Saint-Maurice-l'Ardoise

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Saint-Maurice-l'Ardoise
Histoire
Fondation
Dissolution
Cadre
Type
Pays

Saint-Maurice-l'Ardoise dit « Camp de l'Ardoise » est un camp militaire situé à Saint-Laurent-des-Arbres dans le Gard.

Camp de prisonniers[modifier | modifier le code]

Il a servi de camp de prisonniers pour les forces d'occupation pendant la Seconde Guerre mondiale.

Caserne[modifier | modifier le code]

Le camp est ensuite utilisé comme caserne pour des compagnies républicaines de sécurité [1].

Centre d'assignation à résidence surveillée[modifier | modifier le code]

À partir de 1957, le camp est transformé en centre d'assignation à résidence surveillée. Le camp s'étend sur un terrain de 15 hectares entouré d'un double grillage de barbelés au-delà duquel s'étire un no man's land de broussailles de plus de 50 mètres de large ceint d'une double ou triple rangée de ribards ou chevaux de frise. Des miradors sont disposés sur tout le périmètre. Le camp est dirigé par un commissaire-divisionnaire assisté de personnel technique. La garde extérieure est assurée par deux CRS (plus de 400 hommes). Sont présents des fonctionnaires des renseignements généraux pour le contrôle des assignés. Y sont internés des Algériens suspectés d'être membres du FLN. L'arbitraire et les conditions de détention sont critiquées par l'Action civique non violente et des défenseurs des droits de l'Homme[2]. Puis des militants partisans de l'Algérie française et des personnes suspectées d'appartenir à l'OAS y ont été internés entre janvier et . Ils se sont regroupés dans l'association ADIMAD.

Camp de harkis[modifier | modifier le code]

De 1962 à 1976, le camp, utilisé comme camp de transit et de reclassement, accueille des Harkis.

En 1975, quatre hommes cagoulés et armés pénètrent dans la mairie de Saint-Laurent-des-Arbres, dans le département du Gard. Sous la menace de faire sauter ce bâtiment à la dynamite, ils obtiennent après 24 heures de négociations la dissolution du camp de harkis proche du village. À l'époque, depuis 13 ans, ce camp de Saint-Maurice-l'Ardoise accueillait 1 200 harkis et leurs familles[3]. Il y régnait, selon Hocine Louanchi dans le film documentaire Hocine le combat d'une vie[4], une discipline militaire, des conditions hygiéniques minimales, violence et répression, et 40 malades mentaux erraient désœuvrés dans un isolement total vis-à-vis de la société française.

Un cimetière provisoire y est aménagé qui selon le registre d’inhumation compte 71 harkis, dont 62 enfants, tous morts entre 1962 et 1964 (l'hiver 62-63 étant particulièrement rigoureux et la rougeole fort active), dont 31 enfants en bas âge. Après la fermeture du camp, aucune inhumation définitive n'est organisée. Début 2022, la secrétaire d’État aux anciens combattants, Geneviève Darrieussecq, se rend sur place et parle de « faute » de l'Etat[3].

En 2019, Nadia Ghouafria, une fille de Harkis dont les parents ont transité dans ce camp, découvre la preuve officielle de l'existence de ce cimetière d'enfants de Harkis dans un document "interdit à la consultation" des archives départementales du Gard, auquel elle a accès après deux ans d'attente. Des fouilles sont menées par des archéologues de l'INRAP le 20 mars 2023 et ont permis de localiser 27 tombes, découvrant des ossements d'enfants enterrés dans des conditions sommaires. Patricia Mirallès, Secrétaire d'Etat aux Anciens combattants et à la Mémoire, présente lors d'une marche blanche le 21 avril 2023 annonce la construction d'un mémorial. Les familles auront la possibilité de recueillir les dépouilles et d'effectuer des tests ADN[5],[6],[7].

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Saint-Maurice-l’Ardoise. Socio-histoire d’un camp de harkis (1962-1976), menée par Tom Charbit, assisté de Mababou Kébé. Cette étude de 269 pages, commanditée par la mission interministérielle aux rapatriés de la Direction de la population et des migrations (DPM) du ministère de l'Emploi, a été publiée en 2005 et est consultable au centre de documentation de la Direction de la population et des migrations. Elle a été distinguée, en 2006, par le prix Sydney-Forado de l'Académie de Nîmes.
  • Une synthèse partielle de 12 pages, titrée Sociographie des familles de harkis de Saint-Maurice-l’Ardoise, a été publiée, en , dans les colonnes du no 130 de la revue Migrations études[8].
  • Retour à Saint-Laurent-des-Arabes est une bande dessinée documentaire de Daniel Blancou dans laquelle l'auteur interroge longuement ses parents, enseignants à la retraite, sur leur expérience d'instituteurs dans les années 1960 au camp de harkis de Saint-Maurice-l'Ardoise.
  • Didier Lavrut, « S'évader de Saint-Maurice-l'Ardoise », Matériaux pour l'histoire de notre temps, La Contemporaine, vol. 92, no 4,‎ , p. 37-44 (ISSN 0769-3206 et 1952-4226, OCLC 14087808, BNF 34396765, lire en ligne)Voir et modifier les données sur Wikidata.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Didier Lavrut, « Saint-Maurice l’Ardoise : Un camp pour activistes dans le Gard en 1962  », Criminocorpus, Justice et détention politique, Répressions politiques en situation de guerre, mis en ligne le 2 décembre 2013, consulté le 2 septembre 2019.
  2. « La France concentrationnaire », Témoignages et documents, no 19,‎ , p. 9 (lire en ligne, consulté le )
  3. a et b Prisca Borrel, « Le cimetière oublié des enfants de Saint-Maurice », sur mediapart.fr, (consulté le )
  4. Le film sur Dailymotion [1] ou Vimeo [2]
  5. « Les enfants de l’oubli d’un ancien camp de harkis », sur Le Monde, (consulté le )
  6. « "Ils ont été jetés à même la terre" : dans le Gard, la sidération des familles de harkis après la découverte d'un cimetière d'enfants oublié », sur France TV, (consulté le )
  7. « Dans le sud de la France, des tombes d'enfants harkis révélées par des fouilles », sur Le Point, (consulté le )
  8. voir la version en ligne, au format .pdf (265 Ko).