Algèbre vertex

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Richard Borcherds

En mathématiques, une algèbre vertex est une structure algébrique qui joue un rôle important en théorie conforme des champs et dans les domaines proches en physique. Ces structures ont aussi montré leur utilité en mathématiques dans des contextes comme l'étude du groupe Monstre et la correspondance de Langlands géométrique.

Les algèbres vertex ont été introduites par Richard Borcherds en 1986[1], motivées par les opérateurs vertex intervenant lors de l'insertion de champs, dans la théorie conforme des champs en dimension 2. Comme exemples importants, on peut citer les algèbres vertex associées aux réseaux, celle provenant des modules sur les algèbres de Kac-Moody, celles provenant de l'algèbre de Virasoro et enfin le module moonshine V construit par Frenkel, Lepowsky et Meurman en 1988[2].

Les axiomes des algèbres vertex sont une version algébrique de ce que les physiciens appellent une algèbre chirale, dont la définition rigoureuse a été donnée par Beilinson et Drinfeld[3].

Définition[modifier | modifier le code]

Une algèbre vertex est un espace vectoriel , muni d'un élément unité , d'un endomorphisme appelé opérateur de translation et d'une application (linéaire) de multiplication

,

qu'on écrit

,

vérifiant les axiomes suivants :

  1. (Identité) Pour tout ,
    et (autrement dit, pour et ),
  2. (Translation) , et pour tous ,
    ,
  3. (4 points) Pour tous , il existe un élément
    tel que , , et sont les expansions de dans , , et , respectivement.

L'application de multiplication est souvent vue comme une correspondance entre états et champs (où est l'ensemble des champs sur , c'est-à-dire l'ensemble des séries telles que pour tout vecteur on a ) associant une distribution formelle à coefficient opérateurs (un opérateur vertex) à chaque vecteur. Physiquement, la correspondance est une insertion à l'origine et est un générateur infinitésimal des translations. L'axiome des 4 points mélange l'associativité et la commutativité, aux singularités près.

Remarque : l'axiome de translation entraîne que , donc est uniquement déterminé par .

Remarque : l'axiome des 4 points peut être remplacé par l'axiome suivant appelé axiome de localité :Pour tous il existe tel que (où ).

Identités de Borcherds[modifier | modifier le code]

Soient . Le calcul explicite de donne les deux égalités suivantes appelées identités de Borcherds : pour tous ,

  • ,
  • ,

, pour tout .

Algèbres vertex commutatives[modifier | modifier le code]

Une algèbre vertex est dite commutative si pour tout , les opérateurs vertex associés commutent (i.e. ). En particulier cela signifie que pour tous vecteurs dans l'axiome de localité. Une condition équivalente est pour tous et tous entiers .

Si est une algèbre vertex commutative alors pour tout , c'est-à-dire pour .


Une algèbre vertex commutative admet une structure d'algèbre différentielle (i.e. algèbre commutative unitaire munie d'une dérivation). En effet, une algèbre vertex commutative possède une structure d'algèbre commutative unitaire via le produit,où l'unité est et l'opérateur de translation agit comme une dérivation sur (il vérifie la relation de Leibniz) :.Réciproquement toute algèbre différentielle admet une structure d'algèbre vertex commutative.

Exemples[modifier | modifier le code]

Algèbres vertex universelles affines[modifier | modifier le code]

Soit une algèbre de Lie de dimension finie et une forme bilinéaire symétrique définie sur supposée invariante (i.e. ). On pose l'algèbre de Kac-Moody affine associée à . Soit l'espace vectoriel

,

est l'algèbre universelle enveloppante de et où est une représentation de dimension de sur laquelle agit trivialement et agit comme l'identité.

Le théorème de Poincaré-Birkhoff-Witt, nous donne l'isomorphisme d'espaces vectoriels suivant :

.

Les éléments de s'identifient aux éléments de . Pour et , posons . Soit une base ordonnée de . Alors une base de est donnée par : , où tels que si alors .


L'algèbre vertex universelle affine associée à est l'algèbre vertex où l'opérateur translation est donné par, et l'opérateur vertex est défini par et est le produit normé ordonné.

Algèbre vertex d'Heisenberg[modifier | modifier le code]

Si est une algèbre de Lie complexe de dimension (i.e. ) et une forme bilinéaire symétrique invariante non dégénérée alors l'algèbre vertex universelle est appelée algèbre vertex d'Heisenberg de .

Algèbre vertex universelle affine associée à de niveau [modifier | modifier le code]

Si est une algèbre de Lie simple et () où est la forme de Killing de et le dual du nombre de Coxeter. L'algèbre vertex universelle est appelée l'algèbre vertex universelle affine associée à de niveau . On la note .

Algèbre vertex de Virasoro[modifier | modifier le code]

Soit l'algèbre de Virasoro et soit . On considère l'espace vectoriel est une représentation de dimension sur laquelle agit par multiplication par et agit trivialement. On peut définir une structure d'algèbre vertex sur dont une base est donnée par les éléments de la forme avec . Cette algèbre vertex est appelée l'algèbre vertex de Virasoro de charge centrale .

Algèbre vertex conforme[modifier | modifier le code]

Une algèbre vertex est -graduée si et si et implique .

Une algèbre vertex est dite conforme si elle est -graduée et s'il existe un élément dit conforme, tel que l'opérateur vertex associé vérifie, pour tout , les conditions suivantes :

  • ,
  • (autrement dit ),
  • ,

est une constante appelée la charge centrale ou le rang de .

Remarque : ceci munit d'une action de l'algèbre de Virasoro .

Exemple : l'algèbre vertex de Virasoro est conforme de charge centrale . Un vecteur conforme est donné par

Références[modifier | modifier le code]

  1. Richard E. Borcherds, « Vertex algebras, Kac-Moody algebras, and the Monster », Proceedings of the National Academy of Sciences, vol. 83, no 10,‎ , p. 3068–3071 (ISSN 0027-8424 et 1091-6490, PMID 16593694, PMCID PMC323452, DOI 10.1073/pnas.83.10.3068, lire en ligne)
  2. Igor Frenkel, James Lepowsky et Arne Meurman, Vertex operator algebras and the Monster, Academic Press, , 508 p. (ISBN 978-0-08-087454-8, 0-08-087454-1 et 1-281-98205-9, OCLC 316568589, lire en ligne)
  3. Alexander Beilinson, Chiral algebras, American Mathematical Society, (ISBN 0-8218-3528-9 et 978-0-8218-3528-9, OCLC 53896661, lire en ligne)