Abus sexuels dans la congrégation des Clercs de Saint-Viateur

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Les abus sexuels dans la congrégation des Clercs de Saint-Viateur désignent les agressions sexuelles commise au sein de cette institution par plus de 240 de ses clercs et agents pastoraux au Canada entre 1940 et 2012.

Historique[modifier | modifier le code]

Recours collectifs[modifier | modifier le code]

En justice civile, les Clercs de Saint Viateur ont été visés par plusieurs recours collectifs :

Collège classique de Cornwall[modifier | modifier le code]

En janvier 2001, une poursuite au civil est intentée contre les Clercs de Saint-Viateur par d’anciens élèves du Collège classique de Cornwall en Ontario en marge du scandale du réseau de pédophilie à Cornwall[1].

En 2004, un règlement hors cours avec bâillon pour les plaignants[réf. nécessaire].

Sourds et Muets[modifier | modifier le code]

En juin 2012, le Centre de la communauté sourde du Montréal métropolitain dépose une requête pour intenter un recours collectif au nom d’environ 75 enfants sourds et muets abusés par des religieux et membres du personnel de l'Institut Raymond-Dewar entre 1940 et 1982. On compte alors 38 abuseurs dont 26 clercs[2].

En février 2016, une entente hors cours est approuvée et l’Institut Raymond-Dewar doit régler 10 millions de dollars et les Clercs de Saint-Viateur qui dirigeaient l’institution et y enseignaient doivent payer 20 millions de dollars[3],[4].

Collège Bourget et al.0[modifier | modifier le code]

En novembre 2017, une requête est déposée pour intenter une action collective au nom de plus de 300 victimes d’agressions sexuelles par des Clercs de Saint-Viateur.  Plus de 200 clercs et laïcs y sont nommés suite à des dénonciations sous serment pour des abus sexuels commis entre 1940 et 2003[5]; au moins 40 d'entre eux étaient décédés au moment du dépôt du recours collectif.

Le collège Bourget à Rigaud.

Cette action collective vise non seulement la congrégation religieuse mais aussi les établissements d’enseignement, les résidences et les camps d’été dirigés par celle-ci. Cela comprend en particulier le Collège Bourget, à Rigaud, l’Institut des sourds de Charlesbourg, à Québec, et le camp Ozanam, en Outaouais.

En août 2019, le recours collectif est autorisé. On y comptait alors 414 dénonciations par 345 plaignants contre 185 individus nommés et 32 sans nom (surveillant de dortoir, prof de maths, etc.).  À eux seuls, les 32 individus identifiés 3 fois ou plus sont responsables de 202 des 414 abus dénoncés (48,8%).

En février 2022, une entente hors cours qui prévoit un versement de 28 millions de dollars aux victimes est soumise pour approbation de la cour.  Cette approbation sera retardée par l’opposition d’un membre dissident qui conteste les honoraires des avocats[6].

En avril 2023, la cour d’appel entérine l’entente avec des honoraires réduits de 5%.

Au total, les avocats ont reçu 473 dénonciations sous serment, mais six plaignants se sont désistés en cours de route (surtout des successions qui avaient été refusées par les héritiers).

En mars 2024 l’adjudicateur Claude Champagne a complété son analyse des dénonciations restantes et, au total, le juge a accepté 454 réclamations et en a rejeté 13. Des indemnités et une lettre d'excuse ont été transmises à ces 454 plaignants pour clore le dossier.

Malheureusement, aucune somme d'argent ne saurait effacer de la mémoire des survivants le souvenir des abus commis par des adultes en qui ils avaient confiance.

Clercs dénoncés publiquement[modifier | modifier le code]

Recours des sourds et muets[modifier | modifier le code]

Le 18 février 2016, The Gazette obtient le droit de publier les noms[7] des clercs (prêtres ou frères) et le nombre de dénonciations pour abus sexuel par des mineurs sous leur protection à l'institut des sourds et muets de Montréal. (Certains ont aussi été dénoncés dans le recours de 2017.)

Reportage de TVA[modifier | modifier le code]

En octobre 2019, TVA diffuse un reportage de l’émission JE intitulé le "Poids du silence"[8]. Filmé à l’été 2019 ce reportage identifie Laurent Madore et Jean Pilon comme ayant déjà été reconnus coupables de crimes à nature sexuelle.  On y voit par trois fois des tentatives d’entrevues avec le P. Pilon.  À la suite de ce reportage, les avocats du recours collectif intenté en 2017 reçoivent plusieurs nouvelles dénonciations du P. Pilon; un phénomène qui se répétera lors de son arrestation en juin 2020.  

Recours Collège Bourget et al.[modifier | modifier le code]

Un total de 189 clercs furent dénoncés nommément par 345 membres du recours collectif de 2017[9].

Arrestations et condamnations[modifier | modifier le code]

En 2011, la SQ appréhende trois religieux de la congrégation des Clercs de Saint-Viateur, George Whissell, Georges Montpetit et Laurent Madore, pour des agressions sexuelles commises sur un enfant de moins de 16 ans vers la fin des années 1970 au Collègue Bourget. En juin 2013, les trois religieux sont assignés à comparaître séparément au palais de justice de Valleyfield pour répondre à des accusations d'attentats à la pudeur, grossière indécence comme le stipulait le Code criminel du Canada à l'époque de ces crimes[10].

En juin 2014, Gérard Whissell est acquitté des accusations qui pesaient contre lui. À plusieurs reprises, la juge Odette Perron répète qu'elle croit le plaignant, que des gestes à caractère sexuel ont été commis au Collège Bourget. Mais que le doute raisonnable force l'acquittement[11].

En août 2014, Laurent Madore plaide coupable et est condamné à 2 jours de prison et à verser 7 500$ à une fondation[12].

En août 2014, George Montpetit est déclaré inapte à subir son procès par une équipe de l'Institut psychiatrique Philippe-Pinel, en raison de son état de santé[11].

En 2016, le prêtre Ronald Léger, membre des Clercs de Saint-Viateur, est condamné à Winnipeg à deux ans de prison pour avoir agressé sexuellement trois enfants âgés de 9 à 18 ans entre 1980 et 2004[13],[14].

En juillet 2016, Jean Pilon est accusé de grossière indécence et d'attentat à la pudeur envers deux plaignants en 1980 et en 1982 à Rigaud. En décembre 2017, il plaide coupable à un chef d'accusation d'attentat à la pudeur et est condamné à 1 an de détention (avec sursis) et à verser la somme de 5 000$ à une fondation[15].

En juin 2020, 5 membres des Clercs de Saint-Viateur, Gérard Whissell et Laurent Madore, à nouveau, ainsi que Jean Pilon, Roger Larue et Raoul Jomphe, sont arrêtés par la police québécoise pour des accusations « d’agression sexuelle, de grossière indécence et d’attouchement sexuel ». Ils enseignaient dans des collèges situés à Rigaud, à Matane et à Pohénégamook[16]. En juillet 2020, trois autres membres de la congrégation sont également arrêtés  : Jean-Maurice O’Leary, Claude Gariépy et Rosaire Blais[17],[18].

En mai 2021, Raoul Jomphe plaide coupable à un chef d’attentat à la pudeur sur un enfant de 11 ans entre 1961 et 1964. Il est condamné à une peine de 18 mois avec sursis et une probation de 18 mois[19].

En juillet 2021, le prêtre Jean Pilon, est condamné à trois ans et demi de prison à Salaberry-de-Valleyfield après avoir avoué des agressions sexuelles envers 12 enfants. Les faits se sont déroulés de 1982 à 1990 au sein du collège Bourget situé à Rigaud en Montérégie au Québec[20],[21].

En décembre 2021, Laurent Madore, membre des Clercs de Saint-Viateur, est condamné à 30 mois de prison[22],[23]

En 2021, Gérard Whissell est condamné à deux ans moins un jour de détention. à servir à son domicile à cause de son état de santé.

En mai 2022, Claude Gariépy, membre des Clercs de Saint-Viateur plaide coupable à Joliette à des accusations de production d’images obscènes. Ainsi il évite la prison mais il doit s’acquitter de 100 heures de travaux communautaires et respecter plusieurs contraintes pendant une période de 18 mois[24],[25].

En octobre 2022, Jean Pilon est condamné à six mois de détention supplémentaire pour une treizième victime[26].

Réactions de la congrégation[modifier | modifier le code]

Sur le site web des Clercs Saint-Viateur, il est fait mention à quelques reprises des recours collectifs et de l'arrestation de 8 membres [27],[28] mais non de la dénonciation de plus de 20% de leurs membres . Un discours du supérieur provincial à la communauté en septembre 2016 est particulièrement troublant à cet égard : Il y fait l'éloge de cinq clercs qui ont contribué à faire fonctionner le centre Champagneur dont quatre avaient déjà été accusés d'agression sexuelle sur des mineurs (Laurent Madore, George Whissell, Jean-Marc Pépin et Alban Malo)[29].

Pour donner suite à la directive du Vatican de février 2019[30], qui oblige les congrégations à se rapporter au Vatican et à dénoncer les agresseurs sexuels avant mai 2020, certains membres de la congrégation ont perdu le droit d’exercer leur ministère, leurs noms ayant été rayés des éditions récentes du bottin du clergé catholique canadien[31].

Mémoire[modifier | modifier le code]

Rolland Brunelle (premier rang à gauche) en 1933.

La ville de Joliette avait donné à une rue et une salle de spectacles le nom de Rolland Brunelle, visé dans un des recours collectifs. En 2022, la ville rebaptise les deux sites[32],[33].

Références[modifier | modifier le code]

  1. « Law suit filed by Dick Nadeau et al against the Viatorians and Diocese of Alexandria Cornwall »
  2. Isabelle Maher, « L'institut de l'horreur », sur Le Journal de Montréal, (consulté le )
  3. Stéphanie Marin, « Les victimes des Clercs de Saint-Viateur se partageront 30 millions », sur Le Devoir, (consulté le )
  4. Nicolas Senèze (avec Radio Canada, Canoë et La Presse), « Indemnisation record pour des victimes d’abus sexuels au Québec », sur La Croix, (consulté le )
  5. Dossier 500-06-000890-174
  6. Jean-Louis Bordeleau, « Les Clercs de Saint-Viateur en voie de verser 28 millions à des victimes de sévices sexuels », sur Le Devoir, (consulté le )
  7. « Clercs de Saint-Viateur c.s.v. (communauté religieuse de prêtres) - La Mémoire du Québec », sur www.memoireduquebec.com (consulté le )
  8. « Le poids du Silence »
  9. « Liste des dénonciations du recours collectif de 2017 »
  10. « Arrestation de 3 Clercs de Saint-Viateur »
  11. a et b David Santerre, « Un Clerc de Saint-Viateur acquitté sur un doute raisonnable », La Presse,‎ (lire en ligne, consulté le )
  12. Dossier 760-01-054946-113
  13. « Ronald Léger : décès de l'ancien prêtre accusé d'agression sexuelle », Radio Canada,‎ (lire en ligne, consulté le )
  14. (en) « Former Winnipeg priest, convicted sex offender facing additional charges dies », CTV News,‎ (lire en ligne, consulté le )
  15. Dossier 760-01-080994-180
  16. « Pédophilie : cinq prêtres et frères arrêtés à Joliette », Journal de Montréal,‎ (lire en ligne, consulté le )
  17. Rezo Nòdwès, « Canada – Affaire de religieux pédophiles : arrestation de trois autres membres des Clercs de Saint-Viateur dont l’un âgé de 93 ans », sur rezonodwes.com, (consulté le )
  18. Marie-Claude Pilon, « Trois autres CSV sont arrêtés pour des infractions sexuelles », sur neomedia.com, .
  19. François Drouin, « Les Clercs de Saint-Viateur s'engagent à verser 28 M$ », Info Dimanche,‎ (lire en ligne, consulté le )
  20. « Un clerc de Saint-Viateur prend la route de la prison pour avoir abusé sexuellement de 12 enfants », Le Devoir,‎ (lire en ligne, consulté le )
  21. François Gloutnay, « Le père Jean Pilon, aumônier puis curé de paroisse, reconnaît sa culpabilité », sur Presence-info.ca, (consulté le )
  22. « Pédophilie; L’ancien agent de pastorale du Collège Bourget prend le chemin du pénitencier », Viva Media,‎ (lire en ligne, consulté le )
  23. Laurent Lavoie, « Les victimes d’un prêtre pédophile se vident le cœur », Le Journal de Montréal,‎ (lire en ligne, consulté le )
  24. « Un frère des Clercs de Saint-Viateur plaide coupable à plusieurs accusations », L'Action,‎ (lire en ligne, consulté le )
  25. « Le frère Claude Gariépy évite la prison », sur MonJoliette.com, (consulté le )
  26. « 6 mois de détention supplémentaires pour un prêtre pédophile », TVA Nouvelles,‎ (lire en ligne, consulté le )
  27. Nestor Fils-Aimé, « Nous croyons à la justice », Les Viateurs du Canada, no 228,‎ (lire en ligne) :

    « Depuis le 23 juin, notre communauté au Canada se trouve prise dans un tourbillon sans précédent. L’arrestation de huit religieux, en trois temps, s’est effectuée avec un grand déploiement médiatique. Rien n’est laissé au hasard. La presse a bien été instrumentalisée. Le sensationnalisme et les scoops sont souvent payants. Avant la lettre et sans un procès, toute la congrégation est déjà condamnée. La présomption d’innocence n’existe pas. Courriels agressifs, insultes, tapage dans les médias, amalgame entre procédure civile et procédure pénale, tout y passe. On entend de tout. Qui dit « Clercs de Saint-Viateur » dit « Église catholique ». Qui dit « Église catholique » dit « prêtres pédophiles ». Qui dit un « Clerc de Saint-Viateur » dit la congrégation entière des « Clercs de Saint-Viateur ». Des voix s’élèvent pour condamner le « silence » de la congrégation sur ce qui ne sont, pour l’instant, que des « allégations ». Toutes les approches autour des arrestations ont déjà scellé la culpabilité de la « congrégation des Clercs de Saint-Viateur ». Pourtant nous avons déclaré notre entière collaboration avec la justice. La congrégation a toujours clairement affirmé sa réprobation de tout acte qui porte atteinte à la dignité humaine. Elle ne pactise pas avec le mal. Un acte pédophile est un acte criminel qui doit être puni selon la rigueur de la loi. La congrégation a toujours exprimé sa grande compassion à l’endroit de toutes les victimes d’actes pédophiles. Elle affirme toutefois que : - Les principes de justice valent pour tout le monde. - Elle ne saurait être réduite et assimilée à des accusations portées contre quelques-uns de ses membres. - La grande majorité des religieux se sont donnés corps et âme au long de 173 ans d’histoire de la congrégation au Canada et n’ont rien à se reprocher. Nous croyons à la justice… J’écris pour ceux qui ont vraiment vécu des traumatismes à cause de pédophiles qui se sont réfugiés sous le couvert de la congrégation; J’écris pour ceux qui se sont engagés dans une vraie recherche de guérison des blessures qui leur ont été imposées par des personnes dont les agissements ont été contraires aux valeurs prônées par la vie religieuse dans laquelle elles se sont engagées; J’écris pour vous, Viateurs, qui souffrez dans votre chair et votre cœur cette période difficile qui éclabousse tout le bien que vous avez accompli au long de vos années d’engagement; J’écris pour vous, Viateurs, qui vous êtes engagés de tout votre être dans la mission à la suite de Jésus-Christ; J’écris pour vous qui vous sentez stigmatisés, honnis, haïs, jugés et condamnés par association. »

  28. « Le recours collectif : où en sommes-nous ? », Les Viateurs du Canada, no 230,‎ (lire en ligne) :

    « Les 16 et 17 décembre, le P. Gervais Dumont, le P. Nestor Fils-Aimé et le F. Jean-Marc St-Jacques participaient à la Conférence de règlement à l’amiable dans le cadre du recours collectif contre les Clercs de Saint-Viateur. Dans le respect de l’entente de confidentialité demandée par le juge André Prévost, nous nous limitons à vous dire que le dossier a progressé. De grands pas ont été accomplis en ces deux jours, mais tout n’est pas réglé. Au cours du mois de janvier, les parties en présence s’échangeront des documents. Tout le monde se retrouvera pour une autre journée de discussion le 4 février 2021. Nous espérons alors arriver à un règlement respectueux de toutes les parties concernées. »

  29. « Communauté du Centre Champagneur », sur Viateurs du Canada, (consulté le )
  30. « Le pape François oblige légalement le clergé à signaler les abus sexuels », TVA Nouvelles,‎ (lire en ligne, consulté le )
  31. « Annuaire de l'Église catholique au Canada 2023/Canadian Catholic Churc », sur fr-novalis (consulté le )
  32. « Malaise à Joliette concernant deux anciens prêtres », Journal de Montréal,‎ (lire en ligne, consulté le )
  33. « Les rues Père-Florian-Bournival et Père-Rolland-Brunelle changent de nom », Journal de Joliette,‎ (lire en ligne, consulté le )

Articles connexes[modifier | modifier le code]