Esclavage au Mali
L’esclavage est un phénomène courant au Sahel et se traduit souvent par la domination d'un groupe ethnique par un autre. Il concernerait au moins 300 000 personnes au Mali[1].
Structure sociale et ethnique
Les ethnies soninkée, malinkée et peule sont divisées en castes : les nobles, les artisans, les griots - et les esclaves, ou descendants d'esclaves[2].
Dans la région de Kayes existe un phénomène spécifique qui est l'esclavage par ascendance[3]. La condition servile se transmet dans ce cas par la mère. Tout enfant né d'une femme esclave le sera à son tour, quel que soit le statut de son père. Ainsi, de génération en génération, ces enfants deviennent les serviteurs des descendants du maître. Ils sont leur propriété. Bien qu'assimilés culturellement, les Bellas parlent tamasheq, la langue touareg ; les Haratins sont arabophones ; les Dyons maîtrisent le bambara, ces individus n'ont aucun droit[1].
Histoire
L'esclavage au Mali existait avant la conquête arabe. Ainsi, chez les Soninkés, ce pourrait être la conséquence d'un système de castes antérieur aux contacts entre l'Afrique de l'Ouest et le monde arabo-musulman[4].
Soumaoro Kanté, roi du Sosso, tenta de soulever les Malinkés contre la traite esclavagiste pratiquée par les Soninkés et les Maures, mais échoua d’une part ; Soundiata Keïta, après avoir défait le même Soumaworo à Kirina en 1235, fit adopter la “Charte de Kurukanfuga”, dont une clause interdisait l’esclavage[5].
L'esclavage fut officiellement interdit au Mali en 1905[6] par l'administration coloniale[7].
Dans la région de Kayes, entre 1895 et 1935, des esclaves fondèrent des villages à la suite de révoltes contre les nobles[8].
Situation actuelle
« Tabou absolu », l'esclavage se pratique encore dans quasiment toutes les communautés du pays à l'exception de quelques ethnies du Sud[1].
Chiffres
En 2013, au moins 300 000 esclaves à part entière seraient présents dans le pays, selon Naffet Keïta, anthropologue à l'université de Bamako. En incluant les descendants et les affranchis, méprisés en raison de leurs origines, la question concerne plus de 850 000 personnes, soit près de 7 % de la population. Au terme d'une enquête de terrain, Naffet Keita a réalisé une géographie régionale de l'ampleur du problème : de 30 à 35 % de la population autour de Tombouctou (nord du pays), 30 % à Mopti (centre), 20 % à Gao (nord-est), de 12 % à 15 % à Kayes (ouest) seraient concernés[1].
Lutte contre l'esclavage
Des mouvements de lutte contre l'esclavage ont existé dans le passé[9], de manière plus ou moins formalisée, qu'il s'agisse de résistances individuelles ou collectives.[10],[11]
Plusieurs organisations luttent actuellement contre l'esclavage:
- Le Rassemblement malien pour la fraternité et le progrès (RMFP)[12], dont le slogan est Gambana (Tous égaux). Ce slogan/mouvement rassemble diverses organisations au Mali et au delà[13].
- L'organisation Temedt, créée en 2006[14],[1].
- Le Mouvement pour la sauvegarde des droits de l'Homme (MSDH)[15].
Toutefois, les pro-esclavagistes parviennent à maintenir un statu quo grâce à leur assise financière et les droits fonciers coutumiers des villages, perpétuant l'«esclavage par ascendance »[16].
Ainsi, en septembre 2020, quatre personnes sont assassinées à Djandjoumé, dans la région de Kayes, pour avoir refusé leur statut d’« esclave »[17],[18].
Plus tard, en septembre 2021, un esclave héréditaire est tué et six autres personnes blessées lors de violences imputées à des individus se considérant comme leurs maîtres[19],[20],[21].
Références
- Boris Thiolay, Mali, la révolte des esclaves, lexpress.fr, 17 mai 2013
- Résister à "l'esclavage par ascendance" dans le sud-ouest du Mali
- Mali : Kayes, l'esclavage en héritage, tv5monde.com
- L'esclavage chez les Soninkés : du village à Paris, Yaya Sy, Journal des Africanistes Année 2000 70-1-2 pp. 43-69
- Anti-Slavery International & Association Timidira
- Les Diambourou : esclavage et émancipation à Kayes (Mali)
- Reconfigurations sociales à la suite de l’abolition de l’esclavage au Mali (1905-1940) – Marie Rodet
- Mémoires de l’esclavage dans la région de Kayes, histoire d’une disparition
- (en) Lotte Pelckmans, « West African Antislavery Movements: Citizenship Struggles and the Legacies of Slavery », Stichproben, (lire en ligne)
- Rodet, Marie., « The Diambourou slavery and emancipation in Kayes, Mali = Diambourou : esclavage et émancipation à Kayes, Mali. », [éditeur non identifié], (consulté le )
- Lotte Pelckmans, « Fugitive emplacements: mobility as discontent for wahaya concubine women with slave status in the transnational borderlands of Niger–Nigeria, 1960–2016 », dans Invisibility in African Displacements, Zed Books, (lire en ligne)
- RMFP (Rassemblement Malien pour la Fraternité et Le Progrès
- #MaliSansEsclaves : à Kayes, persécutés au nom de la coutume
- Mali : L’esclavage par ascendance au Nord et au Centre du Mali
- Mouvement pour la sauvegarde des droits de l’Homme : Esclavage, une pratique qui a pignon sur rue en milieu Soninké
- Pourquoi l’« esclavage par ascendance » subsiste encore au Mali
- Pour avoir refusé leur statut d’« esclave » : Quatre personnes sauvagement assassinées à Djandjoumé
- Mali : Lynchage de militants anti-esclavagistes à Djandjoumé (Kayes) dans la nuit du 1er septembre: Le MSDH demande «l’arrestation immédiate des auteurs»
- Un esclave tué au Mali, plusieurs autres blessés lors de violences
- Mali : un homme en état d'esclavage tué, plusieurs autres blessés lors de violences
- "Les esclaves ne feront pas la fête dans notre village" : des vidéos montrent la violence du système des castes au Mali
Annexes
Bibliographie
- Naffet Keita (dir.), L'esclavage au Mali, L'Harmattan, 2012, 161 p. (ISBN 978-2-296-55707-9)
