Parasitisme social (délit)

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Cette affiche de propagande soviétique encourage la dékoulakisation, en présentant les Koulaks comme des thésauriseurs.

Le parasitisme social était un crime politique en URSS dont l'auteur était accusé de vivre aux dépens des autres ou de la société. Des intellectuels et des dissidents soviétiques furent accusés de ce crime, notamment Joseph Brodsky, Iosif Begun, Vladimir Voinovich, Lev Kopelev et Andrei Amalrik[1] ainsi que nombreux mendiants[2].

En Union soviétique[modifier | modifier le code]

Le poète russe Joseph Brodsky (1940-1996) a été condamné en 1964 à cinq ans de travaux forcés dans l'oblast d'Arkhangelsk pour « parasitisme social ». En 1987, il remporte le prix Nobel de littérature .

En Union soviétique, qui s'est déclarée État ouvrier, toute personne adulte valide était censée travailler jusqu'à sa retraite. Le chômage fut ainsi officiellement et théoriquement aboli. Les individus refusant de travailler, d'étudier ou de servir d'une autre manière risquaient d'être pénalement accusés de parasitisme social ( russe : тунеядство)[3], conformément au principe socialiste « De chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins »[4].

En 1961, 130 000 personnes furent identifiées comme menant un « mode de vie antisocial et parasitaire » dans la République socialiste fédérative soviétique de Russie[5]. Des accusations de parasitisme étaient fréquemment portées contre des dissidents et des refusniks, dont beaucoup étaient des intellectuels. Leurs écrits étant considérés comme contestataires, l’État leurs bloqua l'obtention d'un emploi. Afin d'éviter un procès pour parasitisme, beaucoup d'entre eux acceptèrent des emplois peu qualifiés (mais parfois peu chronophages tels que balayeurs de rues, chauffeurs de chaufferie, etc.) leurs permettant de poursuivre leurs autres activités.

Par exemple, le poète russe Joseph Brodsky a été accusé de parasitisme social[6] par les autorités soviétiques. Un procès tenu en 1964 a révélé que les petits métiers qu'il exerçait ainsi que sa fonction de poète ne constituaient pas une contribution suffisante à la société.

En Biélorussie[modifier | modifier le code]

En 2015, le dictateur Alexandre Loukachenko a introduit un nouveau décret portant sur « sur la prévention du parasitisme social » prévoyant que les individus travaillant mois de six mois par an paient une taxe annuelle de 158 euros. Ce texte rappelant à bien des égards les lois de l'URSS contre le parasitisme social, beaucoup le rebaptisèrent officieusement « décret sur les parasites ».

Dans le faits, ce projet projet concernait une population très hétéroclite tel que des entrepreneurs indépendants, des retraités réalisant des petits métiers ou les sans-emploi non inscrits au chômage, démarche impliquant la réalisation de travaux communautaires pour une très faible rétribution. Cela concernait donc 470 000 personnes sur une population de 10 millions, dont l’emblématique écrivaine Svetlana Alexievitch, lauréate du prix Nobel en 2015, rebaptisée « parasite social »[7],[8],[9].

Cet impôt a provoqué des manifestations massives au printemps 2017[7] qui poussèrent le pouvoir à un aménagement du dispositif sans abrogation du décret. Depuis 1er janvier 2019, les personnes « aptes au travail », mais comptabilisées comme économiquement inactives, doivent payer au plein tarif les services collectifs communaux subventionnés par l’Etat tels que l'eau, le logement ou le chauffage[10].

En Roumanie[modifier | modifier le code]

Le régime communiste de Nicolae Ceaușescu a criminalisé le parasitisme social par décret en 1970. La dictature considérait les jeunes comme des individus potentiellement déstabilisateurs et ciblait ceux qui ne correspondaient pas aux normes socialistes. Les citoyens pourraient être arrêtés s'ils étaient trouvés dans les rues à des heures où ils auraient dû être au travail ou à l'école. Les peines encourues allaient d'un emprisonnement d'un à six mois ou une amende de 1 000 à 5 000 lei.

Une loi de 1976 a élargi la lutte contre le parasitisme, déclarant que si une personne apte au travail refusait un emploi, elle pouvait être contrainte par décision de justice à travailler pendant un an sur des chantiers de construction, dans des fermes, dans des forêts ou dans des usines. La milice était chargée du respect des mesures et ses actions étaient souvent arbitraires.

Références[modifier | modifier le code]

  1. Those who do not work must be put under arrest (Russian), a gallery of intellectuals accused of the crime of "parasitism", Kommersant
  2. (en) Elena Zubkova, « Les exclus: Le phénomène de la mendicité dans l'Union soviétique d'après-guerre », Annales. Histoire, Sciences Sociales, vol. 68, no 2,‎ , p. 357–388 (ISSN 0395-2649 et 1953-8146, DOI 10.1017/S0395264900012415, lire en ligne, consulté le )
  3. Questions of criminal responsibility for the parasitic way of life (Russian), by B.G. Pavlov, Jurisprudence, Leningrad University
  4. Paul R. Gregory et Robert C. Stuart, Comparing Economic Systems in the Twenty-First Century, South-Western College Pub, (ISBN 0-618-26181-8), p. 118 :

    « Under socialism, each individual would be expected to contribute according to capability, and rewards would be distributed in proportion to that contribution. »

  5. Yevgenii Zhirnov, Внушить полезный страх (To inflict helpful fear), (Russian), Kommersant, 2011-04-25(retrieved December 26, 2001)
  6. « Saint-Pétersbourg: le 18 février 1964, Joseph Brodsky le poète exilé », sur Le Figaro, (consulté le )
  7. a et b « En Biélorussie, la révolte des « parasites » fait plier le pouvoir », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  8. Veronika Dorman, « Biélorussie : bras de fer entre le pouvoir et les «parasites» », sur Libération (consulté le )
  9. « En Biélorussie, la révolte des « parasites » », La Croix,‎ (ISSN 0242-6056, lire en ligne, consulté le )
  10. « Situation sociale et syndicale au Belarus | CGT », sur www.cgt.fr (consulté le )