Pierre de foudre

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Pierre de tonnerre, céraunie

Haches préhistoriques (bifaces du Paléolithique et hache polie du Néolithique), du type de celles que les hommes ont cru tombées du ciel avec la foudre.

Les pierres de foudre ou pierres de tonnerre, aussi appelées céraunies (du latin cerauniae), sont des pierres de forme ou d'aspect singulier, que la tradition a longtemps considérées comme des objets tombés du ciel lors d'un orage, ou comme des objets en métal (coin, hache, marteau…) transformés en pierre dans le sol sous l'action de temps ou de la foudre. Il peut s'agir de pierres naturelles ou d'artéfacts, découverts au hasard d'un labour ou dégagés par les eaux de ruissellement (donc plus abondantes après l'orage et la foudre).

Ces pierres dont on n'expliquait pas l'origine donnaient lieu à des cultes et à de nombreuses superstitions, notamment la croyance magico-religieuse en la protection par ces pierres (pratiques apotropaïques). Le théologien Du Hamel, dans son Traité des météores et des fossiles en 1660, théorise un esprit lapifique qui métamorphose les objets métalliques en pierre. À partir du XVIIIe siècle, les antiquaires rompent avec cette conception et commencent à attribuer ces vestiges aux populations qui habitaient la région où elles sont découvertes, avant les Romains[1],[2].

Éléments historiques[modifier | modifier le code]

Dans l'Antiquité romaine, les pierres de foudre ou pierres de tonnerre (cerauniae) pouvaient être, d'après leurs descriptions[3], des objets préhistoriques, des fossiles (notamment des rostres de bélemnites) ou des gemmes, voire de simples pierres d'aspect particulier.

En Europe de l'Ouest les pierres de foudre (ou de tonnerre), appelées céraunies dans la littérature savante jusqu'au XVIIIe siècle, constamment attribuées à l'action de la foudre ou à une chute avec la foudre bien que cette origine ait été contestée dès le XVIe siècle, sont généralement des artéfacts préhistoriques, le plus souvent des pointes de flèches ou des lames de haches polies[4]. Ce sont parfois des pierres de forme ou de couleur remarquable, notamment en Champagne des boules de marcassite[5],[6].

Des vertus apotropaïques leur étaient attribuées, d'où leur utilisation pour éloigner la foudre comme amulette ou comme protection des bâtiments[7]

Antoine de Jussieu fait une communication en 1723 dans laquelle il opère un rapprochement entre des pierres ramenées des Caraïbes et du Canada et celles qu'on appelle en Europe « pierres de foudre » et conclut : « Les peuples de France et d'Allemagne, et des autres pays du Nord, pour ce qui est de la découverte du fer, sont assez semblables à tous les Sauvages d'aujourd'hui et n'avaient pas moins besoin qu'eux, avant l'usage du fer, de couper du bois, de séparer des écorces, de fendre des branches, de tuer des bêtes sauvages, de chasser pour leur nourriture, et de se défendre de leurs ennemis, ce qu'ils ne pouvaient guère exécuter qu'avec de tels instruments, qui n'étant pas comme le fer sujets à la rouille, se retrouvent aujourd'hui dans la terre en leur entier et presque avec leur premier poli. »[8].

Au Viêt Nam les pierres de foudre, censées se former spontanément (ou remonter du sol) trois mois et dix jours après un impact de foudre, sont des silex taillés ou bien des objets en cuivre ou en bronze. Ils sont réputés protéger efficacement de la foudre ou de ses effets funestes[9]. Des pierres de foudre sont également mentionnées en Chine et au Japon[10].

Aujourd'hui, les revendeurs de roches et de minéraux et les géologues amateurs appellent souvent pierres de foudre les fulgurites, des morceaux allongés (souvent tubulaires) de silice amorphe, qui sont effectivement formées par la foudre au point d'impact, dans un sol sableux.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Noël Coye, La préhistoire en parole et en acte : Méthodes et enjeux de la pratique archéologique, 1830-1950, Paris et Montréal, L'Harmattan, coll. « Histoire des sciences humaines », , 338 p. (ISBN 2-7384-6162-X), p. 17-35 [lire en ligne].
  2. (en) Matthew Goodrum, « Questioning Thunderstones and Arrowheads: The Problem of Recognizing and Interpreting Stone Artifacts in the Seventeenth Century », Early Science and Medicine, vol. 13, no 5,‎ , p. 482-508 (JSTOR 20617752).
  3. Notamment Pline l'Ancien, Histoire naturelle, livre XXXVII, chapitres 51 et 55.
  4. Jean Gaudant, « Aux sources de la Préhistoire : Les céraunies, ces pierres étranges supposées tombées du ciel », Travaux du Comité français d'histoire de la géologie, COFRHIGEO, 3e série, t. XXI,‎ , p. 97-112 (HAL hal-00907313, lire en ligne, consulté le ).
  5. Stanislas Meunier, Géologie des environs de Paris ou Description des terrains et énumération des fossiles qui s'y rencontrent, Paris, Librairie de Jean-Baptiste Baillière et fils, , 510 p. (BNF 32445601), p. 44 [lire en ligne].
  6. « Recherches sur la craie blanche », Compte rendu de l'Association française pour l'avancement des sciences, Actes du congrès de Reims – 1907,‎ , p. 378.
  7. En Bretagne, « on en place sous le chaume des étables, au-dessus de la porte de l'écurie, dans le foyer ou sur le toit (Morbihan), dans la cale des bateaux (bords de la Manche) et, autrefois, dans les fondations des maisons à Dinan et à Trévron (C.), et récemment encore dans les murs des maisons neuves du Pays de Guérande ». Cf Paul-Yves Sébillot, La Bretagne et ses traditions : L'enfance, le mariage, les fêtes, les saints, les pardons, le diable, les loups-garous, la sorcellerie, Paris, Royer et Maisonneuve et Larose, coll. « Mémoire vive », , 349 p. (ISBN 2-908670-46-1), p. 317.
  8. Mémoires de Académie Royale des Sciences, 1723, p. 6 à 9. Repris (et disponible sur Gallica) dans Matériaux pour l'histoire primitive et naturelle de l'homme, tome VI, 1875, p. 97-101.
  9. Léopold Cadière, « Les pierres de foudre », Bulletin de l'École française d'Extrême-Orient, t. 2, no 3,‎ , p. 284-285 (DOI 10.3406/befeo.1902.1147, lire en ligne, consulté le ).
  10. Fernand de Mély, « Les pierres de foudre chez les Chinois et les Japonais », Revue archéologique, Paris, Ernest Leroux, 3e série, t. 27,‎ , p. 326-332 (JSTOR 41729730, lire en ligne).

Voir aussi[modifier | modifier le code]

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