Membre chiridien

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Homologie entre la structure de l'endosquelette ichtyen (pterygium) des poissons à membres charnus et celui de l'endosquelette chiridien (chiridium) des premiers tétrapodes : A, B, C[1] possèdent dans leurs nageoires charnues à rayons dermiques[2], des os comparables à ceux du bras, et de l'avant-bras des futurs vertébrés terrestres ; D (Tiktaalik) possède un poignet ; les nageoires charnues sans rayons dermiques et avec des doigts d'Acanthostega (E), d'Ichthyostega (F) et Tulerpeton (G)[3] sont des membres chiridiens[4].
Synapomorphies (caractères dérivés partagés) fondamentales communes aux poissons à membres charnus (A) et tétrapodes (B) : le squelette interne des membres pairs antérieurs et postérieurs s'articule sur les ceintures par un os unique (homologue de l'humérus et du fémur humain).

Les membres chiridiens (du grec ancien χείρ (kheir) : « main ») sont les appendices locomoteurs articulés et munis de doigts des tétrapodes, dérivant probablement de deux paires des nageoires de leurs ancêtres sarcoptérygiens pisciformes. Cette innovation anatomique[5] sert aux premiers tétrapodes aquatiques à nager et marcher sur le fond d'eaux saumâtres (marais côtiers, estuaires, lagunes et autres milieux aquatiques de salinité variable) avant de permettre la mise en place de la quadrupédie, mode de locomotion terrestre initial largement privilégié au sein des vertébrés terrestres[6],[7].

Ils sont originellement au nombre de deux paires articulées comme les nageoires sur une ceinture pectorale et pelvienne, mais peuvent être perdus secondairement, soit en partie (Amphiuma, Chalcides striatus), soit totalement (apodie chez les serpents, les gymnophiones…). Cependant, contrairement au membre ptérygien hétérogène chez les poissons, le membre chiridien (appelé aussi chiridium ou cheiropterygium) constitue un ensemble homogène[8].

Les tétrapodes possèdent deux paires de membres chiridiens dont les os sont mis en mouvement par la force exercée par les tendons à la suite de la contraction des muscles. Ce groupe rassemble aujourd'hui les lissamphibiens (seul groupe survivant de la classe des amphibiens) aux doigts nus et des amniotes (reptiles, oiseaux, mammifères) qui possèdent des étuis cornés couvrant les phalanges terminales des doigts, les griffes (formant notamment des sabots chez les ongulés, et des ongles chez les primates)[9].

Structure

Chacun des membres des tétrapodes est organisé selon un plan défini : stylopode (cuivre), zeugopode (rouge et blanc), autopode (dont le basipode).
Squelette de chauve-souris en vol. Représentation du membre antérieur : stylopode (humérus), du zeugopode (ulna et radius), et de l'autopode (carpe, métacarpes, phalanges). Les phalanges des doigts antérieurs, sauf le pouce[10], sont très allongés et sont réunis par une membrane cutanée alaire appelée patagium.

Le membre chiridien est caractérisé par 3 segments articulés :

  • le segment proximal ou stylopode qui correspond au bras (stricto sensu), comportant l’humérus, ou à la cuisse, comportant le fémur ;
  • le segment moyen ou zeugopode (ou encore zygopode) qui correspond à l’avant-bras, comportant l’ulna et le radius, ou à la jambe (stricto sensu), comportant le tibia et la fibula. Ces os constitutifs du zeugopode peuvent être secondairement soudés (ex : les équidés, la jambe du hérisson) ;
  • le segment distal ou autopode qui correspond à la main ou au pied. Complexe, il se subdivise en trois sous-régions anatomiques :

Évolution

Étude comparative du squelette du membre antérieur de tétrapodes : 120 salamandre, 121 tortue, 122 crocodile, 123 oiseau, 124 chauve-souris, 125 baleine, 126 taupe, 127 homme.
La pronation du membre supérieur traduit une évolution du membre chiridien des vertébrés terrestres : le passage de membres de type transversal[11] à des membres de type parasagittal[12] implique le pivotement vers l'avant de l'autopode (la main), et vers l'arrière du stylopode (visible au niveau du coude dirigé dans le même sens) et une torsion sur lui-même, d'où le croisement des os du zeugopode (avant-bras)[13] en position de pronation[14].

Chez les premiers tétrapodes terrestres, les membres chiridiens constituaient initialement les pattes, permettant la marche quadrupède. Au sein des différentes familles de Tétrapodes, le plan d'organisation général des membres à trois segments est hautement conservé (les membres antérieurs et postérieurs sont ainsi homologues aux bras et jambes humains), mais on observe des variations (modifications dans les proportions des différents os, fusions, réductions ou disparitions de structures) selon les espèces. À la suite de changements radicaux de niche écologique, ces membres ont pu se spécialiser pour permettre différents modes de locomotion. La concordance des morphologies obtenues constitue un exemple typique de convergence évolutive[7].

Quadrupédie

l'adaptation à la course quadrupède est réalisée essentiellement chez les Mammifères, à membre dressé parasagittal[15], par trois modifications concomitantes : l'allongement des membres qui intéresse surtout le métapode mais aussi celle des os proximaux relativement à ceux du segment moyen[16], le relèvement progressif de l'autopode (évolution dans le sens plantigradedigitigradeonguligrade), et la réduction progressive du nombre des doigts (perte des phalanges latérales par rapport à l'extrémité pentadactyle ancestrale)[17].

Vol

Les membres chiridiens (surtout antérieurs) se sont transformés en ailes pour permettre le vol chez les Ptérosaures, les Oiseaux et les Chiroptères. La structure adoptée diffère pour chacun de ces groupes par le nombre de doigts supportant l'aile (respectivement un, deux et quatre).

Nage

Au cours de l'évolution plusieurs groupes de tétrapodes ont adopté un mode de vie aquatique ou semi-aquatique de telle sorte que leurs membres ont évolué en palettes natatoires :

sauropsides fossiles
Mésosauridés, Sauroptérygiens, Mosasaures, Ichtyosaures
mammifères
Cétacés, Siréniens, Pinnipèdes, Lutrinae
oiseaux
Sphenisciformes, Ansériformes, Pelecanidae
anapsides
Chéloniidés

Bipédie

Le membre antérieur chiridien chez les bipèdes ne présente pas de caractères anatomiques évolutifs bien spécifiques. La plupart des théropodes du Mésozoique avaient des membres antérieurs extrêmement courts qu'on suspecte non-fonctionnels. Chez les oiseaux, seuls théropodes du Cénozoique, les membres antérieurs se sont adaptés en ailes, mais ont pu subséquemment chez certains groupes, après la perte de l'aptitude au vol, s'atrophier. Cette atrophie a abouti à une disparition complète chez les Dinornithiformes. Les autres oiseaux non-volants, les ratites, ont conservé leurs ailes au moins sous forme vestigiale. La bipédie existe aussi chez certains primates, essentiellement les descendants d'Homo Erectus, et en particulier chez Homo Sapiens, pour qui les membres antérieurs ont perdu toute fonction locomotrice et se sont spécialisés pour la préhension et, selon certaines analyses[18], pour le lancer.

Reptation

l'apodie est complète chez les serpents[19] et chez les gymnophiones du fait de la reptation.

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Notes et références

  1. A. Eusthenopteron ; B. Gogonasus ; C. Panderichthys.
  2. Le lobe musculaire de la nageoire est frangé de rayons dermiques, pièces exosquelettiques osseuses allongées qui soutiennent la partie périphérique membranaire, non musculaire de la nageoire.
  3. Les membres antérieurs d'Acanthostega (E) ont huit doigts, ceux d'Ichthyostega (F) et Tulerpeton (G) en ont six
  4. André Beaumont, Pierre Cassier, Daniel Richard, Biologie animale. Les Cordés : Anatomie comparée des vertébrés, Dunod, (lire en ligne), p. 203-204.
  5. (en) Mikiko Tanaka, « Fins into limbs: Autopod acquisition and anterior elements reduction by modifying gene networks involving 5’Hox, Gli3, and Shh », Developmental Biology, vol. 413, no 1,‎ , p. 1-7 (DOI 10.1016/j.ydbio.2016.03.007).
  6. (en) Catherine A. Boisvert, « The pelvic fin and girdle of Panderichthys and the origin of tetrapod locomotion », Nature, vol. 438, no 7071,‎ , p. 1145–1147 (DOI 10.1038/nature04119).
  7. a et b Lewis Wolpert, Cheryll Tickle, Alfonso Martinez Arias, Biologie du développement. Les grands principes, Dunod, , p. 639-641.
  8. Membres. Les Grands Articles d'Universalis, Encyclopaedia Universalis, (lire en ligne), n.p.
  9. André Beaumont, Pierre Cassier, Daniel Richard, Biologie animale. Les Cordés, Dunod, , p. 123.
  10. Le pouce libre est utile « durant le vol pour positionner le bord d'attaque de la voilure, tout comme pour les déplacements à pied. L'ancrage du pouce est facilité par sa griffe ». Cf Laurent Arthur, Michèle Lemaire, Les Chauves-souris de France Belgique Luxembourg et Suisse, éditions Biotope, (lire en ligne), n.p.
  11. Membres ancestraux qui se plient en Z et sont situés de chaque côté du tronc, caractéristiques de la posture tentaculaire chez les Amphibiens du Primaire, les Urodèles et Reptiles actuels.
  12. Membres de type dressé, situés sous le tronc, caractéristiques de la posture érigée des Mammifères et des Tétrapodes non mammaliens, secondairement bipèdes (certains Dinosauriens, Oiseaux).
  13. Ainsi, la tête de l’ulna, en position interne au niveau du coude, se retrouve en position externe au niveau du poignet, et inversement pour le radius.
  14. Membres : Les Grands Articles d'Universalis, Encyclopaedia Universalis, (lire en ligne), n.p..
  15. Les membres ancestraux des tétrapodes terrestres sont de type transversal (membres qui se plient en Z chez les Amphibiens du Primaire, les Urodèles et Reptiles actuels).
  16. Parallèlement, l'allongement des tendons permet de stocker plus d'énergie utile à la course quadrupède.
  17. André Beaumont, Pierre Cassier, Daniel Richard, Biologie animale. Les Cordés, Dunod, , p. 210
  18. (en) Researchers say ability to throw played a key role in human evolution, phys.org (article initial dans Nature).
  19. Aurélien Miralles, « Sans pattes : quand les Tétrapodes ne le sont plus vraiment… », Espèces, no 19,‎ , p. 24.
  20. En rouge le basipode, en violet le métapode, en jaune l'acropode, en marron les phanères terminales kératinisées. Le tarse correspond à la région du jarret, la pointe du jarret est homologue du talon.

Voir aussi

Bibliographie

  • (en) Sebastien Steyer, Earth Before the Dinosaurs, Indiana University Press, 2012, p.43-59

Articles connexes