Construction hors site

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La construction hors site est une méthode qui vise à déporter tout ou partie de la construction d’un bâtiment hors du lieu sur lequel il est érigé. Ce terme englobe la notion de préfabrication tout en tenant compte des enjeux contemporains auxquels le secteur du bâtiment est confronté: carbone, filières locales, qualité de vie au travail, qualité architecturale et d’usage[1]. Les éléments de structure, de façade, des blocs entiers (cuisines, salles de bain) sont conçus numériquement via le BIM (building information modeling) avant d’être fabriqués en usine et acheminés sur le chantier. Ainsi, 80 à 85% des travaux d’un bâtiment pourraient être réalisés en usine (actuellement à peine 10%), ce qui permet de conduire simultanément des phases qui, traditionnellement, sont réalisées successivement sur un chantier[2].

Cette technique permettrait de rationaliser la construction, d’améliorer les conditions de travail des ouvriers et de réduire les nuisances pour les riverains tout optimisant la durée du chantier et en favorisant la réversibilité des bâtiments[1].

Historique[modifier | modifier le code]

La préfabrication d’éléments de construction date de la révolution industrielle[3], et notamment de l’adoption aux Etats-Unis du mode de construction du balloon frame qui se développe à partir des années 1830. Appliqué aux maisons individuelles, elle donne naissance aux nombreuses maison en kit comme les maisons Sears imaginées par l’entreprise éponyme en 1908.

Le développement des ossature en acier, et des premiers gratte-ciels, conduit lui à la production industrielle d’éléments en acier, assemblé sut site. En 1930, la construction de l’Empire State building, gratte-ciel emblématique de la ville de New-York,  est réalisé en un an et 45 jours grâce à des éléments préfabriqué, qui ont permis d’élever un étage par jour, soit sept par semaine[4].

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, Walter Gropius et Konrad Wachsmann imaginent un nouveau type de maisons individuelles préfabriquées reposant sur une trame de panneaux en bois et sur un assemblage métallique sans jonction apparente. Ces maisons appelées sont Packaged Houses se répendent aux États-Unis de 1942 à 1952 [5]et constituent une source d’inspiration pour les immeubles de grande hauteur de la reconstruction[6].

L’Empire State building, gratte-ciel emblématique de la ville de New-York, réalisé en un an et 45 jours grâce à des éléments préfabriqué.

En France, la période de Seconde Reconstruction est l’occasion d’un foisonnement de «procédés non traditionnels de construction», mis en œuvre au travers d’opérations expérimentales dans les grands ensembles. Les débats se concentrent immédiatement sur la préfabrication, nouveau mode de production théorisé en 1946 par l’architecte Pol Abraham dans son ouvrage intitulé Architecture préfabriquée[7]. Cette technique est nouvellement associée à l’utilisation du béton, elle l’était auparavant à l’acier. Les formes les plus simples sont privilégiées, à l’instar des tours et des barres. Les éléments, fabriqués dans une usine éphémère créée à proximité du chantier, glissent le long d’un rail à l’aide d’une grue[8]. Cependant, les grands ensembles édifiés à cette époque se dégradent rapidement en raison de leur mauvaise conception et de leur enclavement. Ils entraînant dans leur chute la réputation de la préfabrication dans le secteur de la construction immobilière[9].

Terminologie[modifier | modifier le code]

Le terme de construction hors site provient de l’anglais offsite construction, qui s’est développé à partir des années 90, pour prendre en compte les évolutions technologiques en matière de design, d’ingénierie et d’industrialisation appliqués au secteur de la construction[10]. Il fait l’objet de travaux de recherches de plus en plus soutenus à partir des années 2010[11].

Politiques publiques[modifier | modifier le code]

Au Royaume-Uni[modifier | modifier le code]

Dès 2004, une étude du département d’ingénierie civile de l’université de Loughborough pointe l’intérêt de la construction hors-site pour la production de bâtiments de qualité[12].

En 2017, le gouvernement britannique commande un rapport sur la construction qui souligne les faiblesses des modes de construction traditionnels, leur manque de productivité notamment et affirme la nécessité de massifier le hors site. En 2020, le ministère de l’éducation britannique annonce un investissement de 3 milliards de livres sterling pour construire 120 écoles en 4 ans, en construction hors site[13].

En France[modifier | modifier le code]

La loi ELAN (Loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique), promulguée le 23 novembre 2018 vise à réformer le droit de l’immobilier. Elle prévoit notamment une mesure pour réduire les freins à la préfabrication en vertu des avantages que cela présente: qualité, rapidité de la construction, rationalisation de la production, diminution des désagréments en lien avec le chantier et le meilleur emploi des ressources. La loi prévoit également la mise en place d’un échéancier spécifique à la préfabrication de maisons individuelles plus adapté à l’avancement des chantiers préfabriqués[14].

En novembre 2022, le Conseil économique, social et environnemental publie un rapport sur les techniques de construction dans lequel il préconise la construction hors-site, notamment dans le cadre de rénovations[15]. A la suite des conclusions du Conseil national de la refondation lancé en 2022 par le ministre délégué à la ville et au logement Christophe Béchu, les principaux maîtres d’ouvrage franciliens, ont signé en juin 2023 une charte et créée une association pour le développement de la construction hors site.  L’initiative prise par Grand Paris Aménagement immobilière 3F et la Société du Grand Paris vise à lutter contre la crise du logement et à participer à la transition écologique et à la réindustrialisation[16].

Réalisations[modifier | modifier le code]

122 Leadenhall, Londres, Richard Rogers (2014)

122, Lendenhall, Londres[modifier | modifier le code]

Cette tour de 225 mètres de haut, terminée en 2014 et conçue par l’architecte Richard Rogers a été réalisée à 80% hors site[17].

Hôtel Jakarta, Amsterdam

Hôtel Jakarta, Amsterdam[modifier | modifier le code]

Hôtel de 30m de hauteur en structure bois conçu par l’agence SeArch architecture - 176 des 200 chambres ont été livrées entièrement préfabriquées[18].

Tour Hyperion, Bordeaux[modifier | modifier le code]

La plus haute tour en structure bois en France, livrée en 2021 a été conçue par l’architecte Jean-Paul Viguier. Elle compte 182 logements, sur 16 étages et a été construit essentiellement hors site[19].

Entreprises de construction hors site[modifier | modifier le code]

En France[modifier | modifier le code]

GA Smart Building[modifier | modifier le code]

GA Smart Building est le pionnier de la construction hors-site en France[20]. L’approche hors site de ce promoteur et constructeur remonte aux années 1970. Il dispose de huit usines française, trois pour le bois dans la Loire et dans les Vosges, trois dans le béton, en Normandie, dans le Grand-Est et en région Occitanie, un d’équipement de confort thermique et lumineux et une dernière pour les menuiseries[21].

Woodeum[modifier | modifier le code]

Woodeum est une entreprise de promotion spécialisée dans la construction bois. Créée par Guillaume Poitrinal et Philippe Zivkovic en 2014, elle a été rachetée par Altarea en 2023[22]. Woodeum accompagne désormais Altarea dans sa production de logement.

Eiffage construction[modifier | modifier le code]

Eiffage Construction propose une solution de construction industrialisée. Appelée Eiffage construction industrie, ce produit de construction hors-site hybride permet à la filiale BTP du groupe Eiffage de se doter d’un outil permettant de fabriquer des modules sanitaires en usine[23].

Vestack[modifier | modifier le code]

Vestack est une start-up née en 2019, elle conçoit des bâtiments modulaires à base de matériaux biosourcés à destination des promoteurs immobiliers. Elle pratique la construction hors site[24].

A l'étranger[modifier | modifier le code]

TopHat[modifier | modifier le code]

TopHat est une start-up anglaise fondée en 2016, ils sont leader de la construction industrielle hors site. Son premier chantier résidentiel a commencé en 2018 et s’est achevé en 2019. L’entreprise a reçu un investissement en capital de la part de Goldman Sachs[25].

Full Stack Modular[modifier | modifier le code]

Full Stack Modular est un acteur américain du hors-site, sont usine est installée à Brooklyn depuis 2016[26].

Références[modifier | modifier le code]

  1. a et b Groupe de travail des maîtrises d’ouvrage signataires de la Charte pour le développement de la construction hors-site, « Référentiel de la construction hors-site »,
  2. Selon le rapport du ministère chargé du logement sur l’industrialisation de la construction, Bernard Michel et Robin Rivaton, janvier 2021.
  3. Exposition "Hors site (mais pas hors sol)", Maison de l'architecture, 28 septembre - 30 novembre 2023
  4. (en) Carol Willis, Building the Empire State, WW Norton & Co,
  5. Virginie Speight, « « La maison prête à l’emploi sera bientôt le principal produit de l’industrie », Walter Gropius », Hors site,‎ (lire en ligne Accès libre)
  6. (en) « The Packaged House: A Wartime Proposal by Walter Gropius and Konrad Wachsmann », MIT Press,‎ (lire en ligne Accès libre)
  7. Paul Abraham, Architecture préfabriquée, Paris, Dunod, , 140 p.
  8. Yan Delemontey, « Le béton assemblé, Formes et figures de la préfabrication en France, 1947-1952 », Histoire urbaine, vol. 2007/3, no 20,‎ , p. 15 à 38 (lire en ligne)
  9. Bernard Michel et Robin Rivaton, L'industrialisation de la construction, Paris, Ministère chargé du logement, , 60 p. (lire en ligne)
  10. Offsite architecture: constructing the future, Routledge, Taylor & Francis Group, (ISBN 978-1-138-82139-2 et 978-1-138-82137-8)
  11. (en) M. Reza Hosseini, Igor Martek, Edmundas Kazimieras Zavadskas et Ajibade A. Aibinu, « Critical evaluation of off-site construction research: A Scientometric analysis », Automation in Construction, vol. 87,‎ , p. 235–247 (DOI 10.1016/j.autcon.2017.12.002, lire en ligne, consulté le )
  12. Pan, Wei; Dainty, Andrew; Gibb, Alistair (2004). Encouraging appropriate use of Offsite Production (OSP): perspectives of designers. Loughborough University. Conference contribution. https://hdl.handle.net/2134/6441
  13. (en) Stuart Green, « Modernise… or not », Construction Research and Innovation, vol. 7, no 4,‎ , p. 24–27 (ISSN 2045-0249 et 2475-6822, DOI 10.1080/20450249.2016.11874059, lire en ligne, consulté le )
  14. Ministère de la Cohésion des territoires et des relations entre les collectivités territoriales, Loi ELAN, ce qui change pour le secteur de la construction, Paris, , 8 p. (lire en ligne)
  15. Conseil économique, social et environnemental, Pour des bâtiments plus durables grâce à une ambitieuse politique de rénovation, Paris, (lire en ligne)
  16. Anne-Laure Abraham, « Moins polluante, plus rapide... Comment la construction hors site veut révolutionner le secteur du bâtiment », Le Parisien,‎ (lire en ligne)
  17. (en) The leadenhall building, « Using cutting edge construction techniques and the most advanced technologies available. »
  18. Archello, « Hôtel jakarta », sur Archello
  19. Denis Lherm, « Il y a deux ans à Bordeaux Euratlantique, la tour en bois la plus haute de France », Sud Ouest,‎ (lire en ligne Accès limité)
  20. « Faire bouger les lignes de l'immobilier », La Tribune,‎ (lire en ligne)
  21. Stephane Miget, « GA Smart Building, en phase avec sa démarche vertueuse », Hors site,‎ (lire en ligne)
  22. Christophe Palierse, « Altarea absorbe le promoteur Woodeum », Les Echos,‎ (lire en ligne)
  23. Virginie Speight, « Forte attractivité d’Eiffage Construction Industries », Hors site,‎ (lire en ligne)
  24. Camille Wong, « Vestack lève 10,3 millions d'euros pour construire des bâtiments bas carbone », Les Echos,‎ (lire en ligne)
  25. Keys REIM, Construction hors site, , 30 p. (lire en ligne)
  26. Karen P. Rivera, « FullStack Modular’s Bicoastal Moves Are Making Waves », Modular building institute,‎ (lire en ligne)

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Préfabrication

Construction modulaire