côté du midi, l'Arabie est le dernier des pays habités. C'est aussi le seul où l'on trouve l'encens, la myrrhe, la cannelle, le cinnamome, le lédanon. Les Arabes recueillent toutes ces choses avec beaucoup de peine, excepté la myrrhe. Pour récolter l'encens, ils font brûler sous les arbres qui le donnent une gomme appelée styrax, que les Phéniciens apportent aux Grecs. Ils brûlent cette gomme pour écarter une multitude de petits serpents volants, d'espèces différentes, qui gardent ces arbres, et qui ne les quitteraient pas sans la fumée du styrax. Ce sont ces sortes de serpents qui volent par troupes vers l'Égypte. [...] Au reste, il y a des vipères par toute la terre ; mais on ne voit qu'en Arabie des serpents ailés ; ils s'y trouvent en très grand nombre." (lire en ligne)

Références[modifier | modifier le code]

  1. Cf. Le Physiologos, le bestiaire des bestiaires, par Arnaud Zucker, éd. Jérôme Millon, 2004, p. 12.
  2. Henry George Liddell & Robert Scott (1940). "περιδέξιος". A Greek–English Lexicon. Révisé et augmenté par Henry Stuart Jones (en) et Roderick McKenzie. Oxford: Clarendon Press.
  3. "Folio 64v - Of bees, continued. De arbore que dicitur perindens; Of the tree called perindens". The Aberdeen Bestiary.
  4. a et b J. Holli Wheatcroft (2013). Debra Higgs Strickland (ed.). The Mark of the Beast: The Medieval Bestiary in Art, Life, and Literature. New York: Routledge. pp. 146–147. ISBN 978-1-135-66038-3. OCLC 861692797.
  5. Physiologus. Michael Joseph Curley. Chicago: University of Chicago Press. 2009. p. 28. ISBN 978-0-226-12871-9. OCLC 489110740.
  6. Ilya Dines (2007). "A French modeled English bestiary: Wormsley Library MS BM 3747". Mediaevistik. 20: 37–47. ISSN 0934-7453.
  7. Physiologus griechisch/deutsch (en allemand). Otto Schönberger. Stuttgart: Reclam. 2001. p. 122. ISBN 978-3-15-018124-9. OCLC 231872028.
  8. Alexander Kulik (2010). 3 Baruch: Greek-Slavonic Apocalypse of Baruch. Berlin: Walter de Gruyter. p. 194. ISBN 978-3-11-021249-5. OCLC 635947403.
  9. Elizabeth Morrison (2019). Book of Beasts: the Bestiary in the Medieval World. Larisa Grollemond. Los Angeles: Getty Publications. pp. 60–62. ISBN 978-1-60606-590-7. OCLC 1049576705.
  10. Emile Mâle L'art religieux du XIIIe siècle en France : étude sur l'iconographie du moyen age et sur ses sources d'inspiration, 1910, Paris, Librairie Armand Colin (Voir le chapiteau en ligne).
  11. Tomasz Węcławowicz (2020). "The "Forest of Symbols" on the Romanesque bronze doors at Gniezno Cathedral Church". Romanesque Saints, Shrines, and Pilgrimage (1ère édition). Abingdon-on-Thames: Routledge. p. 261. ISBN 9780429260162.

Voir aussi[modifier | modifier le code]