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« Électromouillage » : différence entre les versions

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[[File:Kapillarelektrometer.jpg|thumb|right|L'électromètre de Lippmann]]
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[[Gabriel Lippmann]] est considéré comme le découvreur de ce phénomène qu'il a mis en évidence en [[1875]]<ref name=Mugele>{{Article |langue=en |auteur1=Frieder Mugele |auteur2=Jean-Christophe Baret|titre=Electrowetting: from basics to applications
[[Gabriel Lippmann]] est considéré comme le découvreur de ce phénomène qu'il a mis en évidence en [[1875]]<ref name=Mugele>{{Article |langue=en |auteur1=Frieder Mugele |auteur2=Jean-Christophe Baret|titre=Electrowetting: from basics to applications
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Peu après, [[Antoine Breguet]] met au point un [[téléphone]] à mercure, reprenant le principe découvert par Lippmann : dans ce téléphone, la vibration d'un la surface liquide, enregistrée ou commandée par l'effet d'électromouillage, assure la [[transduction]] électro-acoustique<ref>{{Ouvrage |langue=fr |auteur1=Théodore du Moncel et Bonnafoux |titre=Le Téléphone, le Microphone et le Phonographe |sous-titre= |éditeur=Hachette |collection= |lieu=Paris |année=1878 |volume= |tome= |pages totales= |passage= |isbn= |lire en ligne= }}</ref>.
Peu après, [[Antoine Breguet]] met au point un [[téléphone]] à mercure, reprenant le principe découvert par Lippmann : dans ce téléphone, la vibration d'un la surface liquide, enregistrée ou commandée par l'effet d'électromouillage, assure la [[transduction]] électro-acoustique<ref>{{Ouvrage |langue=fr |auteur1=Théodore du Moncel et Bonnafoux |titre=Le Téléphone, le Microphone et le Phonographe |sous-titre= |éditeur=Hachette |collection= |lieu=Paris |année=1878 |volume= |tome= |pages totales= |passage= |isbn= |lire en ligne= }}</ref>.

Version du 16 juillet 2017 à 12:43

L'électromouillage est un phénomène physique relevant du domaine de la microfluidique, c'est à dire de la manipulation des liquides à petite échelle. Il s'agit d'une modification du mouillage d'une surface par un liquide conducteur grâce à l'application d'une tension électrique. Ce phénomène permet de déformer et déplacer des gouttes de liquide et trouve ainsi de nombreuses applications dans le domaine de la microtechnologie.

Principe physique

L'électromouillage appartient au domaine de la microfluidique, c'est-à-dire qu'il concerne des gouttes de dimensions submillimétriques voir micrométrique, dont le nombre d'Eötvös est très faible, ce qui signifie que le poids devient négligeable devant les forces capillaires mises en jeu.

Principe de base

Principe de l'électromouillage.

La figure ci-contre représente le phénomène d'électromouillage dans sa manifestation la plus simple. Une goutte de liquide conducteur (représenté arbitrairement en vert) est posée sur un substrat conducteur (violet) dont il est séparé par une couche isolante — une capacité électrique se forme donc. L'isolant est suffisamment hydrophobe pour que le mouillage ne soit pas total. Cette capacité vaut par unité de surface :

, pour une épaisseur de diélectrique et une permittivité relative єr

Lorsqu'une tension est appliquée entre le substrat et le liquide (qui doit donc être relié par une électrode), le bilan énergétique fait intervenir deux types d'énergie : l'énergie de mouillage des espèces concernées, et l'énergie électrique stockée dans la capacité.

En prenant en compte cette dernière, on modifie la loi de Young-Dupré, laquelle détermine l'angle de contact au bord de la goutte en situation d'équilibre, dont le cosinus devient[1] :

Où :

- est la tension superficielle entre l'isolant et le liquide.
- est la tension de surface entre le liquide conducteur et le milieu ambiant (air par exemple).
- est la tension de surface entre l'isolant et le milieu ambiant.
- est l'angle de contact, défini comme sur la figure.

On peut aussi exprimer cette relation sous la forme :

est l'angle de contact « au repos » (sans différence de potentiel électrique)

On remarque que la tension électrique intervient au carré, ainsi l'application d'une tension, qu'elle soit positive ou négative, tend toujours à « étaler » davantage le liquide sur la surface. Si la goutte observée est isolante et entourée d'un liquide conducteur, on inverse le phénomène : l'application d'une tension entre le substrat et le liquide conducteur tend à « relever » la goutte[2].

Le phénomène est réversible mais peut présenter un comportement hystérétique qui pénalise les applications. Cet hystérésie est limitée en choisissant le matériau en surface[3].

Déplacement de goutte

Transport de goutte par électromouillage.

On illustre ci-contre le principe de déplacement d'une goutte. Une différence de potentiel est appliquée entre la goutte et l'électrode de gauche, celle de droite est laissé flottante. Il en résulte une forme asymétrique de la goute, car les angles de contacts sont différents, et surtout un bilan des forces non nul, qui déplace la goutte vers la gauche. En pratique, la goutte est « attirée » par l'électrode active. C'est sur ce principe que l'on peut déplacer des gouttes, par un réseau d'électrodes activées séquentiellement[4].

Comportement en fréquence

Si la tension appliquée est alternative, le comportement de la goutte dépend de la fréquence. En basse fréquence, elle se déformera en suivant le carré de la tension instantanée, c'est à dire qu'elle sera toujour en position d'équilibre. En haute fréquence, les phénomènes d'écrantage font que le liquide ne se comporte plus comme un conducteur (et l'électromouillage disparait). Dans une gamme de fréquence intermédiaire, c'est simplement la valeur efficace du signal appliqué qui intervient dans l'équation[1].

Comportement en haute tension

L'équation ci-dessus est valide jusqu'à une certaine limite en tension, où un phénomène de saturation, encore mal expliqué, apparaît. Celà empêche d'atteindre une situation de mouillage total que l'équation permettrait, en élevant la tension au point que le terme de droite de l'équation devient supérieur à 1[5],[1].

En outre, à l'approche de la saturation, l’électromouillage peut devenir asymétrique, c'est-à-dire que des angles de contacts différents sont obtenus pour les tensions et [6].

Lorsque la tension appliquée est importante, l'effet de pointe électrostatique crée un champ électrique localement plus important dans le diélectrique immédiatement sous la ligne de contact. Ainsi peuvent apparaitre à cet endroit une accumulation de charges dans le diélectrique, voire un claquage diélectrique, ce qui a d'ailleurs été proposé comme mécanisme explicatif du phénomène de saturation[7].

Phénomène inverse

le phénomène inverse associé à l'electromouillage (REWOD : reverse electrowetting on dielectric) a été décrit récemment. Considérons une goutte liquide conducteur placée en vis-à-vis d'une électrode. Le dispositif est polarisé, c'est-à-dire qu'une différence de potentiel est appliquée entre la goutte et l'électrode. Si une force mécanique lui est appliquée, forçant la goutte à se déplacer, ce qui réduit la surface en vis-à-vis et donc la capacité, produisant un déplacement de charges électrique. La goutte revient ensuite à sa position initiale, créant un courant dans le sens inverse, mais l'intégrale sur un cycle est non nulle, il y a donc une production nette d'énergie[8].

Combinaison avec des effets photoniques

Photoélectromouillage, optoélectromouillage.

Dans un dispositif d'optoélectromouillage, on cumule le principe de l'électromouillage avec l'utilisation d'un photoconducteur, c'est à dire un matériau dont la résistivité électrique diminue sensiblement lorsqu'il est explosé à la lumière. On crée ainsi un pont diviseur de tension, avec en série la résistance de la couche photoconductrice et la capacité sous la goutte — il faut donc appliquer une tension alternative pour que l'effet diviseur soit présent. Lorsque le photoconducteur est exposé à la lumière, sa résistivité diminue et la tension « vue » par la goutte augmente, ce qui accroît l'effet de l'électromouillage. Localisé, cet effet permet par exemple de déplacer des gouttes à l'aide d'un rayon laser[9].

Le photoélectromouillage est légèrement différent parce qu'il utilise non pas un matériau photoconducteur, mais la capacité créé par une photodiode. Une zone de charge d'espace est présente sous la goutte, ce qui crée un pont diviseur capacitif. La présence d'un rayon lumineux incident réduit l'étendue de cette zone (principe de la photodiode), augmentant la capacité correspondante, et ici encore augmente le mouillage[10].

Historique

L'électromètre de Lippmann

Gabriel Lippmann est considéré comme le découvreur de ce phénomène qu'il a mis en évidence en 1875[5], le liquide conducteur qu'il utilisait était le mercure. Lippman a non seulement observé le phénomène, mais l'a théorisé (l'équation donnée précédemment est souvent appelée équation de Lippman) et en a expérimenté les premières applications, notamment la mise au point d'un électromètre basé sur ce principe, si précis qu'il a permis, quelque années plus tard, d'enregistrer le premier électrocardiogramme de l'histoire[11]. C'est l'objet de sa thèse de doctorat, intitulée Relations entre les phénomènes électriques et capillaires, ses recherches sont également publiées dans les Annales de chimie et de physique la même année.

Peu après, Antoine Breguet met au point un téléphone à mercure, reprenant le principe découvert par Lippmann : dans ce téléphone, la vibration d'un la surface liquide, enregistrée ou commandée par l'effet d'électromouillage, assure la transduction électro-acoustique[12].

Dans ces premiers essais, le liquide est en contact direct avec le substrat conducteur. La différence de potentiel qui peut être appliquée est limitée. Dans une solution aqueuse, le phénomène d'électrolyse se manifeste rapidement. L'électromouillage fait l'objet d'un intérêt renouvelé dans les années 1990, l'utilisation d'un film mince isolant permettant d'appliquer des tensions importante sans déclencher d'électrolyse. A ce moment, la valeur dans l'équation ci-dessus est l'épaisseur physique du diélectrique, en remplacement de la longueur de Debye, il faut donc compenser en appliquer des tensions plus importantes [13].

Applications

Lentilles à focale variable

Une application de ce phénomène physique est la réalisation de lentilles à focale variable pour l'optique[14]. Une cavité cylindrique est remplie de deux liquides présentant les caractéristiques suivantes : l'un est conducteur, l'autre isolant; les deux sont immiscibles et ils présentent un écart d'indice optique. L'hydrophobie permet de séparer les deux liquides, leur interface forme un ménisque qui joue le rôle de lentille. En appliquant une différence de potentiel, l'électromouillage vient modifier la courbure du ménisque et donc la focalisation. Des lentilles de ce type sont sur le marché pour diverses applications, elles sont plus compactes et consomment moins d'énergie que des optiques classiques (modifiant la focalisation par déplacement mécanique des lentilles)[15].

Laboratoires sur puce

Déplacement de gouttes par électromouillage, dans une application en biologie

Une autre application est le transport goutte à goutte de liquide dans les laboratoires sur puce. Une succession d'électrodes sont utilisées pour transporter les produits par goutte, les amener sur les sites d'analyse, ou les mélanger[1]. L'isolant est recouvert d'une surface hydrophobe (telle du SU-8 ou Teflon). Les tensions utilisées sont typiquement de quelques dizaines de volts[6].

Technologie d'affichage EWOD

L'une des technologies de papier électronique utilise l'électromouillage. Dans cette technologie d'affichage, chaque pixel est matérialisé par une cadre de matériau hydrophobe dans lequel se situe une gouttelette d'huile (noire ou calorée), en vis-à-vis avec de l'eau déionisée. L'application d'un potentiel électrique permet d'étaler l'huile pour occuper tout le pixel, ou contraire de lui faire prendre la forme d'une goutte très relevée, rendant le pixel quasiment transparant. Pour réaliser un affichage couleur, on superpose trois niveaux correspondants aux couleurs primaires. Ce type d'affichage est intéressant pour sa conformabilité, sa faible consommation électrique et rapidité[16].

Récupération d'énergie

Le phénomène inverse est utilisé comme méthode de récolte d'énergie. Le déplacement périodique de gouttes, actionné mécanique (par vibration, forces de cisaillement ou différentiel de pression), est utilisé pour produire capacité variable, qui crée le déplacement de charges[8].

Articles connexes

Références

  1. a b c et d Rachid Malk, Ecoulements en gouttes activées par électromouillage (thèse de doctorat), , 246 p. (lire en ligne)
  2. « Control of the Shape of Liquid Lenses on a Modified Gold Surface Using an Applied Electrical Potential across a Self-Assembled Monolayer », Langmuir, no 11,‎ , p. 2242-2246 (lire en ligne, consulté le )
  3. (en) Rohini Gupta, « Impact of Pinning of the Triple Contact Line on Electrowetting Performance », Langmuir, vol. 27, no 24,‎ , p. 14923–14929
  4. (en) Mun Mun Nahar, « Droplet Velocity in an Electrowetting on Dielectric Digital Microfluidic Device », Micromachines, vol. 7, no 4,‎
  5. a et b (en) Frieder Mugele et Jean-Christophe Baret, « Electrowetting: from basics to applications », Journal of Physics: Condensed Matter, vol. 17, no 28,‎ , p. 705-774
  6. a et b (en) Shih-Kang Fan et Al, « Asymmetric electrowetting—moving droplets by a square wave », Applied Physics Letters, vol. 86,‎ , p. 1330-1335
  7. (en) A. G. Papathanasiou, « Manifestation of the connection between dielectric breakdown strength and contact angle saturation in electrowetting », Lab On Chip, vol. 7,‎ , p. 1330-1335
  8. a et b Tom Krupenkin et J. Ashley Taylor, « Reverse electrowetting as a new approach to high-power energy harvesting », Nature Communications, vol. 2, no 2,‎
  9. (en) Pei YuChiou, « Light actuation of liquid by optoelectrowetting », Sensors and Actuators A: Physical, vol. 104, no 3,‎ , p. 222-228
  10. (en) Arscott S, « Light actuation of liquid by optoelectrowetting », Scientific Reports, vol. 1, no 1,‎
  11. (en) Philip Day, Andreas Manz et Yonghao Zhang, Microdroplet Technology: Principles and Emerging Applications in Biology and Chemistry, Springer Science & Business Media, , 246 p. (ISBN 9781461432654).
  12. Théodore du Moncel et Bonnafoux, Le Téléphone, le Microphone et le Phonographe, Paris, Hachette,
  13. (en) Catherine Quilliet et Bruno Berge, « Electrowetting: a recent outbreak », Current Opinion in Colloid & Interface Science, vol. 6, no 1,‎ , p. 35-39
  14. (en) B. Berge and J. Peseux, « Variable focal lens controlled by an external voltage: an application of electrowetting », The European Physical Journal, vol. 3,‎ , p. 159-163
  15. « Des optiques qui focalisent sans bouger », sur usinenouvelle.com/, (consulté le )
  16. H. You et A.J.Steckl, « Three-color electrowetting display device for electronic paper », Applied physics letters, vol. 97,‎