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Annie Pootoogook

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Annie Pootoogook
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Naissance
Décès
Voir et modifier les données sur Wikidata (à 47 ans)
OttawaVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité
Activité
Père
Eegyvudluk Pootoogook (en)Voir et modifier les données sur Wikidata
Mère
Napachie Pootoogook (en)Voir et modifier les données sur Wikidata
Parentèle
Distinction

Annie Pootoogook est une artiste canadienne, inuite née le à Cape Dorset (Canada) et décédée le à Ottawa (Ontario, Canada)[1]. Elle s'est fait connaître pour ses illustrations vives et colorées au stylo et aux crayons de couleur de la vie quotidienne de sa communauté de Kinngait (qui était connu sous le nom de Cape Dorset) et plus généralement des Inuits, mais surtout de ses souvenirs et des événements de sa vie.

Annie Pootoogook naît le à Cape Dorset (maintenant reconnue comme Kinngait en Inuktitut) au Canada. Pootoogook a grandi dans une famille d'artistes qui travaillaient tous à la West Baffin Eskimo Co-operative (maintenant connu sous le nom Kinngait Co-operative), l'une des premièrs coopératives d'artistes établies dans le nord en 1960[2]. Sa famille travaillant sur de multiples supports et dans divers styles, Pootoogook s'intéresse dès son plus jeune âge à l'art. Sa mère, Napachie Pootoogook, est une célèbre dessinatrice et graphiste inuite[3]. Son père, Eegyvudluk Pootoogook, est graveur et sculpteur de pierre[4]. Une de ses grands-mères, Pitseolak Ashoona, est une graphiste inuite engagée[5]. La cousine de Pootoogook sera aussi une artiste en dessins de natures mortes et de paysages Nicotye Samayualie[6]. Pootoogook fut également la nièce du graveur Kananginak Pootoogook et la cousine de la dessinatrice Shuvinai Ashoona[7].

Débuts artistiques

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Pootoogook commence sa carrière artistique en 1997 en se joignant à la West Baffin Eskimo Co-operative (précédemment connue sous le nom de Kinngait Studios) à Cape Dorset. Au début de son engagement avec la coopérative, sa liberté artistique demeure limitée[8]. Au début de sa carrière, les directeurs du studio de la Co-op lui ont souvent dit que ses œuvres sur la vie contemporaine des Inuits, commentant sur la consommation et les influences du sud dans le nord, ne se vendraient pas parce qu'elles allaient à l'encontre des thèmes dominants que la Co-op considérait comme intéressant au marché de l'art du sud, qui est dominé par des images de la mythologie inuite ou des scènes de la nature[9].

Entre 2001 et 2007, délaissant la West Baffin Eskimo Co-operative, elle travaille comme artiste indépendante, ce qui lui permet de renforcer son style et ses thématiques, avec plus de mille œuvres sur papier. Sa première exposition individuelle en 2003 à la Galerie d'Art Feheley, marque une étape vers la reconnaissance, y compris à l'extérieur de la communauté inuite[10].

En 2006, après sa résidence, Pootoogook a été nommée la première récipiendaire inuit du prestigieux Sobey Art Award[11]. Une nouvelle catégorie a même été créée pour qu'elle soit nommée : "Prairies & the North". En plus du prix de 50 000 $, Pootoogook a reçu une exposition au Musée des beaux-arts de Montréal. Avec la nouvelle reconnaissance publique de son travail et de ses gains, Pootoogook a décidé de rester à Montréal. Elle a vécu des moments difficiles là-bas sans le soutien de la coopérative et de sa communauté[11]. Bien qu'elle soit retournée à Kinngait pendant quelques mois, elle s'est rapidement déplacé de nouveau vers le sud, cette fois vers la capitale nationale, Ottawa, dans l'espoir d'avoir plus de succès[11]. Au cours de sa carrière, elle a créé plus de 1 000 œuvres sur papier et c'est à cette époque qu'elle a commencé à être reconnue comme une artiste en dehors de la communauté inuite[7].

Ses dessins au stylo et aux crayons de couleur représentent des scènes de la vie contemporaine des Inuits : intérieurs de maison, intimité, alcoolisme, violence, violence domestique, expériences quotidiennes de la vie des femmes du Nord canadien, difficultés rencontrées par les collectivités du Nord, et impact de la technologie sur la vie traditionnelle des Inuits[12].

Son travail est largement inspiré de sa mère Napachie Pootoogook et sa grand-mère Pitseolak Ashoona, toutes deux des artistes inuites reconnues. Ainsi, ses œuvres traduisent et retranscrivent un côté réaliste, sulijuk (« vraie » en Inuktitut). Elle leur attribue des titres descriptifs[13].

Les compositions de Pootoogook utilisent des traits simples, minimalistes, représentant des personnages de face ou de profil. Un effet de profondeur est créé par l'aplatissement des sujets via la perspective. Les dessins contiennent de grands espaces blancs et ses couleurs sont souvent atténuées. L'aspect qualifié de « rudimentaire » ou « enfantin » contribue, ironiquement, au succès public de l’œuvre.

Le motif de l'horloge, typique de Pootoogook, indique l'importance du temps, de la temporalité, qu'il s'agisse de l'artiste comme du monde inuit[14].

Chaque création est originale, unique, non reproductible, étrangère à la tradition de la gravure inuite traditionnelle, et donc de diffusion moindre.

L'œuvre la plus emblématique reste Le Dr Phil, qui montre une jeune fille regardant la série télévisée américaine Dr. Phil dans sa maison de Cape Dorset.

L'influence de la technologie occidentale sur les communautés du Nord se manifeste aussi avec le motif de l'horloge, loin des activités typiques de chasse, de pêche ou de rencontres spirituelles. Ce choix facilite l'appréciation des collectionneurs non inuits, sans doute lassés des motifs traditionnels[15]. La démarche de Pootoogook s'inscrit par conséquent dans un mouvement de diffusion de l'art inuit sans précédent[16].

Reconnaissance et récompenses

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Sa première grande exposition solo a lieu en 2006, à la galerie publique The Power Plant (en)[1] de Toronto (Ontario)[17], consacrée à l'art contemporain. L'exposition, conçue par Nancy Campbell, s'axe sur la mythologie, les Inuits et les difficultés de la vie dans l'Arctique.

En , Annie Pootoogook remporte le Prix artistique Sobey et reçoit la somme de 50 000 $(CDN)[18]. Ce prix est accordé annuellement à un artiste de moins de 40 ans qui a exposé son travail en public ou en galerie commerciale au Canada au cours des 18 derniers mois. Le communiqué de presse indique le « travail [d'Annie Pootoogook] reflète à la fois le moment actuel d'une tradition spécifique et celui d'une pratique du dessin contemporaine ».

Après avoir remporté le Prix artistique Sobey, ses œuvres sont exposées dans de expositions d'envergure telles que la Biennale de Montréal, Art Basel et la documenta 12. Pootoogook est la première artiste inuite à participer à la documenta, exposition d'art contemporain de Cassel (Allemagne)[19].

En 2009 et 2010, son travail est présenté lors d'expositions dans plusieurs galeries dont l'Agnes Etherington Art Centre de (Kingston, Ontario), le Musée National des Indiens d'Amérique (Washington, DC) et le George Gustav Heye Centre (Manhattan, New York), et, toujours en 2010, à la Biennale de Sydney.

En 2012, elle expose encore au Massachusetts Museum of Contemporary Art. Organisée par Denise Markonish, l'exposition intitulée Oh, Canada présente 62 artistes canadiens, dont sa cousine Shuvinai Ashoona[20],[21],[22]. Elle y est la seule artiste professionnelle de la région d'Ottawa.

Collections

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La petite galerie Feheley Fine Arts[23] de Toronto assume la principale responsabilité du catalogage et de la vente de son travail.

L'attribution en 2006 du Prix artistique Sobey influe sur la perception de l'art inuit et fait en sorte que plusieurs institutions canadiennes font l'acquisition d’œuvres de Pootoogook : la Galerie d'Art de l'Ontario (Toronto, Ontario), la Galerie Nationale du Canada (Ottawa, Ontario), et le Feheley Fine Arts, qui détient une importante collection de ses travaux [24].

L'artiste est retrouvée morte dans la Rivière Rideau, à Ottawa, le [25], ce qui crée une onde de choc dans la communauté artistique[26]. Les causes de son décès n'ont pas pu être clairement élucidées[27], de sorte que son nom est ajouté à la liste des 301 cas non résolus de femmes autochtones disparues ou assassinées[28].

Son corps est envoyé à Cape Dorset où un enterrement a lieu dans son village natal. Un service mortuaire a été réalisé entièrement dans sa langue maternelle, l'inuktitut. Sa plus jeune fille se rend à l'enterrement, l'occasion pour elle de rencontrer sa famille inuite au complet pour la première fois.

Le traitement médiatique de son décès n'est pas exempt de préjugés et d'affirmations contribuant à la stigmatisation[29]. Après son décès, l'enquêteur en chef sur l'affaire, le sergent Chris Hrnchiar, met en ligne des commentaires, qui seront par la suite condamnés et qualifiés de racistes et qui donneront lieu à une enquête judiciaire. En , Hrnchiar plaide coupable pour les deux chefs d'accusation de conduite déshonorante en vertu de la Loi sur les Services Policiers, et de commentaires sur une enquête en cours[30]. En 2017, Hrnchiar rencontre sur son initiative le professeur[31] Veldon Coburn, issu de la communauté Anishnaabe. Le professeur a été le premier à réagir au commentaire en ligne de Hrnchiar, et avait déposé la plainte conduisant aux mesures punitives et à la rétrogradation du Sergent Hrnchiar. Afin de présenter ses excuses, le Sergent Hrnchiar avait demandé et obtenu une rencontre avec le professeur Coburn, et a déclaré par la suite : « Je suis chanceux d'être en mesure de vous voir, de présenter des excuses en tête à tête, parce que je sais combien ça fait mal à votre communauté et aux gens que vous aimez ». Coburn a affirmé par la suite avoir été ému par le geste, estimant que Hrnchiar était sincère dans ses remords[32].

Articles connexes

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Liens externes

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Références

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  1. Annie Pootoogook sur L'Encyclopédie canadienne
  2. (en-CA) Sarah Milroy, « Inuit artist Annie Pootoogook’s work revealed the connections between us », The Globe and Mail,‎ (lire en ligne, consulté le )
  3. (en) « Art Fund », sur Art Fund (consulté le ).
  4. Inuit Prints of Cape Dorset - 1980s
  5. « Pitseolak Ashoona » dans L'Encyclopédie canadienne, Historica Canada, 1985–. (consulté le ).
  6. Christine Lalonde, Acquisition Proposal for Nicotye Samayualie’s My Idea, My Style, My Way and Composition (Landscape), accession #46707 and #46708, Curatorial File, National Gallery of Canada.
  7. a et b Pootoogook, Annie, Oxford University Press, coll. « Benezit Dictionary of Artists », (lire en ligne)
  8. (en) Carol Off, « Stereotypes plagued Inuk artist Annie Pootoogook in life as in death, says gallerist », CBC Radio,‎ (lire en ligne, consulté le )
  9. (en) Nancy Campbell, Annie Pootoogook et Art Canada Institute, Annie Pootoogook: life & work, (ISBN 978-1-4871-0234-0 et 978-1-4871-0233-3, OCLC 1156663366, lire en ligne)
  10. « Annie Pootoogook », sur feheleyfinearts.com, Feheley Fine Arts (consulté le ).
  11. a b et c Nancy Art Canada Institute, Annie Pootoogook : life & work, (ISBN 978-1-4871-0234-0, 978-1-4871-0233-3 et 1-4871-0234-8, OCLC 1156663366, lire en ligne)
  12. Zone Arts- ICI.Radio-Canada.ca, « L’art inuit redessiné par Annie Pootoogook », sur Radio-Canada.ca (consulté le ).
  13. Joo, Eungie., Keehn, Joseph., Ham-Roberts, Jenny. et New Museum of Contemporary Art (New York, N.Y.), Rethinking contemporary art and multicultural education, Routledge, 2011, ©2011 (ISBN 978-0-203-84025-2 et 0-203-84025-9, OCLC 714841563, lire en ligne)
  14. Guy Bordin, « Phasages et déphasages. Représentations du temps chez les Inuits de l’Arctique oriental canadien », Globe- Revue internationale d'études québécoises,‎ volume 8, numéro 1, 2005, p. 99–133. (lire en ligne)
  15. (en-CA) Robert Everett-Green, « Annie Pootoogook: A life too short, built on creativity but marred by despair », The Globe and Mail,‎ (lire en ligne, consulté le )
  16. Aurélie Maire, « La diffusion de l’art contemporain inuit canadien par Internet : de l’œuvre d’art à l’internaute », Cahiers du CIERA- Centre interuniversitaire d'études et de recherches autochtones,‎ , p. 143 p. (ISSN 1919-6474, lire en ligne)
  17. (en-CA) James Adams, « A revolutionary Inuit artist’s life imitates her art, darkly », The Globe and Mail,‎ (lire en ligne, consulté le )
  18. (en) « Inuit artist Pootoogook wins $50,000 Sobey Art Award », CBC News,‎ (lire en ligne, consulté le )
  19. (en) « Cape Dorset artist gets prestigious invitation to German art show », CBC News,‎ (lire en ligne, consulté le )
  20. David Balzer, « Shuvinai Ashoona », The Believer, no November/December,‎ (lire en ligne, consulté le )
  21. Nancy Tousley, « Oh, Canada: National Dreams », Canadian Art, sur Canadian Art (consulté le )
  22. (en) Massachusetts Museum of Contemporary Art et Denise Markonish, Oh, Canada : Contemporary art from north North America, Cambridge, MA, MIT Press, , 399 p. (ISBN 978-0-262-01835-7, BNF 42718677)
  23. Canadian Inuit Art - Sculptures, drawings, prints | Feheley Fine Arts
  24. https://www.beaux-arts.ca/magazine/artistes/en-souvenir-dannie-pootoogook
  25. (en) « Inuk artist Annie Pootoogook found dead in Ottawa », CBC News,‎ (lire en ligne, consulté le )
  26. (en-US) « ANNIE POOTOOGOOK », sur DORSET FINE ARTS (consulté le ).
  27. L’enquête sur la mort suspecte d’Annie Pootoogook à Ottawa serait inconcluante | Radio-Canada.ca
  28. Zone Société- ICI.Radio-Canada.ca, « Femmes autochtones disparues ou assassinées : de nouveaux noms s’ajoutent à la liste de CBC | Femmes autochtones disparues et assassinées », sur Radio-Canada.ca (consulté le ).
  29. (en) « Stereotypes plagued Inuk artist Annie Pootoogook in life as in death, says gallerist », sur cbc.ca, CBC Radio, (consulté le ).
  30. (en) « Police officer pleads guilty to making racist comments about dead Inuk artist », CBC News,‎ (lire en ligne, consulté le )
  31. Veldon Coburn - School of Indigenous and Canadian Studies
  32. « 'I want to understand': Ottawa police sergeant openly apologizes for racist comments », CBC Radio,‎ (lire en ligne)