Rhinoglottophilie

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En phonétique, la rhinoglottophilie fait référence au lien entre l'articulation laryngale (consonnes pharyngales et glottales) et nasale. Le terme a été créé par James A. Matisoff en 1975[1],[2].

Propriétés[modifier | modifier le code]

La glottophilie repose sur la proximité acoustique dans la production phonétique du larynx et du nez, comme le montrent les légers antiformants que chaque articulation peut produire sur un spectrogramme. Cela tient au fait que les deux articulations utilisent des résonateurs ramifiés : en effet, l'articulation nasale utilise les cavités nasale et buccale comme résonateurs, tandis que l'articulation pharyngale a pour résonateurs les cavités buccale et subglottale ; dans les deux cas, c'est ce phénomène qui produit des antiformants.

Conséquences[modifier | modifier le code]

En synchronie[modifier | modifier le code]

La rhinoglottophilie est notamment révélée par la propension de consonnes glottales à affecter nasalement les voyelles adjacentes. En krim, une langue sans voyelles nasales distinctives, les voyelles sont fortement nasalisées après la consonne /h/. Le même phénomène se produit après les consonnes /h/ et /ʔ/ en pirahã. Il est également attesté dans certaines variétés d'anglais américain, comme [hɑ̃ːvəd] pour Harvard par les Kennedys[3].

En diachronie[modifier | modifier le code]

La rhinoglottophilie a pu jouer un rôle dans le développement de l'inor. Cette langue possède des voyelles nasales, ce qui est inhabituel pour une langue gouragué, qui dans de nombreux cas sont situées où, comme en témoignent d'autres langues de sa famille, une consonne laryngale a été perdue[4]. La rhinoglottophilie a été documentée dans d'autres langues gouragué[5]. Des processus similaires ont également été signalés en irlandais[6], en basque[7], dans les langues hlaï[8] et en lunyole, où le bantou *p apparaît sous la forme de /ŋ/ plutôt que /h/ comme dans les autres dialectes du luyia.

L'avestan montre également des signes de rhinoglottophilie : le *‹s› proto-indo-iranien devient normalement ‹h› en avestan, mais est devenu /ŋ/ entre /a/ ou /aː/ et /r, i̯, u̯/ ou /a, aː/. Les exemples incluent ”aŋra, « mal » (en sanskritasra”), ”aŋhat̰”, « il peut être » (sanskrit ”ásat”), et ”vaŋ́hō”, « meilleur » (sanskrit ”vasyas”)[9].

Bien que la rhinoglottophilie soit le plus souvent liée aux consonnes glottales en particulier, elle concerne en fait toute l'articulation laryngale (consonnes glottales, pharyngales et parfois uvulaires). Par exemple, des correspondances telles que le mot khoïkhoïxárà”, « suricate » et le mot khwe ”xánà, « mangouste rayée » (et des correspondances similaires entre les clics nasalisés et non nasalisés) témoignent de la pharyngalisation vocalique en proto-khoe.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. James A. Matisoff, Nasálfest : Papers from a Symposium on Nasals and Nasalization, Universals Language Project, Stanford University, Stanford, , 265–87 p., « Rhinoglottophilia: The Mysterious Connection between Nasality and Glottality »
  2. « 'Rhinoglottophilia' re-visited: observations on 'the mysterious connection between nasality and glottality' », Linguistics of the Tibeto-Burman Area, vol. 10,‎ , p. 44–62
  3. G. Tucker Childs, An Introduction to African Languages, John Benjamins, , 61–62 p. (ISBN 978-90-272-9588-0, lire en ligne)
  4. Robert Boivin, Essays on Gurage language and Culture, Wiesbaden, Harrassowitz Verlag, , 239 p. (ISBN 978-3-447-03830-0, lire en ligne), « Spontaneous nasalization in Inor », p. 2133
  5. « Nasal spreading, rhinoglottophilia and the genesis of a non-etymological nasal consonant in Mesmes », Proceedings of the Annual Meeting of the Berkeley Linguistics Society,‎ , p. 13–24
  6. « Processes in nasalization and related issues », Ériu, vol. 53,‎ , p. 109–32
  7. Igartua, « Diachronic effects of rhinoglottophilia, symmetries in sound change, and the curious case of Basque », Studies in Language, vol. 39, no 3,‎ , p. 635–63 (DOI 10.1075/sl.39.3.04iga)
  8. Peter K. Norquest, A Phonological Reconstruction of Proto-Hlai, Ph.D. dissertation. Tucson: Department of Anthropology, University of Arizona, (lire en ligne)
  9. Javier Martínez et Michiel de Vaan, Introduction to Avestan, Leiden, Brill, , 36–37 p. (ISBN 978-90-04-25809-9)