Garantie de marché

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Une garantie de marché (ou mécanisme de garantie de marché, abrégé en AMC pour Advance Market Commitment) est un engagement à acheter ou subventionner un produit s'il est développé avec succès. Les garanties de marché sont généralement proposées par des gouvernements ou des fondations pour encourager le développement de vaccins ou de traitements. En échange, les entreprises pharmaceutiques s’engagent à fournir des doses à un prix fixe. Ce mécanisme de financement est utilisé lorsque la recherche et développement est trop couteuse pour être rentable pour le secteur privé sans garantie d'une certaine quantité de ventes.

L’idée d’une garantie de marché pour des vaccins a été développée par les économistes dans les années 2000. Cette idée a été appliquée pour financer le vaccin contre le pneumocoque. Pendant la crise du covid-19, l’AMC COVAX a fourni 1,8 milliard de doses de vaccin à 87 pays à revenu faible ou intermédiaire[1]. Les AMC pourraient être utilisées pour encourager la recherche sur des vaccins universels, ce qui contribuerait à la préparation aux pandémies. Une AMC a également été lancée pour la mise en place d'une élimination du dioxide de carbone atmosphérique qui réponde à certaines spécifications techniques.

Description[modifier | modifier le code]

Dans le cas des vaccins, une garantie de marché est un contrat entre trois types de parties : les donateurs, les pays bénéficiaires et les entreprises[2]. Les donateurs promettent de subventionner largement les vaccins qui répondent à certaines conditions d’éligibilité, jusqu’à un nombre fixe de doses. Par exemple, un fonds mondial peut garantir un prix de 15€ pour les 200 premiers millions de doses d'un vaccin, et en payer 14€, à condition que ce vaccin ait une efficacité supérieure à 70 %. Les pays bénéficiaires acceptent de payer le reste (1€ dans l’exemple). Ce petit copaiement garantit l'existence d'une demande réelle pour les vaccins. En échange, les entreprises s'engagent à fournir les doses suivantes à un prix modique, proche du coût de production. Dans cet exemple, les entreprises qui développent un vaccin éligible bénéficieraient du prix élevé de 15€ pour les premières 200 millions de doses, mais devraient fournir toutes les doses ultérieures à un faible prix, comme 1€ par dose[2]. Cette stipulation garantit que le produit reste accessible à long terme pour les pays en développement[2].

Origines de l'idée[modifier | modifier le code]

En 1998, Michael Kremer publie un article universitaire sur le rachat de brevets : il affirme que les gouvernements pourraient améliorer l'accès aux traitements en achetant des brevets et en les plaçant dans le domaine public[3]. Inspiré par ses expériences au Kenya, où il a contracté le paludisme, il propose ensuite l'idée d'un « garantie d'achat de vaccins » pour encourager la recherche sur les maladies négligées[4],[5]. En 2001, un rapport britannique mentionne qu'un éventuel fonds mondial de lutte contre le VIH/SIDA, le paludisme et la tuberculose pourrait également garantir des achats futurs[6]. Cette idée continue à gagner du terrain en 2004, lorsque Michael Kremer et Rachel Glennerster publient un livre en faveur de cette idée[5]. L'année suivante, le Center for Global Development publie un rapport sur le sujet[2]. En 2006, le G8 envisage de mettre en place un « mécanisme de garantie de marché » (advance market commitment), et cette expression est utilisée dans un article académique estimant le rapport efficacité-prix de cette mesure[7].

Applications[modifier | modifier le code]

Infections à pneumocoque[modifier | modifier le code]

La couverture vaccinale a augmenté plus rapidement pour le pneumocoque que pour le rotavirus, dont le vaccin ne bénéficiaient pas d’une garantie de marché.

Le premier mécanisme de garantie de marchée a été lancé en 2009 par GAVI, la Banque mondiale, l'OMS, l'UNICEF, cinq gouvernements nationaux, et la Fondation Gates[8]. Il ciblait les infections à pneumocoque. Selon une estimation de l'OMS de 2005, les infections à pneumocoque tuaientt à cette époque 1,6 million de personnes chaque année, principalement dans les pays du Sud[9]. Les donateurs de l'AMC ont fourni 1,5 milliard de dollars pour subventionner les doses de vaccin[8], à un prix initial de 3,5 dollars par dose[10]. En 2010, GSK et Pfizer se sont chacune engagées à fournir 30 millions de doses par an[11]. En 2020, le Serum Institute of India a commencé à produire un troisième vaccin à 2$ par dose[12],[13],[14]. Le mécanisme de garanti de marché du vaccin contre le pneumocoque a officiellement pris fin en 2020[15]. Les derniers contrats avec les fabricants s'étendent jusqu’en 2029[15].

En 2021, le cabinet de conseil Dalberg a publié un rapport évaluant l'impact de l'AMC[15]. Selon ce rapport, l’AMC n'a visiblement pas accéléré l'invention de nouveaux vaccins. Cependant, l’AMC a conduit les fabricants à développer des flacons multidoses, ce qui a contribué à réduire le coût par dose. Malgré les retards initiaux de production, le nombre de doses distribuées chaque année est passé de 3 millions en 2010 à 150 millions en 2015. Les pays bénéficiaires ont introduit les vaccins contre le pneumocoque plus rapidement que les vaccins contre le papillomavirus ou le rotavirus, qui ne bénéficiaient pas d'une garantie de marché. Dans l’ensemble, le rapport Dalberg estime que l’AMC a probablement réussi à augmenter la couverture vaccinale, ce qui a permis de sauver davantage de vies[15]. Cependant, il est difficile de quantifier l’efficacité du programme en raison de l’absence d'un contrefactuel auquel le comparer[11],[15].

L’AMC s’est avérée relativement inefficace pour faire baisser le prix des vaccins[15]. Avant l'arrivée du vaccin du Serum Institute of India, Médecins sans frontières a plusieurs fois critiqué l'AMC, lui reprochant d'accorder des subventions excessives à GSK et Pfizer[16],[17],[18].

COVID-19[modifier | modifier le code]

"A person with a respiratory mask and UNICEF t-shirt is touching a shipment of Covid-19 vaccines, delivered to Vietnam in 2021 as part of the COVAX advance market commitment.
Une cargaison de vaccins livrée au Vietnam dans le cadre de l’AMC COVAX

Préparation aux pandémies[modifier | modifier le code]

Élimination du carbone[modifier | modifier le code]

En décembre 2021, une garantie de marché pour l'élimination du carbone est proposée pour la première fois dans un essai Politico par les économistes Susan Athey, Rachel Glennerster, Christopher Snyder, et par Nan Ransohoff[19].

En avril 2022, l'entreprise Stripe lance Frontier Climate, une garantie d'« acheter une première somme de 925 millions de dollars pour l'élimination permanente de carbone entre 2022 et 2030 »[20]. Nan Ransohoff, qui dirige le projet, a déclaré au journal The Atlantic que le marché de l'élimination du carbone devrait atteindre 1 000 milliards de dollars par an[21].

Comparaison avec d'autres mécanismes de financement[modifier | modifier le code]

Références[modifier | modifier le code]

  1. (en) « COVID-19 Market Dashboard | UNICEF Supply Division », www.unicef.org (consulté le )
  2. a b c et d (en) « Making Markets for Vaccines: Ideas to Action », Center For Global Development (consulté le )
  3. Kremer, « Patent Buyouts: A Mechanism for Encouraging Innovation », The Quarterly Journal of Economics, vol. 113, no 4,‎ , p. 1137–1167 (ISSN 0033-5533, DOI 10.1162/003355398555865, JSTOR 2586977, S2CID 31023203, lire en ligne)
  4. (en) Kremer, « Creating Markets for New Vaccines. Part I: Rationale », Innovation Policy and the Economy, vol. 1,‎ , p. 35–72 (ISSN 1531-3468, DOI 10.1086/ipe.1.25056141, S2CID 153622261, lire en ligne)
  5. a et b Michael Kremer et Rachel Glennerster, Strong medicine: creating incentives for pharmaceutical research on neglected diseases, Princeton, N.J., Princeton Univ. Press, (ISBN 978-0-691-12113-0)
  6. Kvåle, « Tackling the diseases of poverty », The Lancet, vol. 358, no 9284,‎ , p. 845–846 (ISSN 0140-6736, PMID 11570414, DOI 10.1016/s0140-6736(01)05996-7, lire en ligne)
  7. (en) Berndt, Glennerster, Kremer et Lee, « Advance market commitments for vaccines against neglected diseases: estimating costs and effectiveness », Health Economics, vol. 16, no 5,‎ , p. 491–511 (ISSN 1057-9230, PMID 17013993, DOI 10.1002/hec.1176, S2CID 10511922, lire en ligne)
  8. a et b « GAVI partners fulfill promise to fight pneumococcal disease » [archive du ], gavi.org
  9. World Health Organization, « Pneumococcal conjugate vaccine for childhood immunization—WHO position paper », Weekly Epidemiological Record, no 12,‎ (ISSN 0049-8114, lire en ligne)
  10. (en) Nayar, « Pneumococcal vaccine rolls out in developing world », Nature,‎ (ISSN 1476-4687, DOI 10.1038/news.2011.89, lire en ligne)
  11. a et b (en) Kremer, Levin et Snyder, « Advance Market Commitments: Insights from Theory and Experience », AEA Papers and Proceedings, vol. 110,‎ , p. 269–273 (ISSN 2574-0768, DOI 10.1257/pandp.20201017, lire en ligne)
  12. (en-US) « Pneumonia vaccine price drops dramatically for lower-income countries thanks to the Gavi pneumococcal Advance Market Commitment », India Education | Latest Education News | Global Educational News | Recent Educational News, (consulté le )
  13. (en) « Supply agreements », www.gavi.org, (consulté le )
  14. Usher, « Low-cost pneumonia vaccine breaks into global market », The Lancet, vol. 393, no 10185,‎ , p. 2025–2026 (ISSN 0140-6736, PMID 31106739, DOI 10.1016/s0140-6736(19)31084-0, S2CID 155105175, lire en ligne)
  15. a b c d e et f Dalberg, Mécanisme pilote de garantie de marché du vaccin conjugué contre le pneumocoque (VPC) de Gavi : 2e évaluation des résultats et de l’impact, (lire en ligne)
  16. (en) « Access: MSF launches global action against Pfizer and GlaxoSmithKline to cut the price of the pneumonia vaccine | MSF », Médecins Sans Frontières (MSF) International, (consulté le )
  17. (en) « Gavi should stop awarding special funds to Pfizer and GSK for pneumonia vaccine », Médecins Sans Frontières (MSF) International, (consulté le )
  18. (en) « Pfizer and GSK should not get huge subsidy for pneumonia vaccine | MSF », Médecins Sans Frontières (MSF) International, (consulté le )
  19. (en) « Opinion | Advance Market Commitments Worked for Vaccines. They Could Work for Carbon Removal, Too. », Politico, (consulté le )
  20. (en-GB) « An advance market commitment to accelerate carbon removal », frontierclimate.com (consulté le )
  21. (en) Meyer, « We've Never Seen a Carbon-Removal Plan Like This Before », The Atlantic, (consulté le )