Académie de Montauban et de Puylaurens

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Ceci est une version archivée de cette page, en date du 29 octobre 2019 à 12:41 et modifiée en dernier par Bot de pluie (discuter | contributions). Elle peut contenir des erreurs, des inexactitudes ou des contenus vandalisés non présents dans la version actuelle.
Académie de Montauban et de Puylaurens
L’ancienne Académie de Montauban.
Présentation
Type
Fondation
Patrimonialité
Inscrit MH (portail en )Voir et modifier les données sur Wikidata
Localisation
Localisation
Coordonnées
Carte

L’Académie de Montauban et de Puylaurens est une université protestante fondée en 1598 d'abord à Montauban, puis transférée à Puylaurens, et supprimée le , sept mois avant la révocation de l'édit de Nantes.

Création de l'Académie et du collège de Navarre

Lorsque le protestantisme s’était introduit à Montauban vers 1556, l’évêque Jean de Lettes avait adhéré à la foi réformée, d’abord en secret, puis en public, après son mariage. Sous l’épiscopat de son neveu et successeur Desprez (1556), qui résidait constamment à la campagne, le calvinisme se propagea rapidement dans la ville.

Après le traité de Nérac signé le , les consuls de Montauban demandèrent au roi Henri III l'autorisation d'ouvrir un collège pour que les écoliers présents à Montauban puissent reprendre leurs études. Henri III leur accorde par lettres-patentes d' « pour l'instruction de la jeunesse aux bonnes lettres ». L'évêque souhaitait que la création de ce collège lui permette de rétablir le culte catholique dans la ville mais les consuls trouvèrent l'appui d'Henri de Navarre, protecteur du parti huguenot. Par lettres-patentes du , il permet aux consuls de construire un collège dans leur ville et accorde une pension de 200 livres « en témoignage de l'affection et bonne volonté qu'il a pour le bien, l'accroissement et la splendeur de cette ville ».

Les premiers cours ont été dispensés dans des maisons particulières comme la maison du pasteur Michel Bérauld, au no 9 de la rue Armand-Cambon. La première pierre du collège de Navarre, rue de Las Clotes (situé au no 12 de la rue Armand-Cambon), à l'emplacement de l'hôpital médiéval de Parias, ne fut posée que le , peu de temps avant la signature de l'édit de Nantes. Le collège fut soutenu par la reine Marguerite qui offrit le une pension de 200 livres pour son entretien. Le collège de Navarre n'ouvrit qu'en 1598[1].

Bien que située à une extrémité de la Guyenne, province où la Réforme comptait tant d’adhérents, Montauban offrait des avantages considérables pour l’établissement d’une académie dans ses murs. La grande majorité de ses habitants avait accueilli les idées nouvelles et témoignait d’un grand zèle pour la cause protestante. Un certain nombre d’églises réformées s’étaient fondées dans les environs. Par les vallées du Tarn, de la Garonne, de l’Aveyron, on pouvait facilement entretenir des communications avec l’Agenais, le Rouergue, l’Albigeois, Toulouse et Bordeaux. En outre, le climat était excellent et le pays très fertile.

L'académie est jointe au collège en 1600 en application des décisions du synode de Montpellier de 1598. Cette académie, une université protestante, est inaugurée le [2]. Le collège était divisé en sept classes : le principal était l’un des sept régents. Le corps professoral se composait, en 1600, de deux chaires en théologie, occupées par Serres et sans doute Michel Bérauld ; une chaire de jurisprudence, de médecine, de mathématiques et de grec ; le ministre Tenant eut probablement l’hébreu, il y avait aussi deux professeurs de philosophie. Il est très probable que les chaires de mathématiques et de jurisprudence sont toujours restées vacantes. Il fallut, faute de ressources, réduire ce vaste plan et se borner à ce qui était le plus nécessaire pour le moment aux Églises réformées, à savoir l’enseignement de la théologie et des connaissances humaines qu’on en tient pour les auxiliaires indispensables, remettant à des temps meilleurs, qui ne vinrent jamais, le soin d’élargir le cercle des études, d’après le programme des règlements de 1600.

L’académie fut placée dans les vastes bâtiments du collège, qui put lui offrir l’hospitalité sans éprouver la moindre gêne : d’ailleurs elle n’avait besoin que de deux ou trois grandes salles pour les leçons, la bibliothèque et les séances des deux conseils académiques.

Partage du collège de Navarre avec les catholiques

Cette académie, qui fut toujours florissante, n’en disparut pas moins au bout de soixante ans. Sa chute, ou plutôt son transfert à Puylaurens ne doivent être attribués qu’à un concours de circonstances fâcheuses, habilement exploitées par des ennemis qui ne pardonnaient pas.

En 1629, date de la restauration du catholicisme dans la ville de Montauban par Richelieu, le premier soin de l’évêque, à son arrivée, fut de réclamer le droit, accordé par Henri III à ses prédécesseurs, de nommer les régents du collège.

L’intendant proposa aux protestants de contribuer pour leur part à l’érection d’un collège destiné aux seuls catholiques, mais les réformés repoussèrent cette proposition et préférèrent céder la moitié de leur collège aux Jésuites. Les tristes résultats de ce nouveau régime ne tardèrent pas à se produire, et les bons rapports entre jeunes gens catholiques et réformés, appelés à vivre sous le même toit et à fréquenter des maîtres en parfait désaccord les uns avec les autres, furent difficiles à maintenir. Les rixes, les échauffourées se multiplièrent pour les motifs les plus futiles. Si les huguenots de Montauban étaient réputés, même au sein des Églises réformées, pour leur intransigeance, on a souvent exagéré leurs mauvais rapports avec les catholiques, surtout de la part des notables, mais il est vrai qu'ils ont difficilement accepté de partager un collège qu'ils considéraient, à juste titre, comme leur appartenant depuis sa création par Marguerite de Navarre[3].

Départ des protestants du collège de Navarre pour Puylaurens

En 1659, une véritable émeute eut lieu. Les élèves catholiques, pour ajouter au lustre d’une fête solennelle de distribution de prix, avaient dressé dans la cour commune du collège un théâtre sur lequel ils comptaient jouer une tragédie. Les protestants, parmi lesquels les proposants se montraient les plus ardents, réclamèrent avec menaces la démolition de l’échafaud ; le ministre et professeur Gaillard était à leur tête. Les consuls des deux religions accoururent au bruit pour apaiser les uns et les autres ; mais ni eux ni les officiers du présidial ne furent écoutés. Gaillard, son collègue Verdier et quelques étudiants insultèrent ces derniers, ainsi que les chaperons catholiques : des syndics, les uns furent battus, les autres poursuivis à coups de pierres jusque dans l’église, où la messe se disait. Les officiers firent bien un prisonnier, mais les protestants revinrent une heure après, armés d’épées, démolirent le théâtre, en jetèrent les débris dans un puits et assiégèrent dans leurs maisons les pères jésuites, qui firent sonner les cloches pour appeler du secours.

L’ancienne Académie de Puylaurens.

L’émeute fut réprimée, mais la population assaillit la prison, délivra les prisonniers, et l’intendant de Fontenay lui-même fut sur le point d’être tué. En représailles, Saint-Luc occupa militairement la ville, fit raser les murailles, abattre la tour de Lisié et quelques ravelins, et arrêter quantité de citoyens compromis. Deux des chefs furent pendus, deux condamnés aux galères perpétuelles, un autre au fouet, une trentaine exécutés en effigie ; Gaillard fut banni à perpétuité. Le nombre des réformés dans le conseil de ville fut réduit à dix sur quarante, le consulat mi-parti aboli, et le collège entier attribué aux Jésuites. L’académie fut transférée à Puylaurens par arrêt du conseil du roi, du .

En vain les protestants envoyèrent-ils à Paris deux notables, Vicose et Pechels, pour obtenir de Louis XIV quelque adoucissement à des mesures si rigoureuses : leur éloquence, qui avait déjà ébranlé la cour, fut vaincue par les rapports des délégués catholiques Le Bret et Pierre de Berthier. La reine mère, le prince de Conti, le secrétaire d’État La Vrillière usèrent de leur influence en faveur de ceux-ci ; le roi voulait même par surcroît construire une citadelle, mais les délégués furent assez fins pour préférer un renfort de catholiques, et on alla demander à Cahors une colonie d’émigrants catholiques pour repeupler la ville. Enfin, la cour des aides de Cahors fut transférée à Montauban, malgré la double opposition des Cadurciens et des officiers du présidial de Montauban. Une fois transportée en bloc à Puylaurens, en 1660, l’académie, s’y maintint jusqu’en 1685, mais sans conserver l’éclat qu’elle avait jeté par intervalles à Montauban. Elle eut néanmoins des professeurs de grand mérite et continua à jouer, quoique dans un centre peu favorable, un rôle très important, jusqu’à sa suppression, dans l’histoire de l’Église réformée.

L’académie de Puylaurens eut son temps de prospérité lorsqu’on s’aperçut, dans la province, qu’un grand nombre de parents, profitant des grands avantages qui leur étaient offerts, envoyaient leurs enfants dans les collèges catholiques, en particulier chez les jésuites. Les synodes provinciaux, notamment ceux de Réalmont, du Milhau, de Caussade, de Mauvesin, de Saint-Antouin, défendirent, à diverses reprises, cette pratique de la façon la plus expresse, sous peine d’excommunication. Il en résulta, bientôt, une affluence inusitée d’élèves dans l’académie de Puylaurens. Ces élèves eurent souvent des professeurs d’un vrai mérite, dont on connaît les noms de Jean Gominarc, Usson, Loquet, Trossières, Bon, Rainondou, Chabbert, Verdier, Théophile Arbussy, André Martel et le professeur d’hébreu Antoine Pérès.

« Chaque école de théologie avait deux professeurs de théologie dont l’un exposait ce qu’on appelait alors les loci communes (dogmatique) et l’autre expliquait l’Écriture sainte, un professeur d’hébreu, deux professeurs de philosophie et un professeur de langue grecque[4] ». Ces six professeurs formaient deux divisions : l’une, composée des deux professeurs de théologie et de celui d’hébreu, comprenait l’enseignement proprement dit de la théologie : le cours d’étude y était de trois ans ; — l’autre, composée des deux professeurs de philosophie et du professeur de grec, était comme une Faculté des lettres dans laquelle on se préparait, pendant deux ans, aux études théologiques. Les élèves ne passaient d’une division dans l’autre qu’après avoir subi un examen qui leur valait le titre de maître ès arts ; et dans les certificats qu’on leur délivrait à leur sortie de l’académie, il était fait mention non seulement de leurs progrès en théologie, mais encore de leurs connaissances en philosophie et en belles-lettres… Il sortit de bons élèves de cette Faculté. Quelques-uns même ont eu depuis un nom célèbre, entre autres : David Martin, Paul Rapin-Thoyras, André Dacier, Pierre Bayle, Jacques Abbadie.

La pauvreté des Églises fit supprimer les chaires de langue grecque ; trois ans après, le synode national de Castres rétablit cet enseignement dans les académies mais, faute de fonds, il fut toujours en souffrance. À la révocation de l’Édit de Nantes, Pérez, qui acquit un juste renom dans l’enseignement des langues orientales, sortit du royaume et mourut à Londres, en 1686.

L’académie de Puylaurens fut la dernière des académies protestantes françaises à disparaître, par arrêt du conseil, le [5], quelques mois avant l'édit de Fontainebleau révoquant l'édit de Nantes qui avait été signé l'année de la décision de faire une académie à Montauban.

Protection

La porte du siège de l'Académie protestante, ancien hôtel de Solignac de Puylaurens, remontée dans le jardin du temple est inscrite au titre des monuments historiques par arrêté du [6].

Notes

  1. Henri Le Bret et Gabriel Ruck, Histoire de Montauban, t. 2, Montauban, Rethoré, , 457 p. (lire en ligne), p. 378-394.
  2. Guy Astoul, Les chemins du savoir en Quercy et Rouergue à l'époque moderne, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, , 392 p. (ISBN 978-2-85816-456-1, lire en ligne), p. 42.
  3. Victor Carrière, « Le collège mixte de Montauban au début du règne de Louis XIV », Revue d'histoire de l'Église de France, vol. 26, no 110,‎ , p. 63-68 (lire en ligne, consulté le ).
  4. Bulletin de la Société de l’histoire du protestantisme français, 2e année, Paris, Agence centrale de la Société, 1854, p. 157.
  5. L’académie de Sedan a été supprimée le 9 juillet 1681, celle de Die, le 11 septembre 1684, pour l'académie de Saumur le 8 janvier 1685. L'académie de Béarn à Orthez a été fermée au moment du rattachement du Béarn au royaume de France, en 1620, celle de Nîmes, à laquelle avait été rattachée l'académie de Montpellier, a suivi en 1664.
  6. « Porte Renaissance de l'Académie », notice no PA81000052, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Mérimée, ministère français de la Culture

Sources

  • Pierre-Daniel Bourchenin, Étude sur les académies protestantes en France au XVIe et au XVIIe siècle, Grassart libraire-éditeur, Paris, 1882 (lire en ligne) ; ce document contient : le Tableau des professeurs et régents connus de chaque académie, pp. 463-468 et le Tableau des principaux élèves connus de chaque académie, p. 469-472.
  • Michel Nicolas, Histoire de l'ancienne Académie protestante de Montauban (1598-1659) et de Puylaurens (1660-1685), Montauban, E. Forestié, (lire en ligne), p. 444.
  • Georges Frêche, Puylaurens. Une ville huguenote en Languedoc, La vie économique, sociale et religieuse dans le pays de Lavaur (1598-1815), Privat (collection Bibliothèque historique Privat), Toulouse, 2001 ; p. 335 (ISBN 978-2-708956087)

Annexes

Articles connexes

Liens externes