Manuel Chrysaphes

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Manuel Chrysaphes
Biographie
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Manuel Doukas Chrysaphes (1415-1480) était un chanteur, compositeur et théoricien musical byzantin du XVe siècle. Natif de la Thrace, il s’illustra notamment à la cour des derniers empereurs de l’Empire byzantin avant la chute de Constantinople. Pendant les règnes de Jean VIII et Constantin XI Paléologue, Manuel Chrysaphes écrivit et composa de nombreuses œuvres : près de 300 peuvent lui être attribués dont un fameux traité sur l’art du chant qui eut une influence considérable sur ses successeurs.

Manuscrit montrant le système de notation primitif de la musique byzantine (1433).

Mise en contexte

La prise de Constantinople par les croisés en 1204 avait déjà beaucoup affaibli l’Empire. Après la Quatrième Croisade, les croisés ont créé l’Empire latin de Constantinople pour succéder à l’Empire byzantin. L’État latin ne sachant comment bien administrer son nouvel empire, la richesse et la puissance de Byzance s’écroula rapidement. Trois entités se disputaient alors le titre de basileus et la perduration du monde byzantin : l’Empire de Trébizonde dans la région du Pont, l’Empire de Nicée en Asie Mineure, et le Despotat d'Épire en Grèce. En 1261, Michel VIII Paléologue de l’Empire de Nicée organisa une expédition et reprit la capitale perdue depuis un demi-siècle des mains des Latins[1].

L’Empire byzantin tenta alors un retour à sa puissance d’antan, mais trop de dissensions au sein d’un territoire épuisé rendirent éphémère une réelle renaissance du monde byzantin tel qu’il l’était cinquante ans auparavant. Les entités politiques qui avaient perduré pendant l’occupation latine rendirent difficile une reconstitution territoriale solide et unifiée. Certaines refusèrent de se soumettre à l’autorité de la dynastie Paléologue qui venait de reconquérir le trône de l’Empire[2]. Le siècle et demi qui suit la reconquête voit l’Empire s’amenuiser et perdre en stature jusqu'à la fatidique prise de la Nouvelle Rome par les Turcs ottomans de Mehmet II, le .


Sa vie et son œuvre

La musique byzantine s’inscrit comme une forme d’expression unique et particulière qui doit beaucoup à Manuel Doukas Chrysaphes. Dans les somptueuses cathédrales impériales de Byzance, l’art et la musique occupaient une place de choix. Manuel Chrysaphes devient l’un des musiciens les plus prolifiques de son temps. Né au début du XVe siècle, la jeunesse de Manuel Chrysaphes se déroula donc à une époque où l’Empire byzantin avait déjà beaucoup rétréci et où la menace ottomane pesait de plus en plus sur les frontières très irrégulières.


Image illustrative de l’article
Jean VIII Paléologue
Image illustrative de l’article Constantin XI Paléologue
Constantin XI

Jeunesse et éducation

Né entre 1410 et 1420 sur la côte de la mer de Marmara à Selyvria, ville aujourd’hui en ruine dans l’est de la Thrace[3], Manuel Chrysaphes serait le petit-fils de Gregorius Hieromonachos de Selyvria, un autre compositeur renommé de l’Empire. Selon l’étude faite par Spirydon Antonopoulos, Manuel Chrysaphes aurait bénéficié d’une éducation destinée à l’élite. Son écriture soignée en grec ecclésiastique respecte une forme et une rhétorique rigide qui n'était pas donnée à tous. Antonopoulos mentionne également qu’il est fort plausible que Chrysaphes ait bénéficié des enseignements musicaux et artistiques de son grand-père, même si aucune preuve tangible n’atteste d’une quelconque transmission de savoirs. En fait, nous ne savons que très peu de choses de la vie qu’a pu mener Manuel Doukas Chrysaphes avant son arrivée à Constantinople vers 1440.


La vie à la cour impériale

Lors de ses années à la cour des derniers empereurs Paléologue, Chrysaphes occupe l’office du lampadarios. Ce poste consiste essentiellement à diriger le chœur gauche lors des grandes messes et des célébrations religieuses. Celui de droite était mené par le protopsalte[4]. Le lampadario devait également chanter et mener la procession durant les cérémonies importantes comme celle de Noël ou de Pâques[5]. Il détient aussi la fonction de maistoros.

Manuel Chrysaphes occupe les prestigieux postes de lampadarios et de maistoros (sans qu’on sache s’il tint les deux en même temps ou quand il occupa chacun respectivement)[6] et devient rapidement un compositeur prisé des grands de l’Empire[7]. Chrysaphes s’illustre à la cour des empereurs et est le sujet d’admiration de Jean VIII et de Constantin XI qui lui commande d’ailleurs spécialement des textes et des chants religieux. Antonopoulos affirme qu’il est fort probable qu’il ait pu faire partie du cercle intime et exclusif de Constantin XI. Manuel Chrysaphes fut le dernier lampadarios de la cour impériale byzantine.

Son œuvre

Son approche novatrice et ses théories nouvelles sur les chants religieux et sur la musique en général font de lui un précurseur des mélodies liturgiques. Ses écrits, dont le fameux On the Theory of the Art of Chanting and On Certain Erroneous Views That Some Hold about It et les quelque trois cents textes et œuvres laissés par Chrysaphes ont marqué ses successeurs qui ne cessent d’en faire l’éloge et d’en utiliser les préceptes. Il écrivit de nombreux psaumes et pour les offices de Matines et de Vêpres qui lui survécurent et qui posèrent des jalons directeurs pour les écritures musicales religieuses qui suivirent.

Il fut même surnommé à titre posthume par Jean Plousiadenos, un de ses successeurs, tout aussi influent et élève potentiel, le “nouveau Coucouzèle”[8]. Ledit Jean Coucouzèle fut également un grand chanteur et compositeur prolifique. Au XIIIe siècle, Coucouzèle était fort reconnu et son œuvre ne fut pas sans influence sur le travail et l’œuvre monumentale de Manuel Chrysaphes. De ces hommes naquit la musique néo-byzantine[9].

L'Empire byzantin en 1450.

Ses voyages

La chute de Constantinople força la cour à se déplacer vers de nouveaux lieux. Nous savons que Manuel Chrysaphes voyagea après la prise de Constantinople à Smenderevo, en Serbie. Il alla ensuite vers Mistra, capitale du Despotat de Morée, où le pouvoir impérial se déplaça à la suite de la conquête ottomane de la capitale. Une présence prolongée est également attestée en Crète entre 1459 et 1469, où il aurait peut-être rencontré Jean Plousiadenos mentionné plus haut. La Crète étant à l’époque un territoire vénitien, il paraît presque étonnant de voir un intellectuel grec s’attarder aussi longtemps en terre latine étant donné l’animosité et la méfiance qui régnait entre les deux cultures. Manuel Chrysaphes écrivit sur place de nombreux chants pour honorer les Saints Orthodoxes[10] qui laissèrent une influence profonde sur la culture musicale crétoise. On le vit ensuite aller sur l'île de Chypre, avant la conquête ottomane de l'île, et dans la principauté de Moldavie-Valachie, au nord de la Thrace. Ses nombreux déplacements et sa productivité considérable permirent une diffusion de la musique religieuse byzantine.

Bibliographie

ANTONOPOULOS, Spyridon, The Life and Works of Manuel Chrysaphes the Lampadarios, and the Figure of Composer in Late Byzantium. Unpublished Doctoral thesis, City, University of London, 2014

KAPLAN, Michel, Byzance, Guide Belles Lettres des Civilisations, Paris, 2012

WEBER, Édith, PORTE, Jacques, Musique religieuse chrétienne : le chant byzantin, Encyclopædia Universalis, consulté le . URL : http://www.universalis-edu.com.proxy.bibliotheques.uqam.ca/encyclopedie/musique-religieuse-chretienne/

Notes et références

  1. Michel Kaplan, Byzance, p. 36
  2. Ibid.
  3. Spyridon Antonopoulos, The Life and Works of Manuel Chrysaphes (…), p. 64
  4. Michel Kaplan, Byzance, p. 238
  5. Spyridon Antonopoulos, The Life and Works of Manuel Chrysaphes (…), p.96
  6. Ibid., p. 80
  7. Ibid., p. 66
  8. Spyridon Antonopoulos, The Life and Works of Manuel Chrysaphes (…), p.78
  9. Édith Weber, Jacques Porte, Musique religieuse chrétienne, Encyclopedia Universalis
  10. Spyridon Antonopoulos, The Life and Works of Manuel Chrysaphes (…), p. 108