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Noosphère

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Vladimir Vernadski, 1934

La noosphère (prononcé : /no.o.sfɛʁ/, selon la pensée de Vladimir Vernadski[1] et Pierre Teilhard de Chardin, désigne la « sphère de la pensée humaine[2] ».

Le mot « noosphère » est dérivé des mots grecs νοῦς / noûs, « l'esprit » et σφαῖρα / sphaîra, « sphère »), par analogie lexicale avec « atmosphère » et « biosphère[3] ». Ce néologisme a été introduit en 1922[4] par Teilhard de Chardin dans sa « cosmogénèse »[5].

Une autre possibilité est la première utilisation du terme par Édouard Le Roy qui était, avec Teilhard, auditeur des conférences de Vladimir Vernadski à la Sorbonne. En 1936, Vernadski accepte l'idée de noosphère dans une lettre à Boris Leonidovitch Lichkov (cependant, il affirme que le concept dérive de Le Roy[6]).

Dans la théorie originelle de Vernadski, la noosphère est la troisième d'une succession de phases de développement de la Terre, après la géosphère (matière inanimée) et la biosphère (la vie biologique). Tout comme l'émergence de la vie a fondamentalement transformé la géosphère, l'émergence de la cognition humaine transforme fondamentalement la biosphère.

Développement

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Le mot, développé par Pierre Teilhard de Chardin dans Le Phénomène humain[7], a été inventé par Vladimir Vernadski[8].

« [C]’est vraiment une nappe nouvelle, la « nappe pensante », qui, après avoir germé au Tertiaire finissant, s’étale depuis lors par-dessus le monde des Plantes et des Animaux : hors et au-dessus de la Biosphère, une Noosphère[9]. »

Teilhard de Chardin a développé sa vision d’une humanité en voie de « planétisation[10] » (ce qui se rapproche du terme contemporain de « mondialisation », avec une connotation plus spirituelle). C'est la vision d'une humanité dont l’imaginaire, les pensées, les idées, les découvertes, en d'autres termes le psychisme ou la conscience tissent progressivement une « noosphère » de plus en plus serrée et dense, génératrice de toujours plus de conscience, et d’une conscience de plus en plus solidaire, de plus en plus planétaire. Par « noosphère », Teilhard désigne le milieu, ou la dimension, de pensée et de conscience qui, depuis le début de la vie sur Terre a progressivement évolué pour finir par envelopper et imprégner toute la biosphère, à la manière d’une autre atmosphère, faite cette fois non pas d’oxygène, mais de psychisme. Parce que l’humanité se multiplie et se répand sans cesse à la surface d’une terre limitée géographiquement, Teilhard voit les humains se resserrer les uns sur les autres, et cette densification de l’humanité équivaut pour lui à une densification de la noosphère, donc une intensification de la conscience. Cette densification progressive amène à un retournement sur elle-même de la conscience, phénomène que Teilhard appelle « le Réfléchi[11] ».

La noosphère se juxtapose à la lithosphère (la masse inerte), à la biosphère (la masse vivante des procaryotes), à l'écosphère (la masse vivante des eucaryotes), et à la sociosphère (ensemble des relations humaines et/ou écologiques). Englobant l'ensemble de l'activité intellectuelle de la Terre, il s'agit d'une sorte de « conscience collective de l'humanité » qui regroupe toutes les activités cérébrales et mécaniques de mémorisation et de traitement de l'information[12].

À partir du milieu du XXe siècle, les géographes commencent à considérer les éléments culturels et immatériels en plus des réalités matérielles. Pierre Deffontaines écrit ainsi que « le plus grand événement dans l’histoire géographique de la Terre, ce n’est pas tel plissement de montagne, tel déplacement de mer, telle modification de climat, c’est l’apparition avec l’humain d’une sorte de sphère spéciale, plus extraordinaire que la pyrosphère, l’hydrosphère, l’atmosphère ou même la biosphère ; ce qu’on pourrait appeler la sphère pensante, que le R. P. Teilhard de Chardin a appelé la « noosphère », enveloppe immatérielle sans doute, qui cependant s’inscrit matériellement dans le paysage[13] ».

Le système politique et social qui résulterait de la noosphère a été désigné sous le nom de noocratie.

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Articles connexes

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Notes et références

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  1. Georgy S. Levit: Biogeochemistry, Biosphere, Noosphere: The Growth of the Theoretical System of Vladimir Ivanovich Vernadsky (1863-1945) (ISBN 3-86135-351-2)
  2. Georgy S. Levit: The Biosphere and the Noosphere Theories of V. I. Vernadsky and P. Teilhard de Chardin: A Methodological Essay, International Archives on the History of Science/Archives internationales d'histoire des sciences, 50 (144), 2000, p. 160-176, sur le site uni-jena.de.
  3. « […] il définit la noosphère comme « la strate pensante de la biosphère » ainsi que « l'unité consciente des âmes » », David H. Lane, 1996, The Phenomenon of Teilhard : Prophet for a New Age, p. 4, sur Googlebooks.
  4. En 1922, Teilhard de Chardin écrit, dans un essai intitulé Hominisation : « Et ceci nous conduit à imaginer, d'une façon ou d'une autre, au-delà de la biosphère animale une sphère humaine, une sphère de la réflexion, de l'invention consciente, des âmes conscientes (la noosphère, si vous voulez). » (1966, p. 63) ; voir Hominization (1923), The Vision of the Past, pages 71, 230, 261 sur Googlebooks.
  5. (ru) Sur le site de Tambov State Technical University, « The Prominent Russian Scientist V.I.Vernadsky », en russe.
  6. (en) Vladimir I. Vernadsky, « Some words about the Noosphère » Accès libre [PDF], sur 21sci-tech.com, (consulté le ).
  7. Le Phénomène humain. Paris : Seuil, 1955.
  8. Vladimir I. Vernadsky, « The Biosphere and the Noosphere », American Scientist, (janvier) 1945, 33(1), p. 1-12.
  9. Pierre Teilhard de Chardin, Le phénomène humain. Paris : Seuil, 1955. p. 179.
  10. Pierre Teilhard de Chardin, L’Avenir de l’homme, Paris : Seuil, 1959. p. 157.
  11. L’avenir de l’homme, p. 359.
  12. Daniel S. Larangé, L'Esprit de la Lettre. Pour une sémiotique des représentations du spirituel dans la littérature française des XXe et XXe siècles, Paris: L'Harmattan, 2009, p. 370-375.
  13. Deffontaines, Géographie des religions, Paris, Gallimard, 1948 cité in Georges Benko, Ulf Strohmayer (dir.), Horizons géographiques, Bréal, 2004, p. 260.

Bibliographie

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